Image d'illustration. © DR
Depuis plusieurs années, l’agriculture marocaine subit une transformation profonde, principalement en raison de la migration de nombreux travailleurs vers d’autres secteurs tels que le commerce, le transport ou l’artisanat. Ce phénomène a engendré une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, qui s’aggrave d’année en année. Alors que la production agricole est essentielle pour le pays, les exploitants peinent à recruter suffisamment de travailleurs. Plusieurs facteurs allant des conditions de travail à la mobilité des ouvriers, contribuent à cette crise. Plusieurs causes sont à la source de cette pénurie, qui aura un nombre important d’impacts sur l’agriculture.
Migration vers d’autres secteurs
Les effets de la sécheresse et le manque d’opportunités stables en zone rurale poussent une grande partie des ouvriers agricoles à quitter le secteur pour s’orienter vers d’autres activités. En quête de meilleures conditions de vie et de revenus plus réguliers, ces travailleurs se tournent vers le commerce, le transport, l’artisanat et parfois même le tourisme rural. Cette migration a pour conséquence directe une réduction de la disponibilité de main-d’œuvre dans les champs, en particulier celle des travailleurs qualifiés. Pour les exploitants, cette tendance rend difficile le recrutement de personnel pour les campagnes agricoles saisonnières avec des impacts visibles dès le début de la campagne actuelle.
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Mohcine Belarbi, ingénieur en génie rural, souligne également la faible mobilité des travailleurs au sein du pays ce qui aggrave davantage la situation. Certaines régions enregistrent un excès de main-d’œuvre tandis que d’autres, en besoin urgent, peinent à attirer des ouvriers. Cette inégale répartition géographique de la main-d’œuvre constitue un obstacle pour l’efficacité et la productivité agricole, obligeant parfois les exploitants à faire appel à des travailleurs non qualifiés.
Des salaires en hausse face à l’inflation
L’augmentation générale du coût de la vie au Maroc a également des répercussions sur les demandes salariales des ouvriers agricoles. Ceux-ci réclament des rémunérations plus élevées qui dépassent souvent le Salaire Minimum Agricole Garanti (SMAG), surtout durant les périodes de forte demande comme les récoltes ou le labour. Ce phénomène met en difficulté les exploitants qui doivent s’adapter à des coûts de production accrus tout en tentant de conserver leur personnel.
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Les ouvriers préfèrent aussi le travail à la tâche plutôt que des horaires fixes, ce qui modifie la dynamique de la production. Le choix du travail à la tâche leur permet d’obtenir des revenus plus élevés sur une période plus courte mais cette préférence entraîne une irrégularité dans le rythme de production, nuisant parfois à l’efficacité globale des exploitations. Pour les employeurs, cette adaptation est complexe surtout dans un contexte où les coûts de main-d’œuvre ne cessent de croître.
Des rythmes de travail irréguliers
En plus des exigences salariales, la régularité du travail représente un autre défi pour les exploitants agricoles. Dans certaines filières de production particulièrement dans les cultures végétales, le travail est saisonnier avec des périodes de pointe nécessitant une forte main-d’œuvre. Toutefois, entre ces périodes, les activités ralentissent et les exploitants n’ont souvent pas les moyens de maintenir un rythme de travail régulier.
Cette fluctuation rend le secteur moins attractif pour les travailleurs à la recherche de stabilité. Ainsi, même lorsque les exploitations proposent des salaires compétitifs, elles peinent à recruter suffisamment de travailleurs qualifiés pour faire face aux périodes de forte demande. Ce manque de régularité limite la productivité agricole et les exploitants doivent parfois réduire leurs ambitions en matière de production, faute de personnel disponible.
Le Plan Maroc Vert et ses limites
Depuis le lancement du Plan Maroc Vert (PMV), l’État a entrepris des initiatives pour moderniser le secteur agricole et améliorer la productivité. Cependant, la crise de main-d’œuvre actuelle met en lumière les limites de cette stratégie. Bien que le PMV ait contribué à des progrès significatifs dans l’acquisition de matériel agricole, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée persiste et ralentit l’atteinte des objectifs fixés.
En témoignent les chiffres de vente des tracteurs agricoles qui avaient atteint une moyenne de 4.500 unités annuelles au début du PMV, pour chuter à environ 2.500 unités entre 2018 et 2023 revenants ainsi au niveau d’avant le lancement du plan. Ce recul dans l’adoption d’équipements modernes reflète les difficultés rencontrées par les exploitants qui hésitent à investir davantage face aux incertitudes économiques et à la rareté de la main-d’œuvre.
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La récolte des olives, en cours actuellement, est un exemple concret de ces défis. En raison de la baisse des rendements et de l’augmentation des coûts de production, le prix de l’huile d’olive a grimpé à des niveaux sans précédent se situant entre 100 et 150 DH/litre selon les régions. Par ailleurs, les éleveurs doivent également faire face à la difficulté de trouver des bergers pour le bétail ce qui témoigne de la rareté croissante de la main-d’œuvre dans l’ensemble du secteur agricole.
Perspectives et solutions pour l’avenir
Pour surmonter ces défis, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Premièrement, il est crucial de revoir la formation et l’accompagnement des travailleurs agricoles afin d’améliorer leur qualification et leur offrir des perspectives de carrière attractives. La mise en place de programmes de formation adaptés aux réalités du terrain et répondant aux besoins spécifiques des différentes régions pourrait favoriser la mobilité de la main-d’œuvre et combler les lacunes actuelles.
Ensuite, une révision des politiques salariales et des conditions de travail est nécessaire pour attirer de nouveaux talents dans le secteur. Proposer des rémunérations plus compétitives associées à des avantages sociaux, pourrait inciter les jeunes générations à envisager une carrière en agriculture.
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Enfin, des solutions technologiques, telles que l’automatisation de certaines tâches agricoles pourraient alléger la dépendance envers la main-d’œuvre. L’introduction de machines adaptées et abordables notamment pour les petites et moyennes exploitations, pourrait améliorer la productivité tout en réduisant les besoins en main-d’œuvre. Le recours à des partenariats avec des entreprises technologiques locales pour le développement de solutions accessibles constituerait également une stratégie prometteuse.
La crise de main-d’œuvre dans l’agriculture marocaine souligne la nécessité de repenser les politiques actuelles et d’adapter le secteur aux nouveaux défis. La pérennité de la production agricole et la sécurité alimentaire du pays en dépendent et des actions rapides et ciblées sont indispensables pour assurer un avenir durable à ce secteur vital.
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