Des médicaments. Image d'illustration © DR
LeBrief : Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a pointé du doigt plusieurs défaillances du secteur pharmaceutique. Quelle lecture faites-vous des données avancées par la Cour ?
Abdelmajid Belaiche : Tout d’abord, on ne peut que louer le travail fait, depuis des années, par la cour des comptes. En ce qui concerne le secteur pharmaceutique, il connait, comme d’autres secteurs, quelques défaillances qui doivent être corrigées. Mais ces défaillances ne doivent pas occulter les aspects positifs de ce secteur et son importance pour notre souveraineté sanitaire nationale. Les défaillances en question doivent être impérativement identifiées et corrigées, quels qu’en soient les auteurs. Ce rapport a malheureusement donné lieu à une mauvaise lecture et des interprétations hasardeuses à cause de quelques chiffres qui sont vrais, mais qui doivent être placés dans leur véritable contexte. La réaction des pharmaciens est une réaction légitime face à un véritable lynchage, plus sur les réseaux sociaux que dans la presse professionnelle. Un travail pédagogique est nécessaire pour lever ce terrible malentendu.
Ce qui suscite actuellement des interrogations, ce sont les révélations relatives aux marges bénéficiaires qui, selon le rapport, peuvent atteindre jusqu’à 57%. Les pharmaciens contestent de leur côté. Qui a raison dans ce cas-là ?
Abdelmajid Belaiche : Si l’on se réfère à l’article 2, du décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés, les marges bénéficiaires officinales citées dans le rapport de la Cour des comptes correspondent effectivement à ceux de ce décret et qui sont effectivement appliqués au Maroc depuis juin 2014. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que ces marges officinales de 47% et de 57% sont calculées par rapport au Prix Fabricant Hors taxes (P.F.H.T.), autrement dit, du prix sortie usine hors taxes et non pas par rapport au Prix public de vente (P.P.V.), d’où la confusion dans l’esprit de certains qui ont crus que les marges de 47 et 57% ont été calculées par rapport au P.P.V.
Ce détail est passé pratiquement inaperçu. En fait, les 57% du P.F.H.T. des médicaments de la première tranche des prix, correspondent en effet à seulement 33,9% du P.P.V. et les 47% du P.F.H.T. Alors que la marge n’est que de 300 DH quel que soit le prix pour les médicaments dont les P.P.V. sont situés entre 994 et 2101 DH (troisième tranche) et de 400 DH pour tout médicament dont le prix dépasse 2101 DH. Sachant par exemple que pour le médicament le plus cher et qui coûte 89.716 DH, les 400 DH de marge ne représentent que 0,44% du P.P.V.
Il faut rappeler aussi que les médicaments de la première tranche (PPV inférieur à 298,00 DH) représentent pratiquement 70% de l’ensemble des médicaments commercialisés à travers la pharmacie et totalisent 99% en volume, 85% en valeur et 70% des dépenses des patients en médicaments. Il est à souligner également que les 33,9% et les 29,7% sont des marges brutes dont il faut soustraire différentes charges (telles que le salaire des employés, les taxes et impôts, les frais de location…) pour arriver en fin de compte à une marge nette estimée à 8 à 10% du P.P.V. pour la majorité des pharmacies.
Lire aussi : Rapport de la Cour des comptes : quel impact ?
Le rapport de la Cour des comptes a aussi rappelé que le taux de marge appliqué au Maroc est le plus élevé en comparaison avec ceux appliqués dans les six pays du benchmark. Que doit-on comprendre de cette comparaison ?
Abdelmajid Belaiche : Le taux de marge n’a rien à voir avec une marge en valeur absolue. En effet, la marge absolue ne dépend pas que du taux de marge, mais aussi de la taille du marché pharmaceutique local et donc des chiffres d’affaires dégagés par les pharmacies dans chacun des pays. Ainsi, si l’on compare le Maroc à la France, notre taux de marge semble beaucoup plus élevé que celui de la France qui n’est que de 21,4%. Mais il faut rappeler que la taille du marché pharmaceutique en France est telle, d’une pharmacie française réalise en moyenne 1,5 millions d’euros, ce qui est l’équivalent de 16,665 millions de DH (MDH), soit 16,7 à 20,8 fois le chiffre d’affaires d’une pharmacie au Maroc (entre 800.000 à 1 million de DH de CA pour la grande majorité des pharmacies).
Autre élément à rappeler : les pharmaciens en France ne sont pas ré-énumérés seulement sur la base de la valeur des médicaments délivrés, mais perçoivent aussi des honoraires de dispensation pour chaque boite de médicament délivrée et pour chaque ordonnance, sans compter des honoraires supplémentaires pour les ordonnances complexes et celles relatives aux enfants de moins de 4 ans ou les personnes âgées de plus de 70 ans. À toutes ces rémunérations s’ajoutent des missions de santé publique (vaccinations, suivi de certains patients chroniques, etc) et pour lesquelles les pharmaciens sont ré-énumérés.
