Le 1er décembre 2022 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire contemporaine du Maroc. Tous les habitants du Royaume bénéficient depuis jeudi de la couverture universelle en matière de santé. Avec le basculement des adhérents à l’ancien Régime d’assistance médicale (RAMED) vers l’Assurance maladie obligatoire de base (AMO), le Maroc a franchi un pas de géant dans la réalisation du chantier royal de la généralisation de la protection sociale.

Le Maroc a parcouru bien du chemin depuis son indépendance en matière de politique de couverture sanitaire. De la mise en place de la première politique de soins de santé en 1959 jusqu’à l’atteinte d’un taux de 100% de couverture sanitaire universelle (CSU) le 1er décembre 2022, notre pays a mis du temps à garantir à ses citoyens un accès équitable aux soins. Il est indéniable que c’est depuis l’intronisation du roi Mohammed VI que l’État a mis l’accent sur l’évolution de la couverture sociale de base.

Cela s’est traduit tout d’abord par la promulgation de la loi 65-00 en 2002 portant code de la couverture médicale de base. C’était un préalable à l’entrée en vigueur de l’Assurance maladie obligatoire de base (AMO) en 2005 suivie de la généralisation du Régime d’assistance médicale (RAMED) en mars 2012.

Un centre de santé accueillant les RAMEDistes

Ensuite, les pouvoirs exécutif et législatif ont intégré au fur et à mesure d’autres catégories socio-professionnelles grâce à la loi 95-18, avant d’adopter la loi cadre 09-21 qui a permis de définir les contours de ce que sera la nouvelle vision de la protection sociale.

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Accès garanti aux soins pour tous

Combien de nos concitoyens ont souffert dans le passé parce qu’ils n’avaient pas de couverture médicale ? Combien de familles se sont endettées pour payer une opération chirurgicale urgente à l’un de ses membres faute d’assurance maladie ? Combien de fois le Roi a pris en charge les frais médicaux d’artistes, de sportifs ou de personnalités publiques dans le besoin ?

Il était temps que le Maroc franchisse le pas et généralise la couverture médicale. Ce projet national historique reflète l’engagement de l’État à assurer aux citoyens un régime unifié de l’assurance maladie obligatoire de base, abstraction faite de leur statut social ou économique.

«La mise en œuvre de ce vaste chantier sociétal a été opérée dans le plein respect du calendrier préalablement fixé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le gouvernement ayant mobilisé tous les moyens et mis en place les différentes procédures à même d’assurer la généralisation de la couverture médicale», a indiqué le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. Aujourd’hui, tous les Marocains sont couverts pour les frais de soins, de médicaments et d’hospitalisation. Des dizaines de décrets ont été approuvés par l’exécutif pour permettre à toutes les tranches de la société de bénéficier des avantages de ce régime financé sur la base de la cotisation et de la solidarité. L’opération d’adhésion a été ouverte progressivement à 3 millions de citoyens relevant de la catégorie des travailleurs non-salariés (agriculteurs, commerçants, artisans, auto-entrepreneurs, journalistes, cadres sportifs et autres).

1959

Système national de santé (SNS)

En 1959, le Maroc met en place le Système national de santé (SNS). Il s’agissait de la toute première stratégie sanitaire du Royaume élaborée suite à la première conférence nationale sur la santé organisée sous la présidence effective de feu Mohammed V. Deux déclarations de cette conférence illustrent l’orientation générale de cette politique «La santé de la nation incombe à l’Etat», « Le Ministère de la santé publique doit en assurer la conception et la réalisation».
1978

Santé pour tous

La responsabilité de l’Etat sur la santé et le choix d’une politique de santé publique va prendre une nouvelle dimension en 1978 avec l’engagement du Maroc en faveur de la déclaration Alma-Ata qui accorde une grande importance à la politique des soins de santé primaires. Le Maroc voit alors ses structures sanitaires de base renforcées et développe plusieurs programmes sanitaires.
1981

1ère réforme du SNS

La première réforme du SNS a eu lieu en 1981. Le Maroc développe adopte une série d’amendements des textes réglementaires pour une meilleure organisations des structures sanitaires.
1994

2ème réforme du SNS

En 1989, a été réalisée la première étude sur le financement des soins suivie en 1993 d’un débat sur la réforme de santé au Maroc mais sa première concrétisation n’a vu le jour qu’en 1994 avec la restructuration des services centraux du ministère de la Santé.
2005

