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Biioui, Naciri, et le trafic international de drogue : anatomie d’un scandale

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Le président du Wydad de Casablanca, Saïd Naciri, et le président du Conseil régional de l'Oriental, Abdenbi Biioui. © DR

Quatrième jour de détention provisoire à la prison de Oukacha pour le président du Wydad de Casablanca, Saïd Naciri, et le président du Conseil régional de l’Oriental, Abdenbi Biioui. À leur côté, 18 autres personnes, dont certains hauts placés à la police marocaine, ont été arrêtés, soupçonnés d’être impliqués dans une affaire de «trafic de drogue international». Le scandale qui a éclaté avec les confessions de l’«Escobar du désert» n’a pas encore touché à sa fin. Comment l’affaire a-t-elle éclaté ? Quel est le degré d’implication de chacun ? Voici pour l’heure ce que l’on sait.

Vendredi 22 décembre 2023, le juge d’instruction près la Cour d’appel de Casablanca a ordonné le placement en détention de Saïd Naciri, patron du WAC et d’Abdenbi Biioui, président du Conseil régional de l’Oriental et magnat du BTP, dans le cadre d’une vaste affaire de trafic international de drogue impliquant un étranger notoire dit «le Malien» ou encore l’«Escobar du désert». Les deux hommes, entre autres, doivent être étroitement surveillés en état de détention dans une affaire de trafic international de drogue, de faux, de blanchiment d’argent et d’abus de pouvoir.

Les deux membres du Parti authenticité et modernité (PAM), dont les adhésions ont été gelées dès le début de l’enquête, devraient faire appel ce lundi même.

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De plus, une dizaine d’autres personnes (18) – dont l’ancien parlementaire du PAM, Belkacem Mir, ainsi que des hommes d’affaires, une créatrice de mode, des dirigeants d’entreprises, des commerçants, une notaire, des agents de sécurité et des fonctionnaires – ont également été poursuivis en état d’arrestation pour plusieurs chefs d’inculpation : «participation à un accord en vue de la détention», «trafic, transport et exportation et tentative d’exportation de drogues», «corruption», «falsification de documents officiels», «facilitation de l’entrée et de sortie régulières vers et depuis le territoire marocain dans le cadre d’une bande criminelle», ….

Une autre personne a été soumise par le parquet au contrôle judiciaire, tandis que le ministère public a chargé la police judiciaire compétente, notamment la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), de poursuivre les investigations contre quatre autres, en état de liberté provisoire avec interdiction de quitter le territoire.

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Une nouvelle audience devant le juge d’instruction a été fixée pour le 25 janvier 2024. Pour l’heure, tout en continuant à informer l’opinion publique des résultats des enquêtes et d’enquête une fois achevées, le ministère public insiste sur le plein respect des exigences de la loi incarnant l’État de droit tout en garantissant le respect de la présomption d’innocence.

Quel degré d’implication pour Naciri ?

Si plusieurs sources rapportent que dix chefs d’accusation ont été retenus contre Naciri dans le cadre de cette affaire, surtout «falsification de documents officiels, possession et distribution de drogue, spoliation, blanchiment d’argent, faux et usage de faux, recel et d’abus de pouvoir et utilisation de chèques contrefaits», Me Ezzouate, l’un des avocats du président du WAC, a insisté auprès de nos confrères de Médias 24 que son client n’est ni accusé ni suspecté de «blanchiment ou de trafic de drogue».

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Sa défense, qui réclame sa mise en liberté provisoire, se dit «confiante» quant à son «innocence». Des sources rapportées par le même média affirment que Naciri aurait connu le principal accusé par le biais de Biioui qui le lui avait présenté en tant que futur investisseur pour importer des voitures de marques chinoises et installer un showroom à Casablanca.

«Le principal accusé (dit le Malien, accusé d’être à la tête du réseau de trafic) était simplement une connaissance qui a demandé une aide humaine et personnelle à Saïd Naciri. En aucun cas ce dernier n’est concerné ni n’avait connaissance du fond de l’affaire», a déclaré l’avocat, démentant les accusations portées par le ministère public contre le patron du Wydad.

Des sources judiciaires suggèrent déjà la possibilité d’une mise en liberté provisoire sous caution pour au moins l’un des principaux prévenus dans cette affaire complexe.

Les confessions de «Pablo Escobar du désert»

Le scandale a éclaté après que le trafiquant de drogue international surnommé «l’Escobar du désert», initialement détenu à la prison d’El Jadida avant d’être transféré à la prison de Casablanca, ait accusé un groupe d’individus de s’être emparés de ses biens immobiliers.

L’enquête a démarré l’été dernier, après que «le Malien», l’un des plus grands barons de la drogue en Afrique, arrêté à l’aéroport de Casablanca en 2019 et incarcéré pour au moins dix bonnes années à la prison d’El Jadida, ai révélé être victime d’un complot. Ne reniant rien de ses activités criminelles, il a accusé un groupe d’individus de s’être emparés de ses biens immobiliers, impliquant ainsi le patron du Wydad.

Le dossier a été révélé par Jeune Afrique, qui a détaillé les implications et les connexions présumées de personnalités politiques avec le baron incarcéré depuis 2019. Ces révélations ont conduit le parquet à diligenter une enquête approfondie, confiée à la Brigade nationale de la police judiciaire, pour démêler ce réseau complexe et ses ramifications.

Et des sources proches du dossier prédisent l’arrivée de nouveaux noms de personnalités publiques dans les prochains jours.

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«Au vu de la complexité des faits, l’enquête a pris le temps suffisant requis par la nécessité des recherches sous le ministère public, dans le strict respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur», pouvait-on lire sur le communiqué du ministère public daté du 22 décembre 2023.

