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Le XVe sommet des BRICS qui s’est tenu à Johannesburg s’est achevé le jeudi 24 août au terme de trois jours de discussions réunissant le bloc des non-alignés – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – et 67 dirigeants africains ainsi qu’une vingtaine de représentants d’organisations internationales. L’expansion du groupe était la priorité de cette édition dont le thème majeur a été «BRICS et Afrique : partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif».
«Les BRICS entament un nouveau chapitre», s’est félicité le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Le bloc a, en effet, dans la soirée du jeudi, approuvé les candidatures de six pays émergents. Il s’agit de l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Signe de l’influence grandissante des pays émergents sur la scène mondiale, selon le «club des cinq», une quarantaine de pays avaient demandé leur adhésion ou manifesté leur intérêt, notamment Cuba, le Vietnam, Cuba ou encore l’Algérie.
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«Le besoin objectif d’un groupe comme les BRICS n’a jamais été aussi grand», a déclaré l’ancien ministre sud-africain du Commerce et de l’Industrie, Rob Davies, qui avait aidé son pays à intégrer le bloc en 2010. «Les organismes multilatéraux ne sont pas des lieux où nous pouvons aller et obtenir des résultats équitables et inclusifs», a-t-il affirmé.
Le sommet achevé, les participants ont adopté une déclaration dressant le bilan des travaux. Le document reflète les objectifs, les préoccupations et les résultats obtenus par les pays de l’organisation, qui produit un quart de la richesse mondiale et rassemble 42% de la population du globe.
Vers un monde multipolaire…
La liste des griefs est longue : pratiques commerciales abusives, régimes de sanctions punitives, négligence des besoins de développement des nations les plus pauvres, domination de l’Occident riche sur les organismes internationaux comme les Nations unies, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale.
Dans un contexte d’insatisfaction généralisée à l’égard de l’ordre mondial, la promesse des BRICS de faire du groupe le grand défenseur du «Sud global» a reçu un accueil favorable depuis sa création. Les pays du bloc ont en commun leur revendication d’un équilibre politique et économique mondial plus inclusif, en particulier vis-à-vis des États-Unis et de l’Union européenne.
Poids lourd comptant pour environ 70% du PIB du groupe, Pékin était clairement en faveur d’une expansion. L’Inde, elle, autre locomotive économique du groupe qui se méfie des ambitions de son rival régional chinois, était sur la réserve. Et le groupe disparate de pays dotés d’économies à la croissance inégale a dû s’accorder sur le choix stratégique des nouveaux entrants.
Au terme des tractations qui ont eu lieu au cours d’une session plénière à huis clos mercredi et à l’occasion de plusieurs rencontres bilatérales tenues depuis l’ouverture du sommet mardi, Delhi a finalement apporté son soutien à l’ouverture. Pretoria, qui milite en faveur d’une plus grande représentativité de l’Afrique, a remporté une manche avec l’intégration de deux pays du continent.
Le poids, l’autorité et la position du pays candidat sur la scène internationale ont été pris en compte en premier, selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Les critères et les modalités de l’élargissement du groupe avaient été définis et concertés la veille. En janvier 2024, les six nouveaux membres se joindront au groupe.
Tout le monde préconise qu’on élargisse nos rangs avec ceux qui partagent la même vision.
–Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères.
Parmi les pays dont les candidatures ont été retenues et qui ont une position commune se trouvent ceux qui croient en la multipolarité, en la nécessité de relations internationales plus démocratiques et plus équitables, qui insistent sur la croissance du rôle du Sud global dans les mécanismes de gouvernance mondiale.
Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a d’ores et déjà affirmé que le bloc continuera à gagner du terrain. «Les BRICS continueront à s’ouvrir à de nouveaux membres», a-t-il avancé, et «à être la force motrice d’un nouvel ordre international».
… sans Alger
La demande de l’Algérie de faire partie des BRICS n’a pas été retenue. Une nouvelle attendue dans la mesure où le chef de l’État algérien avait décidé de ne pas participer à l’événement, préférant y dépêcher son ministre des Finances, précise Jeune Afrique.
Si le rejet de la candidature algérienne était attendu, il n’en constitue pas moins un échec pour le président Tebboune, qui avait fait de l’adhésion de son pays aux BRICS l’une de ses priorités politiques et diplomatiques. Plein d’enthousiasme, il avait déclaré l’an dernier que 2023 serait «couronnée par l’adhésion de l’Algérie au BRICS». Il avait précisé que l’adhésion se ferait «par une première phase, celle de membre observateur», en soulignant : «L’Algérie ne va pas s’imposer».
