Accueil / Monde

Dans les villes reconquises, les ukrainiens découvrent les exactions commises par l’armée de Vladimir Poutine

Temps de lecture

Vue de tombes non identifiées de civils et de soldats ukrainiens dans un cimetière de la zone récemment reprise d’Izioum, dans l’oblast de Donetsk, le 15 septembre 2022, qui avaient été tués par les forces russes au début de la guerre. © Evgeniy Maloletka / AP

La libération de la ville d’Izioum, dans la contre-offensive éclaire qu’a menée l’Ukraine ces derniers jours dans la région de Kharkiv au, entraîne son lot de découvertes macabres. «La Russie laisse partout la mort derrière elle. (…) Le monde doit vraiment tenir pour responsable la Russie de cette guerre. Nous allons tout faire pour cela.», a déclaré dans son adresse quotidienne le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Lire aussi : De Balakliïa à Izioum, l’armée russe recule face à la reconquête éclair des forces de Kievn

Dans cette ville reprise aux Russes et qui abritait un peu moins de 50.000 habitants avant la guerre, les autorités ukrainiennes ont annoncé la découverte d’une «fosse commune» et d’au moins dix «salles de torture». Kiev promet «des informations claires et vérifiées» qui devraient être dévoilées ce vendredi pour corroborer ses accusations. L’ONU a fait part dans la matinée de sa volonté d’envoyer au plus vite une équipe sur place. Des journalistes ont pu se rendre sur place pour documenter l’existence de ce charnier.

Une «fosse commune» et dix «salles de torture»

Le président ukrainien a affirmé jeudi soir qu’une «fosse commune» avait été découverte dans la forêt bordant Izioum. Serhi Bolvinov, un responsable de la police régionale, a précisé sur la chaîne de télévision britannique Sky News que quelque «quatre cent quarante corps» ont été retrouvés à Izioum.

«Nous savons que certains ont été abattus, d’autres sont morts à cause de tirs d’artillerie, de traumatismes dus à l’explosion de mines. Certains sont morts dans des frappes aériennes. Nous avons également des informations selon lesquelles de nombreux corps n’ont pas encore été identifiés», a-t-il précisé. En outre, selon le fonctionnaire du ministère ukrainien chargé de la réintégration des territoires occupés, Oleg Kotenko, «il y a beaucoup de personnes qui sont mortes de faim. Cette partie de la ville était isolée, sans ravitaillement. Les gens étaient bloqués, rien ne marchait.»

Les tombes sur ce site – qui selon le dernier décompte sont au nombre de 450 – ont été creusées pendant les combats et durant l’occupation russe. Des journalistes de l’Associated Press ont pu se rendre sur le site où, au milieu des arbres se trouvaient, ils ont vérifié la présence de centaines de tombes avec de simples croix en bois, la plupart marquées uniquement par des numéros.

Certaines, individuelles, comportent les restes des dizaines d’adultes et d’enfants tués lors d’une frappe aérienne russe sur un immeuble d’habitation de cette ville de l’oblast de Kharkiv, selon un habitant. «Certaines tombes peuvent aussi contenir deux ou trois personnes», a ajouté Oleg Kotenko, précisant que certaines tombes «ne portent pas de noms» et sont probablement «celles de gens (trouvés) dans la rue».

Et une tombe plus grande, surmontée d’une croix portant l’inscription «armée ukrainienne, 17 personnes. Izioum, de la morgue», a également été découverte. Selon le responsable gouvernemental, les vidéos que les soldats russes ont publiées sur les médias sociaux semblent indiquer qu’il y avait probablement davantage de corps dans cette tombe. «Nous ne les avons pas encore comptés, mais je pense qu’il y en a plus de vingt-cinq, voire trente», a-t-il déclaré.

La découverte de ce site a été possible grâce à cette vidéo où l’on y voit un homme parlant en russe : «Nous devons prendre les corps des soldats ukrainiens à la morgue et les enterrer car l’Ukraine n’en veut pas.»