Le média panafricain mentionne une coopération entre des politiciens marocains et l’un des plus importants barons de la drogue au Sahel, connu sous le nom d’El Haj Ahmed ben Ibrahim, de père malien et de mère marocaine, pour transporter des tonnes de drogue depuis les côtes de Saidia vers d’autres pays d’Afrique, notamment la Libye et l’Égypte. Les mêmes activités étaient également menées par ses associés dans des régions désertiques près de Zagora et Agadir.

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Ces révélations sont intervenues au moment où l’accusé, à peine libéré de Mauritanie, a été appréhendé par la BNPJ. Le baron de la drogue a confirmé que la police marocaine avait saisi à El Jadida 40 tonnes de «haschich» après que cette cargaison ait été transportée par des camions appartenant à une société lui appartenant, mais vendue à un parlementaire marocain. Ce dernier n’aurait toutefois pas modifié les papiers d’immatriculation de ces camions, qui restent toujours sous le nom du baron de la drogue.

Mécontent de la manière dont il a été piégé pour s’emparer de ses biens une fois incarcéré, il a décidé de révéler des informations compromettantes sur ses associés politiques et sportifs, les accusant de trahison et de complot, tout en affirmant que les autorités marocaines manquaient de preuves concrètes contre lui dans le trafic de drogue. Il attaquera plusieurs personnalités, dont Abdenbi Bioui, président de la région Orientale, PDG de Biioui Travaux et figure majeure du PAM, pour son implication présumée dans des activités de trafic de drogue depuis 2010.

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Cette année-là, le Malien, largement soutenu important au Maroc, collabore avec l’équipe de football de la région d’Oujda – contre laquelle il déposera plus tard huit plaintes – et s’engage avec les dirigeants politiques du nord du Maroc jusqu’à Zagora pour le transport du cannabis à travers le continent, rapporte Hespress. «Les opérations se déroulaient sans problème, les Marocains vendaient leurs actions et le Malien les utilisait pour blanchir son argent. Il a acheté de nombreux appartements à Marina Saadia, investi dans diverses entreprises et usines et prêté des sommes substantielles à ses nouveaux associés dans le jeu», poursuit le média.

D’éleveur de chameaux à «Escobar du désert»

Ahmed ben Ibrahim, né en 1976 à Kidal, au Mali, d’une mère marocaine d’Oujda et d’un père malien, et mieux connu sous le nom de «Malien» ou «Escobar du désert», vivait une vie modeste et traditionnelle d’élevage de chameaux.

Sa vie prendra une tournure inattendue lorsque son chemin croisera celui d’un Français perdu dans le désert. Le Malien l’a assisté et, en guise de remerciement, le Français lui a offert sa voiture. Il vend alors la voiture sur les conseils du même étranger, mais au lieu de garder l’argent de la vente de la voiture, Ben Ibrahim l’a envoyé au Français. Ce dernier, reconnaissant la fiabilité du Malien, a décidé de l’impliquer dans l’importation et l’exportation de voitures entre l’Europe et l’Afrique.

Biioui, Naciri, et le trafic international de drogue : anatomie d’un scandale

El Hadj Ahmed Ben Ibrahim. © Jeune Afrique

Passant du commerce automobile à l’or, ben Ibrahim construira progressivement un réseau à travers le Sahel et le désert, hauts lieux du crime organisé. L’expertise du baron de la drogue s’est étendue aux subtilités des passages de frontières, des itinéraires, des douanes, et bien plus encore. Cela lui a permis d’acquérir une compréhension approfondie de la région, notamment de ses tribus, des dialectes des communautés de l’Azawad et de la cartographie de la région entière. Cet ensemble de compétences rares était inestimable.

Ben Ibrahim développera de plus en plus ses opérations en transportant de la cocaïne d’Amérique latine vers l’Afrique de l’Ouest. Les drogues étaient ensuite distribuées soit par voie terrestre, en passant par le Mali et le Niger vers l’Algérie, la Libye et l’Égypte, soit par voie maritime jusqu’aux côtes marocaines puis en Europe.

Le baron de la drogue a atteint son apogée lorsqu’il a commencé à contrôler l’ensemble de la chaîne de production, de transformation et de distribution, nouant des liens avec des généraux impliqués dans la politique et la drogue en Bolivie et s’est vu promettre le mariage de la fille d’un officier de haut rang après en être tombé amoureux.

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En 2015, après une poursuite ciblée par Interpol ayant conduit à une course-poursuite des gendarmes mauritaniens dans le désert mauritanien, près de la frontière marocaine, le Malien a été arrêté. Bien qu’il transportait trois tonnes de cocaïne, de grosses sommes d’euros, ainsi qu’un Marocain et un ancien militaire du Polisario, il a été libéré en 2019 grâce à son réseau impliquant des militaires et des juges mauritaniens.

Cependant, le jour où il devait franchir les frontières et quitter la Mauritanie, il a été de nouveau arrêté par les forces de gendarmerie. Il n’a passé que quatre ans dans les prisons mauritaniennes après avoir payé une importante somme d’argent.

À sa libération, l’«Escobar du désert» avait la ferme intention de retrouver son poste et de recouvrer ses dettes. Cependant, il a affirmé avoir découvert qu’un président d’un club de football s’était emparé de la villa du Mali à Casablanca, tandis qu’un responsable de la région de l’Est avait également pris son appartement à Casablanca. De plus, durant les quatre années passées en prison, les proches politiques du Malien ont saisi plus de 3,3 millions d’euros.

À son retour au Maroc, il a été arrêté à l’aéroport Mohammed V de Casablanca en 2019 par le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ), malgré les assurances de ses partenaires selon lesquelles il n’était pas recherché au Maroc. Il s’est finalement retrouvé derrière les barreaux à El Jadida.

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