C’est un mécanisme qui aurait pu encourager les Marocains à voyager encore plus cet été. Face à l’inflation galopante, le chèque-vacances, promis depuis plus de dix ans, aurait pu alléger les dépenses des ménages pendant cette période estivale. Un mécanisme réclamé également par les professionnels du tourisme et qui pourrait doper le tourisme intérieur. Scan d’une mesure qui a fait ses preuves sous d’autres cieux.

L’attente persistante pour la concrétisation du chèque-vacances au sein du secteur touristique est interminable. Depuis son intégration dans la loi de finances rectificative de 2020 sous le gouvernement El Otmani, son exécution demeure en suspens, en raison de l’absence d’un décret d’application.

Il y a quelques semaines, lors d’un passage sur 2M, la ministre du Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, avait évoqué le travail effectué par son département pour introduire les chèques-vacances à partir de l’année prochaine. Elle avait souligné que des progrès significatifs ont été réalisés tout en espérant que cette initiative verra le jour dans le cadre de la prochaine loi de finances. La ministre attribuait ce retard principalement à des « détails techniques » en cours de résolution, dans le but d’assurer une mise en œuvre effective des chèques vacances dès 2024.

Pour rappel, le gouvernement avait été critiqué par la Cour des comptes pour le retard dans la mise en place de ce système. Dans son dernier rapport, publié en mars, l’institution dirigée par Zineb El Adaoui avait mis en évidence le délai pris pour concrétiser ce mécanisme de soutien à la demande nationale. «En ce qui concerne la promotion et le renforcement de la demande touristique, il est à souligner que le mécanisme de soutien de la demande domestique, qui consiste en l’émission de « chèques-vacances », à délivrer par les employeurs à leurs salariés pour leurs permettre de s’acquitter de toutes ou une partie des dépenses relatives aux prestations touristiques, tarde à se concrétiser, et ce, malgré l’adoption de cette mesure dans le cadre de la loi des finances rectificative 2020», pouvait-on lire sur la synthèse du rapport annuel de la Cour des comptes.

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Une proposition émanant du Parti de l’Istiqlal

En 2020, alors que le secteur touristique agonisait à cause de la pandémie de Covid-19, le groupe parlementaire de l’Istiqlal propose de déterrer un ancien projet pour promouvoir le tourisme intérieur. Il s’agit de l’instauration du mécanisme des chèques-vacances. Cette proposition prend place quelques semaines après l’adoption de la loi de finances rectificative de 2020, qui a introduit une exonération de l’Impôt sur le revenu (IR) pour les avantages et primes octroyés aux salariés sous forme de chèques-vacances. Un mécanisme très en vogue en Europe depuis des décennies. Il vise à faciliter le départ en vacances des salariés en rendant accessible une gamme variée de services de transport, d’hébergement et de restauration, dans une optique de cohésion sociale et de lutte contre l’exclusion.

Une proposition qui trouve son sens aujourd’hui avec l’érosion du pouvoir d’achat. Ainsi, l’idée d’introduire les chèques-vacances pour soutenir la demande intérieure a pris forme. Selon le texte discuté à l’époque au Parlement qui se réunissait à distance, ce dispositif aurait des effets bénéfiques pour les ménages et les professionnels du tourisme. Il permettrait à la classe moyenne d’augmenter son budget pour les voyages et les loisirs, tout en dynamisant les destinations touristiques nationales. Cela se traduirait par la création d’emplois et de recettes fiscales supplémentaires. La proposition de loi prévoit plusieurs avantages fiscaux pour encourager l’adhésion des employeurs et des salariés à ce dispositif. Elle prévoit également la déductibilité des contributions patronales liées aux chèques-vacances. De plus, la contribution des employeurs serait considérée comme un complément du salaire net, exempté de l’IR et des charges sociales.

De plus, face à la concurrence déloyale de l’hébergement informel qui nuit aux professionnels, l’utilisation exclusive des chèques-vacances auprès des établissements touristiques agréés pourrait limiter cette pratique en expansion. Le chèque-vacances pourrait être mis en place comme une prime alimentée conjointement par les entreprises et l’État, avec une participation volontaire des salariés sous forme d’épargne-vacances. Ce mécanisme ouvrirait l’accès aux vacances à un plus grand nombre de personnes, augmenterait les taux d’occupation des hôtels et stimulerait le tourisme intérieur.

La popularité du chèque-vacances dans des pays européens comme la France, où il a été largement adopté, justifie l’engouement pour cette proposition de loi. En 2018, plus de 4,5 millions de personnes ont bénéficié de chèques-vacances en France, pour un volume d’émission net de 1,67 milliard d’euros, selon l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV).

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Un projet porté par Lahcen Haddad en 2013 déjà…

Le ministère du Tourisme, sous la direction de Lahcen Haddad, avait concocté un programme novateur pour dynamiser le tourisme intérieur en 2013. Haddad, aujourd’hui parlementaire istiqlalien, était ministre dans le gouvernement Benkirane sous les couleurs du Mouvement populaire (MP). Face à l’échec du programme Kounouz Biladi, censé revitaliser le tourisme intérieur, Haddad avait estimé que la contribution des touristes nationaux était insuffisante. En effet, ces derniers ne représentaient que 28% de la consommation totale du produit touristique.