Un militaire ukrainien utilise un détecteur de métaux pour inspecter la fosse commune découverte sur un site d'un cimetière improvisé de civils et de soldats ukrainiens à Izioum, jeudi 15 septembre 2022 . © Oleksandr Khomenko / Reuters

Un militaire ukrainien utilise un détecteur de métaux pour inspecter la fosse commune découverte sur un site d’un cimetière improvisé de civils et de soldats ukrainiens à Izioum, jeudi 15 septembre 2022 . © Oleksandr Khomenko / Reuters

«De nombreux corps n’ont pas encore été identifiés», a souligné Serhi Bolvinov. Des prélèvements d’ADN seront effectués pour aider à l’identification des victimes. Il faudra, toutefois, attendre que les enquêteurs équipés de détecteurs de métaux terminent leur recherche d’éventuels explosifs cachés avant de pouvoir creuser.

Ce matin, le conseiller du président, Mykhaïlo Podoliak, a affirmé que le site d’Izioum «n’est qu’un seul des sites d’enterrements massifs découverts près d’Izioum. Pendant des mois, la terreur, la violence, la torture et les meurtres de masse ont régné en maître dans les territoires occupés» a-t-il ajouté. «Il y a aussi d’autres cimetières dans la ville, mais nous n’y sommes pas allés. Donc on ne sait pas quelle est la situation» dans son ensemble, a déploré Oleg Kotenko.

Mais ce ne sont pas les seules découvertes macabres. Le chef de la police nationale Igor Klymenko a indiqué, ce vendredi, que «dix salles de torture» ont été découvertes dans des localités de la région de Kharkiv. «À ce jour, je peux parler d’au moins dix salles de torture [découvertes] dans des localités de la région de Kharkiv», dont deux dans la petite ville de Balakliïa, a-t-il déclaré, cité par l’agence Interfax-Ukraine.

Poutine, premier responsable

Quelques heures avant l’annonce de la découverte, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en visite à Kiev, a plaidé en faveur d’une comparution du président russe devant la justice internationale pour les crimes de guerre commis en Ukraine, dans une interview accordée au quotidien Bild. Selon elle, il ne fait pas de doute que des crimes de guerre ont été commis en Ukraine, depuis le déclenchement de l’offensive russe fin février.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et Volodymyr Zelensky à côté d’une plaque portant le nom de Mme Von der Leyen, sur l’allée de la Bravoure, à Kiev, le 15 septembre 2022. © Valentyn OGIRENKO / REUTERS

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et Volodymyr Zelensky à côté d’une plaque portant le nom de Mme Von der Leyen, sur l’allée de la Bravoure, à Kiev, le 15 septembre 2022. © Valentyn OGIRENKO / REUTERS

«C’est pourquoi nous soutenons la collecte des preuves» en vue d’une procédure devant la Cour pénale internationale, a ajouté la cheffe de l’exécutif européen. «Les fondements de notre système de droit international demandent que nous poursuivions de tels crimes et, au bout du compte, c’est Poutine qui en est responsable», a-t-elle ajouté. Interrogée sur la probabilité que le chef de l’État russe puisse un jour être traduit devant la justice internationale, Ursula von der Leyen a répondu : «Je pense que c’est possible.»

Lire aussi : 45 pays s’engagent à poursuivre les «actes de terrorisme» russes commis en Ukraine

Le gendarme onusien veut enquêter

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies (ONU) a annoncé, dans la matinée du vendredi, souhaiter envoyer «sous peu» une équipe à Izioum, pour vérifier les allégations des autorités ukrainiennes évoquant une fosse commune et des exécutions. «Nos collègues en Ukraine, de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine, vérifient ces allégations et ils souhaitent organiser une visite à Izioum pour déterminer les circonstances de la mort de ces personnes», a expliqué Elizabeth Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat.

Lire aussi : Ukraine : les reporters sur les traces des crimes de guerre

Le plus haut organe onusien de défense des droits de l’homme a lancé, en mai, une enquête sur les violations commises par les troupes russes en Ukraine. La commission avait recueilli de multiples allégations de crimes de guerre commis par les forces russes dans d’autres villes du pays. «À Boutcha et Irpine, la commission a reçu des informations concernant des meurtres arbitraires de civils, la destruction et le pillage de biens, ainsi que des attaques contre des infrastructures civiles, notamment des écoles», avait déclaré, en juin, le président de la commission, Erik Mose. Les enquêteurs doivent être entendus le 23 septembre par le Conseil.

