COP28 : un accord historique pour les participants, une distraction pour les ONG
«Quand devrions-nous sortir des énergies fossiles ?» – Enchères des résultats de la COP. © Gado (Kenya) / Cartooning for Peace
Au terme de 14 jours de négociations difficiles, les 200 pays participant à la 28ᵉ Conférence des Nations unies sur le climat à Dubaï ont adopté à l’unanimité l’accord final, déclenchant une ovation et de longs applaudissements. Les Émirats arabes unis, pays hôte du sommet, se disent «fiers» de la décision adoptée.
Car la COP28 pourrait bien marquer «le début de la fin des énergies fossiles» pour la première fois en 30 ans. En effet, pour la première fois dans l’histoire d’une conférence climatique de l’ONU, le document final traite du sort de toutes les énergies fossiles – charbon, pétrole et gaz, appelant à «transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques». Le président de la COP28, Sultan Al-Jaber, lui, s’est félicité d’un texte capable de «changements transformateurs».
The moment history was made.
⁰Everyone came together from day one. Everyone united, everyone acted and everyone delivered. pic.twitter.com/KYsRN6Bu4K— COP28 UAE (@COP28_UAE) December 13, 2023
Le texte, qui doit encore passer le test du consensus et être validé par tous les pays, a été «calibré» pour tenter de réconcilier des points de vue opposés, a révélé une source proche de la présidence émiratie. L’Arabie saoudite, le Koweït ou l’Irak étaient sur une ligne dure, refusant tout accord s’attaquant aux énergies fossiles qui font leur économie. Mais ils n’ont finalement pas bloqué l’accord. Le texte laisse toutefois volontairement un peu d’ambiguïté pour que chacun y trouve son compte.
D’autres textes sur l’adoption aux conséquences du changement climatique et sur l’aide financière aux pays en développement sont également attendus, notamment pour tenter de convaincre le Sud et tendre vers un consensus.
«La COP la plus importante depuis Paris»
Alors que le sommet s’est clos hier, mardi 12 décembre, le texte finalisé dans la nuit est pour les participants une «victoire du multilatéralisme et de la diplomatie climatique». «Nous avons travaillé toute la nuit pour obtenir un consensus», a retracé le président de la COP28, Sultan al-Jaber, lors de son discours à la séance plénière.
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«J’ai promis d’être à vos côtés. Vous vous êtes mobilisés, vous avez fait preuve de flexibilité, vous avez fait passer l’intérêt commun avant l’intérêt personnel. Achevons ce que nous avons commencé. Unissons-nous, agissons et agissons maintenant», a-t-il lancé. «Pour la première fois, notre accord final contient des références aux combustibles fossiles», a-t-il souligné. «Nous quittons Dubaï la tête haute.»
Jeux de mots
Si l’expression littérale utilisée «transitioning away» reste ambigüe à traduire en langue française, les observateurs s’accordent néanmoins à interpréter ces deux mots par «transitionner hors de», «transitionner vers la sortie», «s’éloigner», ou «abandonner».
Un vocabulaire qui a toute son importance dans l’appréhension de ce projet, notamment en termes de délais et d’agenda pour effectuer le basculer vers un monde décarboné.
Une formulation, qui paraît plus forte, fait aussi état d’une «transition vers l’abandon» des énergies fossiles. La version précédente du document parlait seulement de «réduction»(«reduce») de ces carburants, alors que les tout premiers brouillons appelaient à une «sortie progressive» («phase-out»).
Reste donc à voir quel sera le niveau de nuances pour justifier ce terme de «transitioning away».
«Nous faisons un pas très, très significatif» pour limiter le réchauffement à 2 °C, voire 1,5 °C, a, de son côté, estimé le commissaire européen chargé du Climat, Wopke Hoekstra. Et de nombreuses ONG ont également noté une progression dans l’ensemble et davantage de clarté.
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«Même s’il ne s’agit pas de la décision historique que nous espérions, ce texte nous met sur la voie de l’élimination progressive des combustibles fossiles», a réagi Andreas Sieber, l’un des responsables de l’association 350.org.
