Depuis 1999, l’engagement sans faille du Roi Mohammed VI en faveur de l’action féminine a contribué à rendre à la femme marocaine, sa dignité, son statut et ses droits. (Image d’archives) © DR
Il y a un peu plus d’un an, lors de la fête du Trône, le Souverain avait appelé à «dépasser les défaillances de la Moudawana». Hier, il a adressé une lettre au Chef du gouvernement, concrétisant la décision royale et traduisant «la sollicitude qu’il ne cesse d’accorder à la promotion de la femme et de la famille en général». Car 19 ans après, le Code de la famille n’a pas su répondre aux défis imposés par les évolutions socioéconomiques du pays.
Dans un délai maximal de six mois, le ministère de la Justice, le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, le Conseil Supérieur des Oulémas, le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Autorité gouvernementale chargée de la solidarité, de l’insertion sociale et de la famille, et la Présidence du ministère public, de manière collective et collégiale, tout en s’ouvrant également sur les instances et acteurs de la société civile, les chercheurs et les spécialistes devront soumettre au Roi les propositions d’amendements de cette importante réforme.
Lire aussi : Réforme de la Moudawana : à quoi faut-il s’attendre ?
Le Roi donne le «la»
Le dernier discours du trône avait constitué un signal fort du Monarque. Dans son allocution du 30 juillet 2022, le Roi a rappelé que le Code de la famille a représenté un véritable bond en avant : fin de la tutelle matrimoniale, passage de l’âge du mariage de 15 à 18 ans, la possibilité pour la femme de demander le divorce et l’allégement des conditions de celui-ci, la polygamie, tout en restant autorisée, soumise à des conditions strictes ou encore coresponsabilité des conjoints, les acquis de cette réforme sont, en effet, nombreux.
En 2004, la réforme du Code du statut personnel de 1958 fut qualifiée de « révolution tranquille ». Quelques années plus tard, ce Code a été renforcé par la consécration constitutionnelle en 2011 des droits des femmes, par les dispositions du Code de la nationalité et la promulgation de la loi 103-13 relative à la lutte contre les violences.
Néanmoins, ce cadre «ne suffit plus en tant que tel. L’expérience a, en effet, mis en évidence certains obstacles qui empêchent de parfaire la réforme initiée et d’atteindre les objectifs escomptés», avait affirmé le Souverain. L’application des dispositions de la Moudawana a connu plusieurs limites en raison des failles et d’une interprétation rigide de ses dispositions. Il avait alors «demandé que soient mis à jour les dispositifs et les législations nationales dédiés à la promotion» des droits de la famille et de la femme.
Lire aussi : Ouahbi fait le point et répond aux interrogations des députés
Cependant, aucun travail n’a été entamé, bien que le ministre de la Justice laissait, il y a encore quelques mois, entendre le contraire. Abdellatif Ouahbi avait toutefois nuancé, affirmant que «c’est Sa Majesté le Roi qui peut décider, tant pour l’élément temporel que pour la forme [ndlr, que prendra la réforme, pour que les consultations publiques puissent être entamées]. Est-ce que ce sera une commission, ou bien, si la réforme sera octroyée au ministère de la Justice ou à un autre ministère, …».
Les forces vives doivent converger
Aujourd’hui, le Souverain, en charge de l’enclenchement de ce processus car détenant ce pouvoir social dans le domaine religieux, a délégué le pilotage du dossier au ministère de la Justice, au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et à la Présidence du Ministère public, et ce, «au vu de la centralité des dimensions juridiques et judiciaires de cette question», a précisé le communiqué relayé hier par le cabinet royal.
Les hautes instructions royales stipulent de soumettre les propositions d’amendements qui vont émaner de ces larges consultations participatives à la haute appréciation du Souverain, Amir Al-Mouminine, le garant des droits et libertés des citoyens, dans un délai maximum de six mois et ce, avant l’élaboration par le gouvernement du projet de loi à ce sujet et sa soumission au parlement pour adoption.
Lire aussi : Révision du Code de la famille, instruction royale au chef du gouvernement
Dans une note rendue publique le 8 mars 2022, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) jugeait primordial de mener une réflexion collective, éclairée par le concours de l’expertise des instances compétentes en la matière, sur l’ensemble des questions liées au mariage, au divorce, à la succession, à la filiation, au droit de garde des enfants et à la reconnaissance du travail domestique des femmes. Des pistes de réflexion que partagent plusieurs associations féminines.
À cet effet, un comité de coordination pour la refonte globale du Code de la famille avait été créé à l’initiative de sept associations féminines, dont l’ADFM, Jossour, l’Union pour l’action féminine ou encore l’Association marocaine pour la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le comité qui travaillait sur la mise en place d’une stratégie commune et l’élaboration d’une feuille de route pour l’action de plaidoyer, a adressé, en janvier dernier au Chef de l’exécutif, un mémorandum listant des propositions d’amendement corrigeant les diverses lacunes et incohérences du texte.
Les associations se disent toutefois sceptiques au niveau de changement et avancent «qu’il ne faut pas se contenter de petites retouches mais il faut plutôt une révision de fond».
Lire aussi : CNDH, création d’un groupe de réflexion sur la réforme de la Moudawana
La religion : frein ou opportunité ?
Le Souverain a choisi, à l’évidence sciemment dans son discours, de ne pas délimiter le périmètre précis de la réforme, ni d’en expliciter les thématiques de fond qui mériteraient selon lui d’être revues. Tout ce que les observateurs notent de ses intentions, c’est qu’il ne compte «autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé».
En d’autres termes, la voie est ouverte à tout le reste : tout ce qui ne fait l’objet de textes sacrés explicites. Ce point avait par ailleurs déjà guidé la précédente réforme, le Roi ayant eu recours à l’exacte même formule dans son discours d’ouverture du Parlement du 10 octobre 2003.
Ensuite, la nature finalement épineuse du débat, celui-ci touchant au fondement même du dogme religieux de la société marocaine, soulève bien des questions. Puisque la Moudawana s’inspire de la Chariaa, c’est la religion qui serait, pour beaucoup, en jeu. Il y aurait toutefois un amalgame fait entre ce qui est véritablement religieux et ce qui ne l’est pas.
Écouter aussi : Pourquoi une réforme de la Moudawana s’impose ?
Il convient de noter que dans une très large majorité, nous restons très attachés à ce cadre. Selon un sondage rendu public le 17 mars 2023 par le réseau de recherche panafricain Afrobarometer, 78% des Marocains refusent toute réforme qui ne s’appuierait pas sur la loi islamique, à savoir la charia. Une proportion qui tend même à augmenter avec l’âge (jusqu’à 85% chez les plus de 55 ans), à mesure que l’on gagne moins (81% de ceux qui se placent dans la catégorie des pauvres) et que l’on a moins été à l’école (88% de ceux qui n’ont pas reçu d’éducation formelle). Et, il est justement peut-être intéressant de relever que c’est la gent masculine, et ce à hauteur de 80%, qui tiendrai le plus à prendre en considération la Chariaa, contre 74% pour sa pendante féminine.
«Mais il faut aussi comprendre ce que la charia signifie exactement pour les Marocains», tempère Mhammed Abderrebi, président du cabinet Global for Survey and Consulting, qui a réalisé le sondage pour le compte de l’Afrobarometer. «Moi ce que je peux vous dire, en tout cas de mon point de vue de sociologue de formation, c’est que beaucoup pensent au Maroc que toutes nos valeurs nous viennent de l’islam, et que si l’on y change quelque chose, c’est l’islam qu’on changerait. C’est une perception tout-à-fait subjective de la chose. J’ajouterais, culturelle. Donc indépendamment du débat sur la Moudawana, vous allez systématiquement vous retrouver au milieu d’une discussion houleuse dès lors que vous êtes aux prises avec des questions de société à caractère éthique et/ou moral».
Lire aussi : Nouveau Code pénal, une victoire pour les libertés individuelles selon Ouahbi
Et parmi les principales questions concernées, celle de l’héritage : principalement le principe du taâssib (traduisez : héritage par agnation), que beaucoup considèrent comme un commandement divin, faisant que les filles n’ayant pas de frères se voient en partie déshéritées au profit de parents mâles plus éloignés. «Pour utiliser un jargon religieux, on parle dans le cas d’espèce de “mouamalate”, et pas de “ibadate”, c’est-à-dire des pratiques religieuses en elles-mêmes», tient à expliquer Aatifa Timjerdine, vice-présidente du bureau de Rabat de l’ADFM.
Autre point, constamment soulevé par les associations, le paradigme de la qiwamah. Dans sa mouture actuelle, le Code de la famille érige l’homme en tant qu’individu supérieur à la femme, en ce sens qu’il entretient femmes et enfants. Non seulement le principe est-il dépassé, mais beaucoup le jugent même inconstitutionnel, car il n’est pas conforme aux engagements de l’État envers les citoyens.
