Lettre ouverte aux moustiques
Avec le retour de la chaleur, les nuits sont à nouveau ponctuées par les vols intempestifs nocturnes des moustiques.
Ils, ou plutôt elles, sont là, tapis dans l’ombre. A peine l’interrupteur enclenché, leur ronde commence.
Je veux bien, dans un élan altruiste, accepter que ces mamans lancent leur attaque à la nuit tombée pour nourrir leur progéniture. Mais ce que j’aimerais vraiment, ce serait de rencontrer une représentante de cette espèce pour mettre en place une sorte de modus operandi, ou encore un gentleman-moustique agreement. Ils doivent bien avoir des organes représentatifs ou consultatifs ou un outil de gouvernance quelconque.
Nous pourrions trouver un accord, un terrain d’entente, un moyen de ne plus subir cette agression sans pour autant basculer nous-même dans la violence ou la folie.
Ce matin, je suis arrivé tout boursouflé au bureau. Le moustique femelle de cette nuit a eu l’excellente idée de viser ma paupière. Ce qui me donne l’air d’être, rapidement, passé sur un ring où je me serais fait rosser en bonne et due forme.
J’ai bien entendu eu droit à tout un éventail de remarques, allant de la compassion au sarcasme, avec une majorité pour les moqueries et les comparaisons pas toujours flatteuses. Pendant tout ce temps, je n’avais qu’une seule envie. Me gratter ou jeter ma paupière aux orties. Aïe, ça aussi ça pique. Soit.
J’aimerais donc rencontrer la représentante des mamans moustiques et lui faire part de certaines doléances, fort raisonnables, en comptant sur sa bonne volonté.
Je pense que ces mamans, dévouées à leurs bébés à venir, font preuve d’un excès de politesse en s’annonçant systématiquement à mes oreilles avant de foncer vers les parties les plus fines de ma peau et de la transpercer sans vergogne.
La surface de la peau moyenne d’un humain frôle les 2 mètres carrés. Et dame moustique, fort au fait de l’anatomie épidermique de la gente humaine a un faible pour les zones les plus fines, c’est-à-dire par exemple les chevilles. Ces dernières étant, logiquement, à l’opposé des oreilles pourquoi nous infliger cette crispation inutile en survolant nos oreilles ? Mais surtout, pourquoi se focaliser sur ces 20 centimètres carrés avant de commettre son méfait ?
J’ai appris, que les moustiques ont un faible pour le rhésus O. Du coup, avec mon AB-, je me dis pour une fois que c’est un coup de chance, puisque cela diminue sensiblement mes chances de me faire pomper.
Dans un élan, ou le vague souvenir d’une optimisation des tâches, j’aimerais également proposer une collaboration multipartite où tout le monde trouverait son compte.
Imaginez que les moustiques, nécessaires à la biodiversité, puissent, après un accord passé avec les humains, se rendre au centre de transfusion sanguine le plus proche où une gentille infirmière mettrait à leur disposition quelques gouttes prélevées sur le don de généreux bienfaiteurs. Du coup, il leur serait inutile de venir froisser nos rêves et perturber nos nuits. Un deal win win comme on dit souvent avant de se faire avoir. Mais cela vaut le coup d’être tenté. Non ? Reste juste à faire passer le message.
Né en 1966 à Casablanca, Saâd A. Tazi est anthropologue de formation. Sa pratique de la photographie se confond avec les premiers appareils de son adolescence. Après de nombreuses années passées en France et aux Etats-Unis, il revient dans son pays natal, dont la diversité est un terrain de jeu exceptionnel pour les amoureux de la lumière.
Auteur de plusieurs livres et d’expositions au Maroc et à l’international, il continue à découvrir et partager la beauté de notre petite planète
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