Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti Justice et Développement. © DR
En utilisant une approche qui rappelle ses méthodes passées, Abdelilah Benkirane a invoqué l’autorité de la voix populaire, se positionnant comme le porte-parole de l’ensemble de la population. Son discours à Casablanca a été marqué par une ferme opposition à l’interdiction du mariage des mineurs, un des points controversés des réformes envisagées. Il a vivement critiqué Mohamed Nabil Benabdellah, leader du PPS, Driss Lachguar, à la tête de l’USFP, et Amina Bouayache, présidente du CNDH, pour leur appui aux modifications proposées.
Benkirane n’a pas seulement exprimé son désaccord, mais a également évoqué la mobilisation populaire comme moyen de contestation, suggérant la possibilité d’organiser une «marche millionnaire» pour exprimer le mécontentement face aux réformes.
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Cette stratégie de recours à la mobilisation populaire indique une approche de confrontation qui pourrait nuire au processus de dialogue et de consultation engagé par l’Instance chargée de la révision du Code. Cette instance a pourtant mis en œuvre une démarche d’écoute, sollicitant les contributions de diverses organisations politiques, syndicales et civiles dans le but d’aboutir à une réforme inclusive et équilibrée.
Divergences sur la réforme du Code de la famille
Les défenseurs de la réforme mettent en avant l’importance de l’évolution législative face aux changements sociaux. Ses détracteurs, menés par Benkirane, plaident pour la préservation de l’orthodoxie religieuse et des normes conservatrices.
Dans un discours prononcé fin 2023, Benkirane avait évoqué les conséquences potentiellement négatives des politiques d’égalité des genres suscitant la controverse. Il avait exprimé ses doutes quant à l’efficacité de ces mesures, les considérant comme préjudiciables aux premières concernées : les femmes. Comparant la situation marocaine à celle de l’Europe, il avait critiqué une «élite francisée» déconnectée des valeurs traditionnelles et religieuses du pays, et plaidé pour le maintien de certaines dispositions du code de la famille. Des dispositions telles que l’article 400 peuvent compenser, selon lui, les insuffisances du système judiciaire.
Réponse du PPS aux critiques de Benkirane
Le député du PPS, Rachid Hamouni a vivement critiqué les commentaires d’Abdelilah Benkirane, les qualifiant de source de division et de menace pour l’unité sociale et la jeune démocratie marocaine. Il lui a reproché de briser le code de conduite attendu entre les acteurs politiques avec ses critiques non fondées et de semer la discorde en rejetant les réformes proposées au Code de la famille.
Selon Hamouni, les attaques de Benkirane contre ceux qui approuvent la modernisation du Code, les accusant de renier leur foi, minent la richesse de la diversité intellectuelle et politique du Royaume. Il a également démenti les accusations selon lesquelles les opposants politiques chercheraient à détruire les valeurs familiales traditionnelles. Pour le gauchiste, de telles affirmations ne reflètent que la vision subjective de Benkirane.
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Hamouni a également défendu la liberté d’expression. Il a souligné qu’avoir des opinions divergentes ne devrait pas conduire à des accusations d’hérésie. Il a rappelé à Benkirane la nécessité de respecter les différentes lectures de l’Islam et les positions politiques. Il a aussi dénoncé les efforts du chef de file du PJD visant à polariser le débat autour de la réforme du Code de la famille. Il a enfin insisté sur l’importance du dialogue constructif et du respect mutuel pour progresser sur ce dossier sensible.
Driss Lachguar dénonce les propos de Benkirane
Driss Lachguar a, pour sa part, vivement critiqué les déclarations d’Abdelilah Benkirane. Lors de la première rencontre nationale des élues de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), tenue sous l’égide de l’Organisation des femmes ittihadies (OFI), il a qualifié ces propos d’«irresponsables». Et d’estimer qu’ils nuisent au débat démocratique.
Dans son discours, Lachguar a souligné que l’Instance en charge de la révision du Code avait pris en compte les contributions de diverses entités. Celles-ci incluent des partis politiques, des syndicats et des groupes de la société civile, dans un esprit d’ouverture et de dialogue. Il a insisté sur le fait que la mission des partis politiques devrait se distinguer du prosélytisme ou de la promotion d’agendas religieux. Il a enfin souligné l’inadéquation des discours de polarisation dans un contexte où les questions religieuses sont encadrées de manière structurée.
Mustapha Merizak défend l’intégrité du CNDH
Mustapha Merizak, défenseur des droits humains et membre du CNDH, a, à son tour, contrecarré les accusations de Benkirane. Ce dernier critiquait le Conseil pour sa menace supposée à la «cohésion nationale». Le militant des droits de l’Homme a affirmé que la réforme proposée était en réalité ancrée dans les valeurs islamiques et visait à moderniser le cadre juridique en harmonie avec les valeurs nationales. Il a fermement condamné les attaques contre le CNDH et sa présidente, les qualifiant de tentatives de déstabilisation du processus démocratique et de discréditation de l’institution.
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Merizak a également souligné le processus rigoureux de révision engagé par le CNDH, rappelant que la proposition d’amendement était alignée sur les principes islamiques, la Constitution et les conventions internationales ratifiées par le pays. Il a insisté sur l’objectif du mémorandum du Conseil : combler les lacunes du Code tout en respectant les références nationales et islamiques.
En défendant l’indépendance et la crédibilité du CNDH, Merizak a critiqué l’usage par Benkirane d’arguments religieux pour manipuler l’opinion publique. Il est allé jusqu’à accuser le secrétaire général du PJD d’encourager la désobéissance et de miner le consensus national autour de réformes essentielles. Il a rappelé la nécessité de respecter l’autorité du Roi dans ce processus de révision, soulignant l’importance d’un dialogue respectueux et constructif pour avancer sur ces questions essentielles.
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