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L’Algérie a toutefois proposé de contribuer au capital de la Nouvelle banque de développement de l’organisation avec un premier versement de 1,5 milliard de dollars.
La presse algérienne tente d’expliquer ce refus par des considérations géopolitiques et économiques, tout en appelant à une réaffirmation de la position de non-aligné du pays. En effet, certains médias attribuent ce rejet à un veto de l’Inde et à la non-adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale de commerce (OMC), entre autres.
TSA Algérie admet toutefois, que «l’Algérie qui dispose pourtant d’atouts non négligeables dont un sous-sol regorgeant de richesses, accuse des faiblesses économiques avec une industrie moribonde et un secteur bancaire archaïque dominé par les banques publiques. L’Algérie accuse aussi un retard dans les réformes structurelles et son administration, trop bureaucratique, peine à se moderniser».
Six nouveaux membres
Immédiatement après l’annonce, Téhéran a salué sur X (ex-Twitter) «un développement historique et un succès stratégique pour la politique étrangère» du pays. Ces dernières années, l’Iran s’est tourné vers des organisations sans membres occidentaux, dans l’objectif de briser son isolement et de revitaliser une économie fragilisée par les sanctions occidentales. La République islamique a ainsi rejoint l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), une entité régionale établie en 2001 et comptant parmi ses membres fondateurs la Chine et la Russie.
L’Iran, qui n’entretient aucune relation diplomatique avec Washington, «est un ajout controversé et sans doute lié à une demande de la Russie», dépendante de la mer Noire pour le commerce, explique à l’AFP Gustavo de Carvalho, chercheur en relations internationales basé en Afrique du Sud accrédité au sommet.
Les Émirats arabes unis se sont aussi félicités, le président Mohammed ben Zayed affirmant «respecter la vision des dirigeants des Brics». Même chose pour l’Égypte, qui s’est dite impatiente de «faire entendre la voix des pays du Sud».
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Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a évoqué «un moment fort» pour son pays. «L’Éthiopie est prête à coopérer avec tous pour un ordre mondial inclusif et prospère», a-t-il posté sur les réseaux sociaux. Traditionnellement non alignée, l’Éthiopie entretient des liens étroits avec la Russie et la Chine – son principal partenaire commercial – mais aussi avec les États-Unis, même si les rapports avec Washington se sont tendus durant les deux ans de conflit dans la région du Tigré (nord de l’Éthiopie), qui s’est achevé en novembre 2022.
L’Éthiopie a été durant la décennie 2010 une des économies les plus dynamiques du monde, mais sa croissance a été enrayée par la pandémie de la Covid-19, les calamités climatiques, le conflit au Tigré et l’onde de choc mondiale de la guerre en Ukraine. L’Éthiopie serait attirée par l’engagement du bloc en faveur de réformes aux Nations unies qui donneraient plus de poids au continent africain.
L’adhésion de l’Arabie saoudite est un avantage important pour les BRICS, Riyad ayant un PIB dépassant les 800 milliards de dollars selon les données de la Banque mondiale, ce qui en fait la plus grande économie au Moyen-Orient. En tant que premier producteur mondial de pétrole, l’Arabie saoudite a traditionnellement bénéficié de liens économiques et sécuritaires étroits avec Washington.
Selon les analystes, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis voient dans les BRICS un moyen de jouer un rôle plus important au sein des instances mondiales.
D’autres souhaitent des changements au sein de l’Organisation mondiale du commerce, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. C’est le cas de l’Argentine, en proie à une inflation sans précédent et en difficulté pour rembourser une dette de 44 milliards de dollars au FMI.
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva avait ouvertement plaidé en marge du sommet pour une intégration du pays, critiquant les prêts «asphyxiants» des bailleurs internationaux. «L’Argentine a demandé avec insistance une reconfiguration de l’architecture financière internationale», a déclaré à Reuters un représentant du gouvernement argentin impliqué dans les négociations d’adhésion aux BRICS.
Iran, Arabie Saoudite et Émirats arabes unis «ont tous un poids économique énorme et leur pétrole préserve leurs intérêts», relève Chris Landsberg, spécialiste en politique étrangère à l’Université de Johannesburg.
Mais dans l’ensemble, «il y aura beaucoup de choses à découvrir sur la future dynamique créée par cette expansion», estime de Carvalho. Selon les observateurs, les membres du bloc doivent trouver un équilibre entre proximité avec Pékin et Moscou et risque de s’éloigner d’un partenaire commercial majeur comme Washington.
