Ankara approuve la candidature suédoise à l’OTAN : l’expansion militaire, une menace pour Moscou ?
Le premier ministre suédois, Ulf Kristersson (à droite), a rencontré lundi matin le président turc Recep Tayyip Erdogan avant l'ouverture du sommet de l'OTAN, en juillet 2023 à Vilnius, en Lituanie. © Yves Herman / AP
Le Parlement turc a ratifié mardi la candidature de la Suède à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Celle-ci avait déposé sa candidature en mai 2022, après que l’invasion de l’Ukraine par la Russie ait incité le pays scandinave à abandonner sa neutralité traditionnelle.
L’Assemblée générale turque, où l’alliance au pouvoir du président Recep Tayyip Erdoğan (AKP) détient la majorité, a voté positivement par 287 voix – dont les alliés nationalistes de l’AKP, le MHP et le principal parti d’opposition, le CHP – contre 55 – principalement les partis d’opposition nationalistes, islamistes et de gauche – et quatre abstentions. Cela lève ainsi le plus grand obstacle à l’expansion de l’alliance militaire occidentale, après 20 mois de retard, pour approuver la demande présentée pour la première fois par la Suède en 2022. Ce vote constitue la deuxième étape du processus de ratification par la Turquie après que la Commission parlementaire des Affaires étrangères a approuvé la candidature le mois dernier.
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Ankara avait approuvé l’adhésion de la Finlande en avril dernier, mais, tout comme la Hongrie, elle a fait attendre Stockholm, soulevant des objections sur ce qu’elle a qualifié de protection par les deux pays de groupes qu’elle considère comme terroristes. Les 31 membres de l’OTAN doivent approuver à l’unanimité les candidatures des pays souhaitant rejoindre l’alliance.
«Nous soutenons l’élargissement de l’OTAN pour améliorer les efforts de dissuasion de l’alliance… Nous espérons que l’attitude de la Finlande et de la Suède dans la lutte contre le terrorisme servira d’exemple à nos autres alliés», a déclaré Fuat Oktay, chef de la commission des affaires étrangères du Parlement et membre du parti AKP au pouvoir, lors d’une conférence de presse. La Suède, dont la candidature à l’adhésion marque un changement historique par rapport à une politique de sécurité de non-alignement militaire pendant tout le temps de la guerre froide, renforcerait les défenses de l’OTAN dans la région de la mer Baltique face à la Russie.
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Le ministre suédois des Affaires étrangères, Tobias Billström, a également salué l’approbation du Parlement turc. «Nous attendons maintenant avec impatience que le président Erdoğan signe le document de ratification», a déclaré Billström. Le chef de l’État turc devrait signer la législation d’ici quelques jours, faisant de la Hongrie – dont le Premier ministre Viktor Orbán entretient des relations amicales avec le président russe Vladimir Poutine – le seul État membre à ne pas avoir approuvé l’adhésion de la Suède.
20 mois de négociations diplomatiques
Ankara a exhorté Stockholm à durcir sa position à l’égard des membres locaux du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), que l’Union européenne et les États-Unis considèrent également comme un groupe terroriste. En réponse, Stockholm a présenté un nouveau projet de loi antiterroriste qui rend illégal l’appartenance à une organisation terroriste. La Suède a également freiné les activités financières du PKK, condamné un suspect de terrorisme et extradé un autre, et levé les restrictions sur les ventes d’armes à la Turquie.
Le pays nordique s’est, en effet, engagé à coopérer plus profondément avec la Turquie dans la lutte contre le terrorisme, ainsi qu’à soutenir l’ambition de la Turquie de relancer sa candidature à l’adhésion à l’UE. Et à l’image de Stockholm, la Finlande, le Canada et les Pays-Bas ont, en ce sens, pris des mesures pour assouplir leur politique en matière d’exportation d’armes vers la Turquie. Les retards de la Turquie ont frustré certains de ses alliés occidentaux et lui ont ainsi permis d’obtenir quelques concessions.
Erdoğan, qui avait soumis la candidature suédoise au Parlement en octobre, a lié la ratification à l’approbation américaine des ventes d’avions de combat F-16 à son armée de l’air, qualifiée de vieillissante par les analystes. La Maison Blanche soutient cette vente et certains analystes s’attendent à ce qu’un accord soit rapidement conclu après l’approbation par la Turquie de l’offre suédoise. Mais il n’y a pas de délai précis pour que le Congrès américain approuve l’accord.