Couverture médicale de base

Ce régime qui est entré en vigueur le 18 août 2005 a été institué en 2002 par la loi 65.00 portant code de la couverture médicale. L’AMO a enregistré depuis son lancement, une évolution importante non seulement en matière de soins couverts mais également en qualité de service. Etant limitée au démarrage à un panier restreint de soins, l’AMO fut progressivement étendue à d’autres catégories de soins.
2008

RAMED

Fondé sur les principes de l’assistance sociale et de la solidarité nationale au profit des démunis, le RAMED permettra à une population économiquement démunie de bénéficier d’une couverture médicale de base qui offrira ainsi la gratuité des soins et prestations médicalement disponibles dans les hôpitaux publics, les centres de santé et les services sanitaires relevant de l’Etat aussi bien en cas d’urgence ou lors de l’hospitalisation.
2011

Couverture sanitaire universelle

La Constitution de 2011 érige le droit à la santé comme un droit constitutionnel. Le Maroc s’inscrit alors dans une mouvance politique profonde qui engage déjà la plupart des systèmes de santé à travers le monde. C’est la traduction politique de la nécessité de la modernisation du secteur de la santé dans un environnement en mutation.
2012

Généralisation du RAMED

Après la réussite de l’expérience pilote lancée en 2008 dans la région Tadla-Azilal, le RAMED est généralisé. L’éligibilité se concrétise par l’octroi d’une carte familiale d’une durée d’éligibilité de trois ans donnant droit à la prise en charge selon un panier des soins bien défini. Avec la mise en place du RAMED, le certificat d’indigence pour des fins d’hospitalisation disparaît.
2017

Ouverture de l'AMO

En 2017, l’AMO est ouverte à de nouvelles catégories (professionnels libéraux, travailleurs indépendants, etc). Ce nouveau régime d’assurance maladie apporte plusieurs avantages et la gestion de l’AMO des indépendants est confiée à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) indépendamment des autres régimes.
2021

AMO Tadamon

Quant aux personnes n’ayant pas les moyens de payer les cotisations, l’État prendra en charge les frais d’adhésion à la couverture maladie obligatoire sous l’appellation ‘’AMO Tadamon’’. On parle d’environ 4 millions de familles qui devraient bénéficier des traitements et des conditions de paiement dont profitent les salariés des secteurs public et privé, dans tous les établissements de santé publics ou privés.

Des citoyens devant un guichet AMO © DR

À savoir que sont considérés comme membres de la famille à charge, le(s) conjoint(s) de l’assuré et les enfants à la charge de l’assuré âgé de 21 au plus, ainsi que les enfants atteints d’un handicap physique ou mental ou qui sont dans l’impossibilité totale, permanente et définitive, de se livrer à une activité rémunérée. Mais cette généralisation de la couverture médicale de base a un coût que le ministre délégué chargé du Budget a estimé à 14 milliards de DH (MMDH). Le Projet de loi de finances (PLF) 2023 a d’ailleurs prévu les ressources financières nécessaires pour assumer les frais d’adhésion à l’assurance maladie obligatoire pour les personnes qui n’ont pas la capacité de payer les frais d’adhésion. Il faut savoir que les ex-RAMEDistes disposant d’une carte active ont automatiquement basculé vers AMO Tadamon. C’est l’Agence nationale d’assurance maladie (ANAM) qui s’est chargée de transmettre leurs informations à la CNSS. Leur adhésion à AMO Tadamon ne nécessite aucune procédure et la CNSS s’occupera de leur communiquer leur numéro d’immatriculation.

Par contre, les non RAMEDistes, ou ceux dont la carte RAMED a expiré, doivent répondre aux critères d’éligibilité pour bénéficier d’AMO Tadamon. Il s’agit d’une double inscription au Registre national de la population (RNP) et au Registre social unifié (RSU). Un scoring est alors établi pour chaque ménage inscrit sur la base de sa situation socioéconomique. Quoiqu’il en soit, l’inéligibilité à l’AMO Tadamon  suppose l’éligibilité du demandeur à un autre régime. La CNSS s’occupera de son adhésion, selon le cas de figure.

