Samia Akariou, Nora Skali, Loubna El Jaouhari, Bouchra Hraich, Fatim-Zahra Qanboua, Saadia Ladib, Sofia Belkamel et Faty El Jaouhari, d’un ton solennel, disent : «Bghatha Lwa9t, changeons les lois.» Ces huit femmes marocaines ont accepté d’être les voix des sans-voix dans la campagne nationale lancée par le Collectif pour une Législation Égalitaire (CLE), soutenu par ONU Femmes, pour une justice de genre égalitaire au Maroc.
«Nous en avions assez de parler sans être entendues, sans être reconnues, nous en avions assez de revendiquer l’égalité, davantage de justice et de vivre ensemble dans un pays où les lois nous protègent au lieu de nous mettre constamment en danger. Nous en avions assez de ne pas être soutenues. Alors, nous leur avons demandé de parler à notre place, de porter haut et fort nos voix et notre combat, ce combat qui est aussi le leur, le vôtre, à toutes et à tous, le combat pour l’égalité, la justice, pour un Maroc où citoyennes et citoyens sont enfin égaux. Elles ont accepté.», a expliqué Sonia Terrab (Studio l’Klaam), réalisatrice et productrice, lors de la conférence de presse dédiée au lancement de la campagne #BghathaLwa9t, ce 2 mai à Casablanca.
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Dans une série de capsules émouvantes diffusées sur les réseaux sociaux, les huit actrices, musiciennes et influenceuses marocaines, se glissent dans la peau des victimes et racontent leurs lourds secrets pour mieux sensibiliser à des phénomènes de société devenus terriblement banals : Amina, Khadija, Meriem, Leila, Hanaa et tellement d’autres victimes de viol, mariées de force beaucoup trop jeunes, porteuses de grossesses non désirées…
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Nouzha Skalli, Rachida Tahri, membres du comité de pilotage du CLE, Nidal Azhary, directrice exécutive de l’Union féministe libre, Narjis Benazzou, présidente du collectif 490, Mohamed Kilito co-fondateur du mouvement Diha Frassek ont, tour à tour, lors de la conférence de presse, pris la parole pour défendre cette cause.
Le collectif a, en plus, dévoilé un morceau de rap écrit et interprété par la jeune Frizzy et produit par Hadès, qui vient appuyer la campagne médiatique.
27 lois passées au crible pour une législation égalitaire
Car au-delà des débats sur la nécessaire réforme de la Moudawana, ce collectif estime que la lutte contre les discriminations et l’inégalité entre hommes et femmes est au cœur de la lutte pour la démocratie. Du Code de la famille au Code pénal, les articles décriés depuis bien longtemps par les militants doivent aujourd’hui être dénoncés par tous.
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La campagne nationale pour une justice de genre égalitaire au Maroc lancée par CLE s’inscrit, par ailleurs, en marge d’un rapport-analyse genre, aboutissement de plusieurs mois de travail à l’initiative de Leïla Rhiwi. Un outil de plaidoyer réalisé dans une perspective de refonte égalitaire de l’arsenal juridique, grand chantier annoncé dans le discours royal du 30 juillet dernier.
Le rapport issu de ce travail de groupe consiste en une analyse de genre des principaux textes juridiques et institutionnels du Maroc. C’est un corpus juridique composé de 27 lois, dont la Constitution 2011, qui est à la fois référence et objet d’analyse, comme le rappelle Nouzha Skalli.
Tout en appréciant les réformes réalisées, il identifie les cadres légaux et institutionnels dans lesquels subsistent des discriminations directes ou indirectes et propose les réformes ou amendements nécessaires à leur harmonisation avec les engagements internationaux du pays.
Le rapport sera diffusé auprès de l’exécutif, des deux Chambres du Parlement, des partis politiques, des institutions constitutionnelles et de la société civile.
Sa publication intervient dans le contexte du parachèvement de l’adhésion du Maroc au protocole facultatif de la CEDEF par le dépôt des instruments auprès du secrétaire général des Nations Unies le 22 avril 2022, ainsi que de l’examen par le comité CEDEF des 5ᵉ et 6ᵉ rapport du Maroc sur la mise en œuvre de la CEDEF.
Plus d’un quart de siècle s’est écoulé depuis le lancement en 1995 du Programme d’action de Beijing, et l’engagement de 189 États, dont le Maroc, à prendre des mesures audacieuses et stratégiques en vue de promouvoir l’égalité des sexes.
Les réalisations sont pourtant loin des engagements pris. Les discriminations à l’égard des femmes subsistent dans les lois, les pratiques et les normes sociales et constituent des freins à l’accès des femmes et des filles au travail, aux soins de santé, aux ressources financières et aux postes décisionnels.
Ce rapport porte donc sur cinq questions essentielles. En premier lieu, l’harmonisation de la législation interne avec la Constitution et les conventions internationales ratifiées et l’application et la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles égalitaires. Le travail appelle aussi à la relecture de certaines dispositions constitutionnelles ambiguës et sujettes à interprétation et consacre l’importance du lien dialectique entre sphère privée et sphère publique. Enfin, il plaide pour l’autonomisation des femmes.
Un plaidoyer pour éradiquer toutes formes de discriminations à l’égard des femmes
Pour le collectif, ce rapport se veut d’être un outil de plaidoyer pour des lois et des pratiques égalitaires, mis à la disposition des associations féministes, des défenseurs des droits de l’Homme et de la société civile, ainsi que des partis politiques pour être un outil d’inspiration et d’accompagnement des initiatives législatives, qu’elles émanent des parlementaires ou des responsables de l’exécutif.
Concernant le volet des conventions constitutionnelles, l’analyse recommande de réécrire les articles 19, 30, 115, et 164 de la Constitution. Il s’est attelé également à des lois importantes, notamment le Code de la famille et le Code pénal, s’attardant sur des articles discriminatoires et foncièrement inconstitutionnels.
Le collectif recommande également de ratifier la Convention de l’OIT n° 189 concernant le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques de 2011, ainsi que celles des travailleurs ayant des responsabilités familiales de 1981.
S’agissant des textes juridiques, le collectif propose de réviser les dispositions du code relatives à :
- la représentation légale (tutelle) de l’enfant dans le sens d’une parfaite égalité des droits entre le père et la mère ;
- une pleine autorité parentale partagée ;
- abroger la mention de perte de garde de l’enfant pour la mère en cas de remariage et considérer uniquement l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le Collectif plaide de plus pour l’application effective des dispositions de la constitution et des engagements internationaux du pays en la matière, particulièrement :
- la convention des droits de l’enfant (CIDE) qui interdit le mariage des mineurs ;
- l’abrogation pure et simple des articles 20 et 21 du code de la famille ;
- l’abrogation de l’article 490 qui incrimine les relations sexuelles hors mariage entre adultes consentants.
«#BghathaLwa9t, parce que notre Maroc se développe de plus en plus, se modernise. Parce qu’il est temps que les lois accompagnent cette évolution au lieu de l’entraver», plaide le collectif.
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