Ce système libère les pharmaciens de l’impact des baisses des prix des médicaments sur leur chiffre d’affaires. De tels honoraires officinaux n’existent pas au Maroc et le pharmacien n’est ré-énuméré que sur la base de la valeur de l’ordonnance, avec un taux de marge relativement important, mais sur des prix faibles ou sur la base d’un forfait faible (300 ou 400 DH) pour les prix dépassant les 1000 DH. Il faut aussi rappeler qu’aucune mission de santé publique n’est autorisée pour le pharmacien et que le marché pharmaceutique marocain est qualifié, vu son faible volume et chiffre d’affaires, de marché étroit et où la dépense pharmaceutique per capita ne dépasse pas les 560 DH par an.
Un autre facteur révélé par la Cour des comptes : la TVA, dont le taux est largement supérieur à lui appliquer par exemple en France ou dans certains pays voisins. Est-ce que sa suppression est aujourd’hui indispensable pour un meilleur impact sur le prix ?
Abdelmajid Belaiche : Oui, malheureusement, la TVA sur le médicament constitue un fardeau supplémentaire pour les patients dans un pays où le pouvoir d’achat est relativement faible et où la couverture par une assurance maladie est partielle, malgré l’exonération de certaines catégories de médicaments de la TVA.
Les prix des médicaments ont été benchmarkés sur les six pays, plus le pays d’origine s’il ne fait pas partie des 6 pays cités, mais la TVA n’a pas été benchmarkée. La moyenne des TVA dans ces pays est de 4,2% et 0% en Arabie Saoudite, où tous les médicaments sont exonérés de TVA.
Je dois aussi rappeler que l’ex-ministre des Finances, Mohamed Boussaid, avait tenté à deux reprises, en 2015 et en 2016, de faire passer la TVA des médicaments de 7% à 10% pour répondre à la demande de la banque mondiale de faire converger les TVA vers deux taux uniques de 10 et de 20%. Mais il n’y a pas que la TVA qui pose un problème. Le rapport a aussi pointé la marge supplémentaire de l’importateur de 10% et qui est payée par les patients et les caisses des organismes gestionnaires de l’assurance maladie, ce qui constitue un véritable scandale. Par un tour de passe-passe douteux, cette disposition a été glissée à la dernière minute dans le décret de fixation de prix des médicaments. Cette marge commerciale était transférée, avant 2014, par les multinationales exportatrices à leurs filiales ou à leurs importateurs locaux. Depuis 2014, on a permis à ces multinationales de garder chez eux cette marge de 20% et on a majoré les P.F.H.T. des médicaments importés de 10% ce qui a augmenté les P.P.V. de ces médicaments de 10%.
Lire aussi : Pénurie de médicaments : état des lieux, causes et solutions
Que pensez-vous des principales recommandations de la Cour des comptes ?
Abdelmajid Belaiche : La plupart des recommandations que j’ai pu observer dans ce rapport sont pertinentes. J’ai toutefois deux remarques. La première concerne la communication qui doit être adaptée non seulement à des lecteurs avertis, mais aussi au grand public et aux journalistes.
D’autre part, les taux des marges doivent être rapportés non seulement au P.F.H.T que le commun des mortels ignore, mais aussi par rapport aux P.P.V. que les citoyens paient. Il faut aussi parler des marges absolues et pas seulement des taux de marge et enfin, il faut comparer ce qui est comparable et notamment entre des pays que tout sépare, taille du marché pharmaceutique, couverture sanitaire, pouvoir d’achat, robustesse du système de santé et mode de rémunération des actes officinaux.
Quels sont actuellement les plus gros défis auxquels fait face aujourd’hui le secteur pharmaceutique ?
Abdelmajid Belaiche : Il y a des problèmes spécifiques dans chacune des trois composantes. Pour la partie industrielle, le problème est surtout celui de la lourdeur bureaucratique et le retard dans la délivrance des autorisations de mise sur le marché (A.M.M.). Une réglementation qui constitue souvent une source de blocage. Quant à la composante de distribution (grossistes répartiteurs pharmaceutiques), elle est prise en étau entre les charges (principalement le carburant) et les baisses successives de prix qui entrainent leurs marges vers le bas.