À noter que le RNP est un registre numérique auquel peut s’inscrire l’ensemble des citoyens et étrangers résidant sur le territoire marocain. Chaque inscrit se fait attribuer un numéro unique appelé Identifiant digital civil et social (IDCS). L’IDCS est composé de 10 chiffres et permet à son titulaire de s’inscrire au RSU, qui est le seul mécanisme utilisé par les programmes d’appui social pour déterminer l’éligibilité des familles bénéficiaires.

Réforme sanitaire

Cette généralisation de la couverture médicale a accéléré la réforme du système de santé. Le gouvernement a donc augmenté le budget réservé au ministère de la Santé et de la Protection Sociale, qui est passé d’un montant de 23,54 MMDH en 2022 à 28,12 MMDH pour 2023, soit une hausse de l’ordre de 19,5%. Le projet de loi-cadre 06.22 qui est en cours d’examen au niveau du Parlement trace les lignes d’une refonte globale du système sanitaire national. Cette réforme repose sur cinq axes principaux :

  • la valorisation des ressources humaines ;
  • la réhabilitation de l’offre de santé par la mise à niveau des établissements de soins ;
  • l’institutionnalisation du respect du parcours de santé via les établissements de soins de santé primaires ou par un médecin généraliste ;
  • le renforcement de la gouvernance du système de santé » via la création de pôles territoriaux de santé ;
  • la mise en place d’un système informatique intégré permettant un suivi précis de la situation de chaque patient, grâce à un dossier médical commun entre tous les acteurs publics et privés.

Cette semaine, un pas de plus a été franchi dans la réforme sanitaire. Le projet de loi portant création de la Haute autorité de la santé (HAS) a été adopté par le Conseil de gouvernement. Cette institution stratégique œuvrera à la régulation de la couverture médicale obligatoire et à l’évaluation de l’efficacité des prestations dispensées par les différents intervenants des secteurs public et privé. La HAS sera la garante d’une véritable continuité des politiques nationales en matière de santé et de la pérennisation des plans et des grands chantiers. Plus question de laisser un nouveau gouvernement briser l’élan donné par celui qui l’a précédé. Comme pour le secteur de l’éducation, il s’agira dorénavant d’assurer la continuité des stratégies étatiques.

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Ne laisser personne pour compte. C’est l’objectif du chantier de généralisation de la protection sociale lancé en avril 2021 par le Roi. Ce projet royal a connu une accélération de la cadence du travail gouvernemental et parlementaire pour tenir les délais. Si la couverture médicale de base est aujourd’hui assurée, il reste trois autres éléments à réaliser : la généralisation des allocations familiales durant les années 2023 et 2024, l’élargissement de la base des inscrits dans les systèmes de retraite, et la généralisation de l’indemnisation pour perte d’emploi en 2025. Il faut dire que le fait d’assurer un accès équitable aux soins de santé, à une couverture et à des prestations sociales est un énorme enjeu sociétal qui permettra in fine d’assurer à la population son droit constitutionnel. Au total, 51 MMDH seront alloués à cette renaissance sociale. Parallèlement, le déploiement du système de ciblage des programmes sociaux à travers le RSU est en marche. Reste à savoir comment s’opérera la gouvernance de ce système et par quels moyens l’État garantira son équité ?

Les nouvelles catégories cibles de la couverture médicale de base
Le projet de loi n°27.22 modifiant et complétant la loi n°65.00, portant code de la couverture médicale de base concerne :
– Les fonctionnaires et agents de l’État, des collectivités locales et des établissements publics ;
– Les personnes assujetties au régime de sécurité sociale en vigueur dans le secteur privé ;
– Les titulaires des pensions des secteurs public et privé ;
– Les professionnels et travailleurs indépendants, outre les personnes exerçant une profession libérale, et les titulaires de pensions parmi cette catégorie ;
– Les personnes incapables de payer les cotisations dont les pensionnaires d’institutions caritatives, d’orphelinats, de refuges, d’institutions de rééducation, ou de toute institution publique ou privée à but non lucratif qui oeuvre pour héberger des enfants délaissés, ainsi que des personnes majeures sans famille, des pensionnaires des établissements pénitentiaires et les personnes sans domicile fixe ;
– Les anciens résistants et membres de l’armée de libération, aux étudiants de l’enseignement public et privé dans la mesure où ils n’en bénéficient pas, outre les personnes capables d’assumer les cotisations qui n’exercent aucune activité rémunérée ou non rémunérée.

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