D’un autre côté, les médias turcs ont rapporté que le président russe, Vladimir Poutine, pourrait effectuer sa première visite en temps de guerre en Turquie le mois prochain.
La Hongrie d’Orbán résiste encore
Les responsables hongrois ont rassuré à plusieurs reprises leurs homologues suédois sur le fait que Budapest ne serait pas la dernière à voter sur la candidature de la Suède à l’alliance militaire. Après tout, «tous deux sont membres de l’Union européenne – contrairement à la Turquie étrangère. C’est du moins ce que pensait la Suède», analyse le média Politico.
Ces derniers mois, les diplomates et responsables occidentaux ne se sont pas concentrés sur Orbán, mais sur Erdoğan. Le dirigeant turc de longue date était considéré comme la figure centrale de la résistance face à la candidature de la Suède à l’OTAN. La Hongrie n’a jamais été prise au sérieux. Pour les diplomates occidentaux, la position de la Hongrie n’était qu’une simple démagogie. Orbán, disaient-ils, espérait simplement prouver sa pertinence en livrant un combat comme il le fait au quotidien dans l’élaboration des politiques européennes.
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Mais Budapest a bloqué la candidature suédoise, alléguant que les hommes politiques suédois avaient proféré des «mensonges flagrants» sur l’état de la démocratie hongroise. Pour rappel, l’UE a bloqué des milliards de transferts vers la Hongrie parce que le pays ne respecte pas les normes européennes en matière d’État de droit.
Plus tôt mardi, le premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a contacté son homologue suédois, Ulf Kristersson, lui demandant de venir à Budapest et de négocier la candidature à l’OTAN. L’idée a rapidement été rejetée par le ministre suédois des Affaires étrangères Tobias Billström. Ce dernier a déclaré qu’il ne voyait «à ce stade aucune raison» de négocier avec la Hongrie.
Alors que la Hongrie n’a rien mis ouvertement sur la table autre qu’un vague mécontentement à l’égard de «l’attitude» de la Suède, les avions de combat pourraient également être une carte de négociation. La Hongrie loue le Saab JAS 39 Gripen suédois. Le contrat doit être prolongé et éventuellement élargi, affirme Anna Wieslander, directrice pour l’Europe du Nord au Conseil atlantique et présidente de l’Institut pour la politique de sécurité et de développement (ISDP) à Stockholm.
L’ombre d’une confrontation avec Moscou ?
«Aujourd’hui, nous sommes sur le point de devenir membre à part entière de l’OTAN», s’est réjoui le premier ministre suédois. Et alors que cette réalité se rapproche, les hauts responsables du pays évoquent de plus en plus le spectre d’un éventuel conflit armé avec la Russie. «Beaucoup l’ont dit avant moi, mais permettez-moi de le dire avec la force de mes fonctions : il pourrait y avoir une guerre en Suède», a déclaré le ministre suédois de la Défense civile, Carl-Oskar Bohlin, lors d’une récente conférence à Salen.
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Une crainte partagée par le ministre suédois de la Défense, Pal Jonson, qui a également averti qu’une attaque contre la Suède, qui n’est plus impliquée dans un conflit militaire depuis une guerre de courte durée avec la Norvège voisine en 1814, ne peut être exclue. Il a déclaré que le monde est devenu plus dangereux qu’il y a à peine un an et que la situation actuelle nécessite «une vision claire pour comprendre que l’objectif de la Russie reste l’éradication d’une Ukraine libre et la création d’une Europe dans laquelle « le plus fort est juste », avec des États tampons et sphères d’intérêt».
Mais pour Gunilla Herolf, chercheuse principale à l’Institut suédois des affaires internationales, il n’y a aucune raison de paniquer immédiatement. Alors que la Suède est en passe de rejoindre l’alliance et que tous les autres pays scandinaves en font déjà partie, le pays est «à l’abri d’une attaque militaire dans un avenir proche, mais nous ne savons pas comment les choses vont évoluer», a déclaré Herolf à Anadolu.
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Moscou a cependant la capacité «d’empêcher le pays de fonctionner, s’il le veut vraiment», en lançant des cyberattaques et des opérations de sabotage, mais «nous [NDLR, la Suède] ne sommes pas l’objectif principal de la Russie», a-t-elle ajouté.
Selon elle, l’objectif actuel de la Russie est de conquérir et de vaincre l’Ukraine, puis de prendre le contrôle de la Moldavie et de la Géorgie. La Russie est déterminée à contrôler ces pays dans un avenir proche pour les empêcher de devenir membres de l’OTAN et de l’UE, a expliqué Herolf.
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