Kounouz Biladi, une plateforme en ligne regroupant des offres de séjours spécialement conçues pour les touristes nationaux, présentait des lacunes. Les professionnels du secteur soulignaient le besoin de programmes plus innovants, mieux adaptés au contexte marocain. En réponse, le département du Tourisme voulait lancer les chèques-vacances. Lahcen Haddad expliquait alors que le mécanisme des chèques-vacances serait alimenté à la fois par les employeurs, qu’ils soient du secteur public ou privé, ainsi que par les employés. Les chèques-vacances, exonérés de charges et déductibles du bénéfice imposable, constitueraient un complément de rémunération attrayant pour les employeurs et les employés.

Néanmoins, la réussite potentielle de ce programme restait à déterminer. Lahcen Haddad déclarait que l’efficacité de cet outil n’est pas encore garantie. Aujourd’hui, le soutien de l’État semble crucial avec la désignation d’un organisme, qu’il soit public ou privé, en charge de l’opération. Le défi majeur réside dans la nécessité de rallier à la fois l’État et les acteurs économiques. Tandis que l’État prône une politique d’austérité mettant fin aux exonérations, les entreprises, fraîchement touchées par l’augmentation du SMIG et des coûts des carburants, ne sont pas forcément enclines à accepter une nouvelle contribution patronale.

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Comment ça marche ?

En tant qu’instrument de solidarité, le chèque-vacances vise à encourager le plus grand nombre à partir en vacances. Il est distribué sur la base de critères sociaux et couvre une gamme de services, allant de l’hébergement et du transport, à la culture, la découverte et les loisirs sportifs, via un réseau étendu de prestataires. Le concept des chèques-vacances se présente comme un levier destiné à insuffler une nouvelle énergie au tourisme intérieur, en apportant un soutien significatif au pouvoir d’achat des vacanciers nationaux et en combattant l’économie informelle.

Il s’agit de titres de paiement qui permettent de couvrir les dépenses liées aux vacances telles que les déplacements, l’hébergement, la restauration, ainsi que les activités culturelles et de loisirs. Ils ne sont pas destinés à l’achat de biens de consommation. Les travailleurs contribuent partiellement aux chèques vacances, l’entreprise couvrant le reste, généralement entre 50% et 80%. Ces chèques bénéficient d’exonérations fiscales et sociales, en plus d’être déductibles du bénéfice imposable. Pour les employeurs, ils servent de motivation pour le personnel et favorisent la culture d’entreprise. En Europe, notamment en France, près de 10 millions de personnes bénéficient de cette forme d’aide, dépensant en moyenne environ 380 euros par séjour ou lors de visites culturelles.

La mise en place des chèques-vacances au Maroc est une demande de longue date de la part des professionnels du secteur. Ces chèques pourraient favoriser les départs en vacances pour les deux tiers de la population marocaine qui, en général, reste chez des proches ou loue des logements meublés. Ces flux touristiques pourraient alors être dirigés vers des hébergements touristiques classés, y compris en milieu rural. Cette initiative pourrait renforcer les budgets voyages et rallonger la durée des séjours, offrant un soutien au supplémentaire secteur touristique.

L’implémentation des chèques-vacances pourrait débuter par le secteur public et les grandes entreprises privées, comptant plus de 80 employés. Pour ces dernières, des avantages fiscaux pourraient être mis en place afin de les encourager à adopter cette démarche. Cependant, l’adhésion à ce système devrait être établie sur le volontariat, aussi bien pour les employeurs que pour les employés affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) ou les fonctionnaires d’État.

L’introduction des chèques vacances aura un impact significatif sur l’augmentation du pouvoir d’achat des touristes marocains, en couvrant au moins 50% des coûts des vacances. Ainsi, les Marocains seront en mesure de voyager plus souvent, pour des durées de séjour prolongées et pourront envisager des voyages en famille. Actuellement, de nombreuses familles, en particulier celles nombreuses, restent à la maison, malgré leur contribution à l’économie du pays. Une politique de tourisme social et solidaire, avec la collaboration du secteur public et privé ainsi que des organisations associatives, est nécessaire pour proposer des formules abordables, éthiques et respectueuses de l’environnement.

Le secteur du tourisme s’est doté d’une nouvelle feuille de route récemment. Dotée d’un budget de 6,1 milliards de DH sur une période de quatre ans, cette initiative vise à attirer 17,5 millions de touristes d’ici à 2026, à générer 120 milliards de recettes en devises d’ici à 2026 et à créer 200.000 nouveaux emplois directs et indirects d’ici à 2026. Ceci ne peut être réalisé sans l’encouragement du tourisme domestique. L’instauration des chèques-vacances pourrait devenir le meilleur stimulateur.

Secteurs acceptant le chèque-vacances comme moyen de paiement en France

  • Hébergement : campings, hôtels, villages et clubs de vacances, colonies de vacances, gîtes…
  • Voyages et transports : trains, avions, agences de voyages, loueurs de voitures, péages…
  • Culture et découverte : musées, monuments historiques, châteaux, parcs d’attractions, zoos, spectacles, planétariums, aquariums…
  • Loisirs sportifs : accrobranche, bases de loisirs, kartings, bowlings, patinoires, locations de skis, associations sportives…
  • Restauration : brasseries, grandes chaînes, établissements gastronomiques…

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