Mais le compte est loin d’y être pour les associations
Mais si chaque terme a été négocié, l’accord reste évasif sur de nombreux points. «Le texte ne fournit pas l’équilibre nécessaire pour renforcer l’action mondiale pour corriger le cap sur le changement climatique», regrette par exemple de son côté l’alliance des petits États insulaires (Aosis), touchés de plein fouet par les effets des bouleversements actuels. D’autres ONG regrettent toutefois que le texte n’aille pas assez loin, et continue à mentionner le stockage de carbone, qu’elles qualifient de «distraction dangereuse».
L’accord met en réalité le paquet pour donner une autre ampleur aux énergies alternatives. Le nouveau texte «appelle les parties à contribuer aux efforts mondiaux suivants», et liste huit types d’action à mettre en œuvre : tripler les capacités d’énergies renouvelables, doubler le rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030, accélérer les technologies «zéro carbone» et «bas carbone» plébiscitée par les pays producteurs de pétrole sont autant d’engagements qui y sont actés.
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Jusqu’ici, les COP n’ont adopté que des objectifs de «réduction» des émissions de gaz à effet de serre, sans explicitement aborder le sort de toutes les énergies fossiles, responsables de deux tiers des émissions. Seule une «réduction» du charbon avait été actée à la COP 26 à Glasgow, mais aucun objectif sur le pétrole et le gaz n’a jamais été adopté.
L’objectif est entre autres d’envoyer un signal clair aux pays extracteurs d’hydrocarbures et au secteur financier et aux pays sur la fin inéluctable de l’ère des fossiles. Le pétrole, le gaz et le charbon représentent actuellement environ 80 % de l’énergie mondiale. Les scientifiques estiment que les combustibles fossiles sont de loin la principale source d’émissions de gaz à effet de serre, qui alimentent le changement climatique.
Le World Resources Institute (WRI) signale en revanche que des passages importants portant sur des conclusions du Giec ont été supprimés dans ce nouveau texte. Une disparition fâcheuse alors que la présidence émiratie tente de faire croire qu’elle «respecte la science».
L’Alliance panafricaine pour la justice climatique s’indigne
«La COP28 a raté l’occasion de mettre le monde sur la bonne voie pour réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre, conformément à l’objectif de l’Accord de Paris», qui affectent notamment des millions de personnes vulnérables en Afrique et dans le monde, déplore l’Alliance panafricaine pour la Justice climatique (PACJA) dans un communiqué datant du 11 décembre.
Tout en saluant la création du Fonds pour les pertes et dommages, l’organisation dit avoir beaucoup de raisons de croire que les parties ont cédé et/ou ont cédé les négociations à des profiteurs du climat, dont ferait partie le président même de la COP28, le Sultan Al-Jaber, «un exécutif pétrolier indifférent, querelleur à l’attitude indifférente», écrit l’Alliance.
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La PACJA déplore par ailleurs l’absence de résultat tangible sur l’objectif mondial d’adaptation et tout engagement ferme visant à «plus que doubler» les flux financiers d’adaptation vers l’Afrique. «La COP28 a généré un maigre “156 millions de dollars” en promesses de financement pour l’adaptation, comparé aux milliards de dollars promis pour les initiatives centrées sur l’atténuation. Mais cela reste en deçà des engagements pris à Glasgow de doubler le financement de l’adaptation pour le porter à 40 milliards de dollars par an», peut-on lire sur le communiqué.
L’adaptation reste la priorité la plus importante pour l’Afrique en raison des niveaux disproportionnés de vulnérabilités et des impacts négatifs sur ses populations et ses économies, poursuit l’organisation. «La pression en faveur d’un objectif mondial ambitieux en matière d’adaptation ne peut être rationalisée par une pression en faveur d’une mise en œuvre volontaire de cet objectif, en particulier avec un leadership au niveau national et sans un engagement fort en faveur du financement climatique mondial».
En outre, la décision de mener un programme de deux ans sur le GGA, «avec une nouvelle série d’ateliers inutiles», révèle, selon l’Alliance, un manque d’urgence inquiétant dans la réponse aux communautés qui ont cruellement besoin d’une adaptation plus rapide et d’actions locales de renforcement de la résilience. Et de conclure qu’il est devenu évident que les pays développés recourent à des tactiques dilatoires pour éviter de respecter leur engagement de fournir les fonds climatiques nécessaires à une action d’adaptation efficace.
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