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D’autres soulignent un bilan décevant qui, selon eux, n’augure rien de bon quant à la capacité des BRICS à répondre aux espoirs de leurs membres potentiels. «Il se peut qu’ils aient des attentes exagérées quant à ce que l’adhésion aux BRICS apportera dans la pratique», a déclaré à Reuters Steven Gruzd, de l’Institut sud-africain des affaires internationales.
Washington a affirmé cette semaine ne pas voir dans les membres du bloc de futurs «rivaux géopolitiques», assurant vouloir maintenir de «solides relations» avec le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. «Comme l’iPod et MySpace, le groupe des Brics est un produit de l’optimisme bienveillant des années 2000 qui s’est rapidement essoufflé», écrit Challenges.
En 2001, Goldman Sachs a inventé l’acronyme BRIC dans un document sur le potentiel économique du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. Le quatuor s’est emparé de l’idée et a organisé son premier sommet en 2009. Un an plus tard, l’Afrique du Sud a été invitée à se joindre au groupe. Certains analystes craignaient que les Brics ne commencent bientôt à rivaliser avec le G7, mais le groupe s’est rapidement essoufflé. Les économies non asiatiques des BRICS ont stagné dans les années 2010. Lors des sommets, le bloc publiait des communiqués confus sur le perfide Occident, que ce dernier s’empressait d’ignorer. Les BRICS semblaient morts.
«Dédollariser» l’économie mondiale
Si l’expansion est l’objectif majeur de leur rassemblement, les membres du bloc se sont aussi dit déterminés à réduire leur dépendance à l’égard du dollar américain. Le club des cinq grands émergents a déjà accompli ses premiers pas dans la «dédollarisation», avec la création, dès 2015, de sa propre banque, la Nouvelle Banque de développement (NDB en anglais).
L’établissement, basé à Shanghai, espère «prêter de 8 milliards à 10 milliards de dollars. Notre but est que 30% de nos prêts soient libellés en devises locales», selon la déclaration au Financial Times, la veille du sommet de Johannesburg, de son actuelle présidente Dilma Rousseff, l’ancienne présidente du Brésil. Autrement dit, les crédits accordés à l’Afrique du Sud le seront partiellement en rands, ceux à l’Inde en roupies.
La Chine, quant à elle, pousse à multiplier les prêts dans sa monnaie, le yuan, qu’elle ambitionne d’internationaliser. «Les devises locales ne sont pas une alternative au dollar, argumente Dilma Rousseff, elles sont une alternative à un système (…) unipolaire (…) qui va être remplacé par un système plus multipolaire». La NDB se prévaut aussi de ne pas conditionner ses prêts à des réformes économiques, vouées à rétablir les finances publiques, souvent impopulaires, comme le fait le FMI.
Mais «basculer d’un monde dominé par le billet vert depuis l’après-guerre vers un monde financier multipolaire ne se fera pas d’un coup de baguette magique, ni par la seule volonté politique», note Le Figaro.
De son côté, le président russe, Vladimir Poutine, grand absent de cette réunion, la première depuis la pandémie de Covid-19, a réitéré la nécessité de mettre fin à l’hégémonie du dollar sur les échanges commerciaux à l’échelle mondiale et de promouvoir l’utilisation des monnaies locales.
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Visé par un mandat d’arrêt international pour crime de guerre en Ukraine, il s’est exprimé au sommet en visioconférence, rappelant que la Russie reste membre à part entière de l’organisation, et de souligner encore et toujours sa position sur les sanctions prises à la suite de son offensive en Ukraine. Elles sont, a-t-il répété, «illégales», et ont «de graves conséquences sur l’économie mondiale».
Par ailleurs, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a mis en garde mercredi contre toute utilisation des systèmes de paiement internationaux comme moyen de pression dans les conflits géopolitiques entre les puissances mondiales. «Nous exprimons notre inquiétude quant à l’utilisation croissante des systèmes de paiement internationaux comme moyen de pression dans les conflits géopolitiques», a déclaré le président sud-africain.
Ces déclarations interviennent au moment où l’Occident, Washington en tête, utilise le système de paiement « Swift » comme sanction imposée à la Russie pour sa guerre en Ukraine. Washington utilise également le dollar américain comme moyen de pression sur la Russie, et auparavant sur l’Iran, dans le cadre d’une série de sanctions pour tenter de resserrer l’étau économique et commercial sur Moscou et Téhéran.
Les propositions concrètes doivent être formulées lors du prochain sommet qui devrait se tenir en 2024 dans la ville de Kazan. Le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud ont d’ores et déjà apporté leur plein soutien à la Russie pour sa présidence du groupe pour ce XVIe sommet.
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