Temps de lecture : 4 minutes
Voilà l’été
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Après 8 mois de dur labeur, j’ai eu droit à un entretien avec mon patron. C’est important de faire le point de temps à autre. Savoir où on en est et prendre les décisions qui s’imposent pour continuer sa route. Après cette entrevue, j’ai donc décidé de remiser ma plume et de la troquer contre un bâton de marche. Je vais profiter de l’été. Découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles personnes pour ne revenir que lorsque mon compte virera au rouge.
Si mon amour pour Casablanca reste inconditionnel, partir à la rencontre du monde ne peut être qu’enrichissant. Désir de casser la routine, d’entendre de nouveaux sons, de voir des choses inhabituelles pour moi. Je me suis donc mis à éplucher les guides de voyage, en gardant à l’esprit le fameux « budget », pour faire durer l’aventure le plus longtemps possible.
Le premier itinéraire, aux parfums de pèlerinage, m’amène à Tamegroute, puis Guelmim avant de m’enfoncer par la Route Nationale N°1 jusqu’à la frontière mauritanienne en m’offrant un crochet par Smara sur les traces de Michel Vieuchange. Nouakchott. Halte chez Amy Sow et direction Saint-Louis au Comptoir du Fleuve chez Amadou puis plonger enfin au cœur du continent, vers l’est. Prendre le ferry à Bafoulabé. S’il ne fonctionne pas, prendre le temps ; regarder les deux rivières donner naissance au fleuve Sénégal, le temps que le trafic reprenne. Rouler lentement jusqu’à Djenné, qui porte si bien son nom, puis Bamako, destination principale, chez mes amis Aboubakar et Alhassan, avant de remonter vers le nord, direction Gao pour revoir Diallo ou, si je suis en manque d’inspiration, directement Tombouctou pour mesurer ce que ce voyage aura induit comme changements dans ma tête. Dans le meilleur des cas.
Près de 10.000 kilomètres. Cela devrait suffire à étancher la soif du voyageur en moi qui souhaite se défaire de sa peau de sédentaire avec ce qu’elle contient de scories, de souvenirs et de rêves avortés. En plus c’est la saison des pluies. Écouter les gouttes se mêler au son mélodieux de la kora, faire une prière pour Barney Wilen, relire Théodore Monod et Odette du Puigaudeau, jouer à l’explorateur sans risque. Jeter un œil de loin vers le pays des hommes sages et prendre les choses comme elles adviennent. Seulement, cela ressemble davantage à un aller simple qu’à une villégiature. Sans mentionner le fait que cela me tiendrait éloigné de ma ville plus que de raison. Alors je regarde du côté d’un club vacances all-inclusive au nord du Maroc. Mauvaise plaisanterie que je vous autorise à biffer ami(e) lecteur-trice.
Ma deuxième option, qui coche toutes les cases, contraintes, budget, temps, etc, est une randonnée à pied, ou plus exactement avec une méharée grâce à mon ami Kantaoui. Relier Tata à Dakhla en 45 jours, « sans assistance » comme dirait une brochure touristique. Se mesurer au temps et à l’espace. S’envoler chaque soir dans la profondeur du ciel, se contenter de peu et prendre soin de ses pieds, pour qu’ils me mènent au bout du chemin. L’idée est celle du départ, de la possibilité d’une renaissance, fantasmée sous des latitudes nouvelles. Les options sont pléthore. Il suffit d’arrêter son choix. Quel qu’il soit, il suppose un silence imposé par la distance et l’introspection qu’elle génère. Je vous rends donc le temps de lecture que vous consacriez à mes chroniques du quotidien d’un Casablancais moyen. Faites-en bon usage.
Pour ma part, je vous dis peut-être à bientôt, si à mon retour j’ai encore des choses à raconter. Je vous remercie en tous les cas pour ce bout de chemin passé ensemble. Bon été à toutes et à tous. Prenez garde au soleil. Et comme dirait l’oncle Sam, God bless you all.
Né en 1966 à Casablanca, Saâd A. Tazi est anthropologue de formation. Sa pratique de la photographie se confond avec les premiers appareils de son adolescence. Après de nombreuses années passées en France et aux Etats-Unis, il revient dans son pays natal, dont la diversité est un terrain de jeu exceptionnel pour les amoureux de la lumière.
Auteur de plusieurs livres et d’expositions au Maroc et à l’international, il continue à découvrir et partager la beauté de notre petite planète