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Code de la famille : osons une réforme de fond !

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L’initiative avait été saluée par l’ensemble de la société : le Code de la famille de 2004 était en effet une avancée majeure vers l’émancipation de la femme marocaine. Toutefois, en l’état, les dispositions du texte ne répondent pas aux mutations sociales que connait le pays. Une société où la femme n’a rien à envier à l’homme, mais que la loi continue de considérer comme subalterne. Il y a un an, le roi Mohammed VI appelait l’exécutif à «mettre à jour les dispositifs et les législations nationales dédiés à la promotion» des droits de la famille et de la femme. Aucune ligne n’a bougé. Aujourd’hui, le message est on ne peut plus clair : le gouvernement a six mois pour réformer.

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Il y a un peu plus d’un an, lors de la fête du Trône, le Souverain avait appelé à «dépasser les défaillances de la Moudawana». Hier, il a adressé une lettre au Chef du gouvernement, concrétisant la décision royale et traduisant «la sollicitude qu’il ne cesse d’accorder à la promotion de la femme et de la famille en général». Car 19 ans après, le Code de la famille n’a pas su répondre aux défis imposés par les évolutions socioéconomiques du pays.

Dans un délai maximal de six mois, le ministère de la Justice, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, le Conseil Supérieur des Oulémas, le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Autorité gouvernementale chargée de la solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, et la Présidence du ministère public, de manière collective et collégiale, tout en s’ouvrant également sur les instances et acteurs de la société civile, les chercheurs et les spécialistes devront soumettre au Roi les propositions d’amendements de cette importante réforme.

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Le Roi donne le «la»

Le dernier discours du trône avait constitué un signal fort du Monarque. Dans son allocution du 30 juillet 2022, le Roi a rappelé que le Code de la famille a représenté un véritable bond en avant : fin de la tutelle matrimoniale, passage de l’âge du mariage de 15 à 18 ans, la possibilité pour la femme de demander le divorce et l’allégement des conditions de celui-ci, la polygamie, tout en restant autorisée, soumise à des conditions strictes ou encore coresponsabilité des conjoints, les acquis de cette réforme sont, en effet, nombreux.

En 2004, la réforme du Code du statut personnel de 1958 fut qualifiée de « révolution tranquille ». Quelques années plus tard, ce Code a été renforcé par la consécration constitutionnelle en 2011 des droits des femmes, par les dispositions du Code de la nationalité et la promulgation de la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences.

Néanmoins, ce cadre «ne suffit plus en tant que tel. L’expérience a, en effet, mis en évidence certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée et d’atteindre les objectifs escomptés», avait affirmé le Souverain. L’application des dispositions de la Moudawana a connu plusieurs limites en raison des failles et d’une interprétation rigide de ses dispositions. Il avait alors «demandé que soient mis à jour les dispositifs et les législations nationales dédiés à la promotion» des droits de la famille et de la femme.

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Cependant, aucun travail n’a été entamé, bien que le ministre de la Justice laissait, il y a encore quelques mois, entendre le contraire. Abdellatif Ouahbi avait toutefois nuancé, affirmant que «c’est Sa Majesté le Roi qui peut décider, tant pour l’élément temporel que pour la forme [ndlr, que prendra la réforme, pour que les consultations publiques puissent être entamées]. Est-ce que ce sera une commission, ou bien, si la réforme sera octroyée au ministère de la Justice ou à un autre ministère, …».

Les forces vives doivent converger

Aujourd’hui, le Souverain, en charge de l’enclenchement de ce processus car détenant ce pouvoir social dans le domaine religieux, a délégué le pilotage du dossier au ministère de la Justice, au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et à la Présidence du Ministère public, et ce, «au vu de la centralité des dimensions juridiques et judiciaires de cette question», a précisé le communiqué relayé hier par le cabinet royal.

Les hautes instructions royales stipulent de soumettre les propositions d’amendements qui vont émaner de ces larges consultations participatives à la haute appréciation du Souverain, Amir Al-Mouminine, le garant des droits et libertés des citoyens, dans un délai maximum de six mois et ce, avant l’élaboration par le gouvernement du projet de loi à ce sujet et sa soumission au parlement pour adoption.

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Dans une note rendue publique le 8 mars 2022, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) jugeait primordial de mener une réflexion collective, éclairée par le concours de l’expertise des instances compétentes en la matière, sur l’ensemble des questions liées au mariage, au divorce, à la succession, à la filiation, au droit de garde des enfants et à la reconnaissance du travail domestique des femmes. Des pistes de réflexion que partagent plusieurs associations féminines.