Volodymyr Zelensky à Boutcha, pour constater l’ampleur des exactions russes dans cette banlieue de Kiev, avril 2022. © Ronaldo Schemidt / AFP

Volodymyr Zelensky à Boutcha, pour constater l’ampleur des exactions russes dans cette banlieue de Kiev, avril 2022. © Ronaldo Schemidt / AFP

«Nous voulons que le monde sache ce qui se passe réellement et ce à quoi l’occupation russe a conduit. Boutcha, Marioupol, maintenant, malheureusement, Izioum…», s’était indigné, jeudi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Nabil El Halfawy, disparition d’une légende égyptienne

Monde - L’acteur Nabil El Halfawy, est décédé dimanche à l’âge de 77 ans, des suites d’une dégradation soudaine de son état de santé.

Rédaction LeBrief - 16 décembre 2024

Corée du Sud : le président Yoon destitué après un coup de force avorté

Monde - Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a été officiellement destitué samedi par le Parlement, suite à sa tentative avortée d’instaurer la loi martiale.

Ilyasse Rhamir - 14 décembre 2024

France : Emmanuel Macron nomme François Bayrou premier ministre

Monde - Ce vendredi 13 décembre, Emmanuel Macron a levé le voile sur la nomination de son nouveau premier ministre.

Farah Nadifi - 13 décembre 2024

UE : les transferts personnels vers les pays tiers dépassent 50 milliards d’euros en 2023

Monde - En 2023, les résidents de l'Union européenne (UE) ont transféré 50,9 milliards d’euros vers des pays tiers.

Rédaction LeBrief - 12 décembre 2024

Changement de cap à la tête du FBI

Monde - Christopher Wray a déclaré mercredi son intention de se retirer de ses fonctions avant l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Ilyasse Rhamir - 12 décembre 2024

Suisse : Karin Keller-Sutter élue présidente pour 2025

Monde - Karin Keller-Sutter, actuelle ministre des Finances de la Suisse, a été élue présidente de la Confédération helvétique pour l’année 2025.

Rédaction LeBrief - 11 décembre 2024

Syrie : appel du premier ministre aux expatriés pour reconstruire le pays

Monde - Dans une interview, Mohammad El Bachir a invité les Syriens résidant à l’étranger à rentrer en Syrie.

Rédaction LeBrief - 11 décembre 2024

Un épisode La Niña attendu : faible intensité et courte durée selon l’OMM

Monde - L'OMM prévoit le développement d'un épisode La Niña dans les trois prochains mois, mais il devrait être de faible intensité.

Rédaction LeBrief - 11 décembre 2024
Voir plus

UE : cap sur l’hydrogène renouvelable

Monde - L’Union européenne s’apprête à franchir une nouvelle étape dans sa politique en faveur de l’hydrogène renouvelable.

Ilyasse Rhamir - 5 novembre 2024

France : le gouvernement de Michel Barnier renversé par l’Assemblée nationale

Monde - Après plusieurs heures de débats très agités, 331 députés ont finalement décidé de faire chuter l'exécutif, alors que 288 voix étaient requises.

Mbaye Gueye - 5 décembre 2024

Leon l’Africain

Monde - En 1518, un ambassadeur maghrébin, de retour d’un pèlerinage à La Mecque, est capturé par des pirates siciliens, et offert en cadeau à Léon X. Ce voyageur s’appelait Hassan al-Wazzan. Il devint le géographe Jean-Léon de Médicis, dit Léon l’Africain.

Rédaction LeBrief - 21 décembre 2023

Mercosur-UE : un accord historique après 25 ans de négociations

Monde - Après un quart de siècle de discussions, le Mercosur et l’UE ont signé ce vendredi un accord historique de libre-échange.

Ilyasse Rhamir - 6 décembre 2024

Le Mexique met en garde contre les tarifs douaniers américains

Monde - Selon Ebrard, ces tarifs douaniers risquent de coûter 400.000 emplois aux États-Unis et de freiner la croissance économique

Farah Nadifi - 28 novembre 2024

L’Espagne dévoile sa stratégie pour l’Afrique 2025-2028

Monde - Le gouvernement espagnol a présenté son plan 2025-2028 pour l'Afrique, axé sur le renforcement des relations économiques et diplomatiques avec les pays africains.

Rédaction LeBrief - 6 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire