Climat : peut-on encore sauver la planète ?
«Il faut qu’ils se dépêchent de skier parce qu’il n’y aura bientôt plus de neige au Maroc. Ni d’électricité pour faire cuire les plats de Yannick Alléno, ni d’essence pour le side-car… Il faut kiffer au maximum pendant qu’on peut. Nos enfants se débrouilleront comme ils peuvent avec ce qu’on leur laisse, en mode Mad Max !», peut-on lire sur le post d’un jeune cadre marocain alors que les représentants du monde entier sont réunis à Charm El-Cheikh pour parler du climat et de l’avenir de notre planète.
Ce commentaire ironique est révélateur d’une prise de conscience chez les Marocains du dérèglement climatique. La sécheresse qui frappe sévèrement le Maroc depuis plus d’une année et les températures estivales enregistrées jusqu’au début du mois de novembre sont des effets palpables du changement climatique. La 27? Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) qui se tient jusqu’au 18 novembre 2022 en Egypte peut-elle changer la face du monde ? Certainement pas, au vu des engagements pris lors de la COP 21 à Paris et qui n’ont été que partiellement respectés.
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Gaz à effet de serre hors de contrôle
Vendredi, une étude de référence publiée par Global carbon project (GCP) a alerté sur le niveau affolant des émissions de CO2. Les chiffres avancés par les scientifiques du GCP font froid dans le dos. Selon eux, les émissions produites par la consommation d’énergies fossiles – pétrole, gaz ou charbon – vont dépasser en 2022 leur niveau record en retrouvant presque le niveau de 2019. Ainsi, les émissions de CO2 d’origine fossile «devraient augmenter de 1% par rapport à 2021, pour atteindre 36,6 milliards de tonnes, soit un peu plus que les niveaux de 2019 avant la Covid-19», selon leurs calculs.
Comment voulez-vous qu’on freine le changement climatique alors qu’on n’arrive même pas à limiter les émissions dues au charbon ? Ces dernières devraient croitre de 1% alors qu’elles étaient en recul depuis 2014. C’est l’un des effets de la crise énergétique due à la guerre en Ukraine, une autre démonstration du fait que l’être humain court à sa perte alors qu’il sait que le gaz à effet de serre est le principal responsable du réchauffement de la planète. Résultats des courses : ces émissions, ô combien néfastes, ne laissent à ce rythme qu’une chance sur deux d’éviter de dépasser un réchauffement de 1,5°C dans neuf ans ! Il faut savoir que la température est liée à la concentration de ce puissant gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Logiquement, la concentration du gaz à effet de serre a augmenté de 51% depuis le début de l’ère industrielle. Dans l’idéal des mondes, les émissions de gaz à effet de serre devraient baisser de 45% d’ici 2030, mais avec près de +1,2°C de réchauffement déjà enregistré, il est difficile d’y parvenir. La planète va donc connaître une multiplication des catastrophes climatiques avec des épisodes de canicules, sécheresses, inondations ou méga-feux, concluent les experts du GCP.
Stress hydrique : une réalité mondiale
Le Rapport sur le climat et le développement du Maroc (CCDR), présenté la semaine dernière à Rabat, offre une analyse diagnostique de fond qui intègre à la fois les enjeux du changement climatique et ceux du développement. Pour les experts de la Banque mondiale, l’heure est grave. Selon leurs projections, une diminution de 25% de la disponibilité en eau dans tous les secteurs de l’économie, conjuguée à une baisse des rendements agricoles due aux dérèglements du climat, pourrait réduire le PIB de 6,5%. Cette réduction entrainerait une récession continue du Royaume.
Le stress hydrique pourrait pousser 1,9 million de Marocains à quitter le monde ruralLe stress hydrique pourrait pousser 1,9 million de Marocains à quitter le monde rural pour s’installer dans les villes. Le Maroc n’est pas le seul pays confronté à cette pénurie d’eau. À l’extrême Est du continent africain, 500 millions de citoyens craignent pour leur avenir. Avec le changement climatique, conjugué à son exploitation par l’homme, le Nil est en train de s’assécher. Le deuxième fleuve le plus long du monde a vu son débit reculer de 3.000 m³ par seconde à 2.830 m³. Les prévisionnistes les plus pessimistes parlent d’une diminution de 70% de ce fleuve, ce qui accentue les tensions autour du dédit du fleuve. Les différents pays traversés par le Nil construisent des barrages de plus en plus grands, mettant en péril l’avenir des générations futures.
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L’autre exemple nous vient d’Asie où le front du glacier de Gangotri, source du Gange, fond désormais à vue d’œil. Le recul de ce glacier suppose une pénurie évidente d’eau pour les 1,4 milliard d’habitants de l’Inde. Le Gange traverse le pays sur 2.550 km et pas moins de 500 millions d’Indiens en dépendent pour leurs besoins agricoles, domestiques et industriels. L’Inde compte 17% de la population mondiale et seulement 4% des ressources en eau. C’est l’un des pays les plus touchés par le stress hydrique avec environ 600 millions de personnes déjà confrontées à un « stress hydrique de niveau élevé à extrême ». Rappelons que le Groupe d’experts intergouvernemental (Giec) a prévenu en février que le changement climatique menaçait la sécurité alimentaire et les « économies fondées sur l’agriculture », dont l’Inde, sont « les plus vulnérables ».
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Aide financière et hypocrisie des grands pollueurs
Les pays du Sud, qui sont loin d’être de grands pollueurs, sont les principales victimes du réchauffement climatique. Certains États insulaires sont même menacés de disparition. Selon un rapport de la COP, les pays du Sud auront besoin de plus de 2.000 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour financer leur action climatique. Le président français, Emmanuel Macron, a été l’un des premiers dirigeants à faire des déclarations en marge de la COP27. Macron a insisté sur la nécessité d’augmenter les contributions financières des pays riches pour aider les pays les plus pauvres frappés par les effets du réchauffement climatique.
Les militants pour le climat ont salué des annonces faites à la COP27 par plusieurs pays développés qui s’engagent à débloquer des fonds destinés aux « pertes et dommages » causés par les catastrophes climatiques déjà subies par les pays les plus pauvres. Quand un chef d’État africain accuse l’Europe de « deux poids deux mesures éhontés » et d' »hypocrisie » à l’égard de l’Afrique sur la question climatique et les politiques énergétiques, c’est que les pays du Sud en ont assez. En pleine COP27, les représentants des pays africains ont fustigé la réouverture en Europe de centrales à charbon face à la crise énergétique causée par la guerre en Ukraine, alors qu’on demande aux nations africaines de ne pas utiliser de combustibles fossiles.
Quant aux deux plus grands pollueurs, ils se renvoient la balle au lieu de prendre des engagements sérieux pour sauver la planète. «Les États-Unis agissent de mauvaise foi (…) Pendant des années, ils ont bloqué les tentatives de créer un mécanisme par lequel les riches pollueurs indemniseraient les pays en développement pour les destructions causées par les catastrophes induites par le climat», indépendamment des élections», a déclaré Harjeet Singh, conseiller principal au Climate Action Network.
Pour ce qui est de la Chine, l’Empire du milieu appelle les pays développés à s’acquitter de leurs responsabilités et de leurs obligations internationales en matière de lutte contre le changement climatique. «Les pays développés doivent tenir leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour l’action climatique dans les pays en développement dès que possible, proposer une feuille de route pour doubler le financement de l’adaptation et prendre des mesures crédibles pour aider les pays en développement à améliorer la résilience climatique», a indiqué le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian.
Le monde dépassera dans quelques jours le nombre de huit milliards d’individusLire aussi : Climat : le Maroc champion, et après ?
Les éternels optimistes vous diront que l’humanité n’a jamais été aussi sereine et épanouie. Elle a pu faire reculer la mortalité infantile, la pauvreté extrême, la malnutrition, la famine et les morts violentes. Malgré la pandémie de Covid-19 et les différentes épidémies enregistrées ici et là, l’espérance de vie et la santé en général se sont nettement améliorées. Quant aux pessimistes convaincus, ils se préparent déjà au monde de demain, celui de l’apocalypse, un monde qui sera fait de guerres pour les ressources vitales, de souffrances et d’insécurité. Entre les deux, il est raisonnable d’être lucide puisque personne ne sait avec certitude comment les choses vont évoluer. Cela veut dire qu’au lieu d’être troublé par demain, il faut agir et vite.
L’Histoire de l’humanité, qui va dans quelques jours dépasser le nombre de huit milliards d’individus, est remplie d’exemples sur la capacité de l’Homme à s’adapter à des conditions très difficiles. Alors, au lieu de paniquer quand arrive la date fatidique du « Jour du dépassement » et qui ne cesse d’avancer, d’année en année, il faudrait se remémorer cette citation du biologiste et naturaliste britannique Charles Darwin : “Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements”.
Qu’est-ce que la Convention-cadre ?
La CCNUCC est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Aujourd’hui, l’adhésion à la Convention est quasi universelle. Les 197 pays qui l’ont ratifiée sont appelés Parties à la Convention.
La CCNUCC est une « Convention de Rio », l’une des trois adoptées lors du « Sommet de la Terre de Rio » en 1992. Ses conventions soeurs sont la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention sur la lutte contre la désertification (CLD). Les trois sont intrinsèquement liés. C’est dans ce contexte que le Groupe Mixte de Liaison a été mis en place pour renforcer la coordination entre les trois Conventions de Rio, dans le but ultime de développer des synergies dans leurs activités sur les questions d’intérêt mutuel. Désormais, il intègre aussi la Convention de Ramsar sur les zones humides.
Prévenir les activités humaines « dangereuses » pour le système climatique est l’objectif ultime de la CCNUCC.