Pour la composante officinale, elle connait de gros problèmes financiers si une minorité arrive à bien vivre de la pharmacie, malheureusement la majorité connait de gros problèmes et on estime qu’un tiers des pharmaciens sont au bord de la faillite. En cause, le nombre important des pharmaciens dans un marché étroit et l’effritement de ce qu’on appelle le monopôle pharmaceutique. Certains produits de santé se vendent hors des pharmacies. C’est le cas notamment des produits vétérinaires, certains vaccins et surtout les dispositifs médicaux qui se vendent partout sauf en pharmacie, d’où un gros, un très gros manque à gagner.
Crédit du Maroc affiche des résultats croissants
Économie - Sur le plan commercial, Crédit du Maroc enregistre une progression des crédits de 7,6%, atteignant 55.173 millions de dirhams.
Rédaction LeBrief - 3 décembre 2024Croissance industrielle globale, stagnation dans certains secteurs
Économie - L’enquête mensuelle de conjoncture industrielle menée par BAM révèle une augmentation de la production dans tous les secteurs.
Ilyasse Rhamir - 3 décembre 2024« Les réformes fiscales propulseront les recettes fiscales à plus de 329 MMDH en 2025 », Lekjaa
Économie - Les réformes fiscales engagées en 2023 devraient faire passer les recettes fiscales de 201 MMDH en 2021 à plus de 329 MMDH en 2025, soit une hausse de 63%, selon Fouzi Lekjaa.
Rédaction LeBrief - 3 décembre 2024Un géant de l’automobile chinois investit 1,3 MMDH au Maroc
Économie, Entreprise - Shanghai Auto Parts, fabricant de pièces automobiles, prévoit d’investir 1,3 MMDH dans la création d’une usine au Maroc
Ilyasse Rhamir - 3 décembre 2024Chambre des conseillers : la première partie du PLF-2025 a été adoptée à la majorité
Économie - La Chambre des conseillers a adopté à la majorité la première partie du Projet de loi de finances (PLF) pour l'exercice 2025.
Mbaye Gueye - 3 décembre 2024Le petit commerçant domine 80% du marché national du commerce de proximité (Ryad Mezzour)
Économie - Ryad Mezzour; a indiqué que le petit commerçant domine 80% des parts de marché national du commerce de proximité.
Mbaye Gueye - 2 décembre 2024Al Barid Bank réalise un PNB de plus de deux milliards de dirhams
Économie - Cette forte progression est due à la performance de ses activités de marché, qui ont enregistré un résultat en hausse de +218,6%.
Mbaye Gueye - 2 décembre 2024Chambre des conseillers : plénières mercredi et jeudi pour examiner et voter le PLF 2025
Économie - La Chambre des Conseillers tiendra mercredi et jeudi des séances plénières dédiées à l'examen et au vote du Projet de Loi de Finances (PLF) n°60.24 pour l'exercice budgétaire 2025.
Rédaction LeBrief - 2 décembre 2024Drones Akıncı : nouveau pouvoir aérien du Maroc
Économie - Dans le cadre de sa modernisation militaire, le Maroc s’apprête à accueillir les drones Bayraktar Akıncı en février 2025.
Ilyasse Rhamir - 12 novembre 2024Béni Mellal-Khénifra : plus de 83 mille établissements économiques en activité (HCP)
Économie - Les résultats de la cartographie des établissements économiques réalisée par le HCP a montré que la région Béni Mellal-Khénifra compte 83.999 entités.
Mbaye Gueye - 3 janvier 2025Parc automobile de l’État : une gestion erratique
Hafid El Jaï - 13 mars 2021Gazoduc Maroc-Nigeria : signature d’un MoU entre la CEDEAO, le Nigeria et le Maroc
Afrique, Économie, Économie - Un MoU sur le gazoduc Maroc-Nigeria a été signé entre le Maroc, la CEDEAO et le Nigeria.
Manal Ben El Hantati - 15 septembre 2022Cannabis : 1,55 MDH alloué à la construction d’un laboratoire à Al Hoceima
Économie - l'Agence pour la promotion et le développement du nord (APDN) a lancé un appel d’offres à Al Hoceima, concernant le cannabis.
Khadija Shaqi - 10 novembre 2022Les cotisations des régimes de retraite atteignent 61,3 MMDH en 2023
Économie - Les cotisations collectées par les régimes de retraite ont atteint un total de 61,3 milliards de DH (MMDH) en 2023.
Rédaction LeBrief - 4 août 2024TGR : «Il est essentiel d’être agile afin de protéger nos entreprises et nos citoyens», Noureddine Bensouda
Économie - Dans une interview avec LeBrief, Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume, partage les défis actuels de la TGR.
Sabrina El Faiz - 1 novembre 2024Rabat : le tourisme en pleine ascension
Économie - Le tourisme à Rabat poursuit sa progression avec une hausse de 4% des nuitées enregistrées dans les EHTC au cours des dix premiers mois de 2024.
Ilyasse Rhamir - 27 décembre 2024