Toutefois, malgré la réalité du refus que beaucoup opposent à la réforme, en invoquant l’islam, le terrain n’a jamais été aussi propice pour faire évoluer les lois. Selon la militante, il s’agit dans le fond d’une question de pédagogie. Dans six mois, nous verrons les amendements proposés au Souverain. Espérons qu’ils soient à la hauteur des attentes de toute la société.
Cour des comptes : le stress hydrique, un état d’urgence climatique et stratégique
Politique - Le rapport 2023-2024 de la Cour des comptes met en lumière les défis liés à la gestion hydrique.
Farah Nadifi - 17 décembre 2024Le Parlement abrite le « Congrès du Futur » les 17 et 18 décembre à Rabat
Politique - Le Parlement marocain, avec ses deux Chambres, organise, en collaboration avec la Chambre des députés et le Sénat de la République du Chili, la prochaine édition du «Congrès du Futur»
Rédaction LeBrief - 17 décembre 2024Akhannouch : bâtir aujourd’hui, rayonner en 2030
Politique - Aziz Akhannouch a mis en avant les progrès significatifs réalisés par le Maroc grâce à des choix stratégiques déterminants.
Ilyasse Rhamir - 17 décembre 2024Akhannouch : les infrastructures, moteur du Maroc de demain
Politique - Aziz Akhannouch a souligné que le développement des infrastructures constitue un pilier central pour le progrès du pays.
Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024Al Qods : le Parlement arabe salue le rôle du roi Mohammed VI
Politique - Le Parlement arabe a salué le rôle central du roi Mohammed VI, Président du Comité Al Qods, dans la défense de la cause palestinienne.
Ilyasse Rhamir - 15 décembre 2024Chambre des conseillers : renforcement de coopération parlementaire Maroc-France
Politique - Cette rencontre a mis l'accent sur le renforcement des mécanismes de coopération parlementaire entre le Maroc et la France.
Rédaction LeBrief - 13 décembre 2024L’intégration et la coopération au sein de l’atlantique élargi : un nouveau paradigme de paix et de développement
Politique - L’atlantique élargi, concept mettant en lumière la coopération entre les pays de l’atlantique nord et sud, s’affirme comme un modèle de partenariats régionaux.
Mbaye Gueye - 13 décembre 2024Réforme de l’éducation : entre avancées concrètes et nouveaux projets ambitieux
Politique - Alors que le Maroc s’engage résolument dans la réforme de son système éducatif, les projets se multiplient dans diverses régions.
Farah Nadifi - 13 décembre 2024Au-delà de la langue, le Royaume s’éloigne du français
Politique - Les administrations, ainsi que les établissements publics, sont tenus d’utiliser les langues officielles de la Nation.
Atika Ratim - 5 juillet 2023Paraguay : soutien renforcé au Sahara marocain
Politique - La Chambre des députés du Paraguay a récemment adopté une résolution renouvelant son appui à la souveraineté marocaine sur les provinces sahariennes.
Ilyasse Rhamir - 25 décembre 2024Italie : inauguration du consulat honoraire du Maroc en Calabre
Politique - La ville italienne de Gioia Tauro a accueilli l’inauguration des nouveaux locaux du consulat honoraire du Maroc pour la région de Calabre.
Rédaction LeBrief - 1 décembre 2024Collectivités territoriales : des défis structurels pointés par la Cour des comptes
Politique - Le rapport annuel 2023-2024 de la Cour des comptes met en lumière les dysfonctionnements persistants dans la gestion des collectivités territoriales.
Farah Nadifi - 19 décembre 2024Renforcement des relations entre le Maroc et Sao Tomé-et-Principe
Politique - Le 28 novembre 2024, à Casablanca, le Chef du Gouvernement, Aziz Akhannouch, a accueilli Patrice Emery Trovoada, Premier Ministre de la République Démocratique de Sao Tomé-et-Principe.
Ilyasse Rhamir - 29 novembre 2024Conseil de gouvernement : Ouahbi présente un exposé sur la mise en œuvre du Code de la famille
Politique - Abdellatif Ouahbi, a présenté, devant le Conseil de gouvernement, un exposé sur la mise en œuvre des propositions.
Rédaction LeBrief - 26 décembre 2024Mali : Assimi Goïta plaide pour une réforme de la Constitution
Afrique, Politique, Politique - Le Colonel Assimi Goïta a présenté, le 20 mars, le projet de Constitution du Mali aux forces vives de la nation malienne
Nora Jaafar - 22 mars 2023