À cet effet, un comité de coordination pour la refonte globale du Code de la famille avait été créé à l’initiative de sept associations féminines, dont l’ADFM, Jossour, l’Union pour l’action féminine ou encore l’Association marocaine pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le comité qui travaillait sur la mise en place d’une stratégie commune et l’élaboration d’une feuille de route pour l’action de plaidoyer, a adressé, en janvier dernier au Chef de l’exécutif, un mémorandum listant des propositions d’amendement corrigeant les diverses lacunes et incohérences du texte.

Les associations se disent toutefois sceptiques au niveau de changement et avancent «qu’il ne faut pas se contenter de petites retouches mais il faut plutôt une révision de fond».

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La religion : frein ou opportunité ?

Le Souverain a choisi, à l’évidence sciemment dans son discours, de ne pas délimiter le périmètre précis de la réforme, ni d’en expliciter les thématiques de fond qui mériteraient selon lui d’être revues. Tout ce que les observateurs notent de ses intentions, c’est qu’il ne compte «autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé».

En d’autres termes, la voie est ouverte à tout le reste : tout ce qui ne fait l’objet de textes sacrés explicites. Ce point avait par ailleurs déjà guidé la précédente réforme, le Roi ayant eu recours à l’exacte même formule dans son discours d’ouverture du Parlement du 10 octobre 2003.

Ensuite, la nature finalement épineuse du débat, celui-ci touchant au fondement même du dogme religieux de la société marocaine, soulève bien des questions. Puisque la Moudawana s’inspire de la Chariaa, c’est la religion qui serait, pour beaucoup, en jeu. Il y aurait toutefois un amalgame fait entre ce qui est véritablement religieux et ce qui ne l’est pas.

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Il convient de noter que dans une très large majorité, nous restons très attachés à ce cadre. Selon un sondage rendu public le 17 mars 2023 par le réseau de recherche panafricain Afrobarometer, 78% des Marocains refusent toute réforme qui ne s’appuierait pas sur la loi islamique, à savoir la charia. Une proportion qui tend même à augmenter avec l’âge (jusqu’à 85% chez les plus de 55 ans), à mesure que l’on gagne moins (81% de ceux qui se placent dans la catégorie des pauvres) et que l’on a moins été à l’école (88% de ceux qui n’ont pas reçu d’éducation formelle). Et, il est justement peut-être intéressant de relever que c’est la gent masculine, et ce à hauteur de 80%, qui tiendrai le plus à prendre en considération la Chariaa, contre 74% pour sa pendante féminine.

«Mais il faut aussi comprendre ce que la charia signifie exactement pour les Marocains», tempère Mhammed Abderrebi, président du cabinet Global for Survey and Consulting, qui a réalisé le sondage pour le compte de l’Afrobarometer. «Moi ce que je peux vous dire, en tout cas de mon point de vue de sociologue de formation, c’est que beaucoup pensent au Maroc que toutes nos valeurs nous viennent de l’islam, et que si l’on y change quelque chose, c’est l’islam qu’on changerait. C’est une perception tout-à-fait subjective de la chose. J’ajouterais, culturelle. Donc indépendamment du débat sur la Moudawana, vous allez systématiquement vous retrouver au milieu d’une discussion houleuse dès lors que vous êtes aux prises avec des questions de société à caractère éthique et/ou moral».

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Et parmi les principales questions concernées, celle de l’héritage : principalement le principe du taâssib (traduisez : héritage par agnation), que beaucoup considèrent comme un commandement divin, faisant que les filles n’ayant pas de frères se voient en partie déshéritées au profit de parents mâles plus éloignés. «Pour utiliser un jargon religieux, on parle dans le cas d’espèce de “mouamalate”, et pas de “ibadate”, c’est-à-dire des pratiques religieuses en elles-mêmes», tient à expliquer Aatifa Timjerdine, vice-présidente du bureau de Rabat de l’ADFM.

Autre point, constamment soulevé par les associations, le paradigme de la qiwamah. Dans sa mouture actuelle, le Code de la famille érige l’homme en tant qu’individu supérieur à la femme, en ce sens qu’il entretient femmes et enfants. Non seulement le principe est-il dépassé, mais beaucoup le jugent même inconstitutionnel, car il n’est pas conforme aux engagements de l’État envers les citoyens.

Toutefois, malgré la réalité du refus que beaucoup opposent à la réforme, en invoquant l’islam, le terrain n’a jamais été aussi propice pour faire évoluer les lois. Selon la militante, il s’agit dans le fond d’une question de pédagogie. Dans six mois, nous verrons les amendements proposés au Souverain. Espérons qu’ils soient à la hauteur des attentes de toute la société.

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