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Al Haouz : l’espoir renaîtra-t-il sous les tentes ?

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Un an après le séisme dévastateur, faisant près de 3.000 morts et anéantissant des villages entiers, de nombreux survivants vivent encore sous des abris de fortune. Impactés par la lenteur des travaux de reconstruction, ils puisent dans un esprit de solidarité pour surmonter collectivement les défis du quotidien.

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En septembre 2023, un séisme dévastateur de magnitude 6,9, le plus destructeur que le pays ait connu depuis plus d’un demi-siècle, a secoué la vie de près de 500.000 personnes. Ce cataclysme a endommagé ou anéanti environ 60.000 domiciles, plongeant des communautés entières dans le désarroi. En réponse, le gouvernement a promis de rebâtir et d’aider, offrant dès novembre des subventions considérables aux familles affectées pour reconstruire leurs maisons et une allocation mensuelle pour alléger leur fardeau quotidien durant un an.

Toutefois, un an après les faits, le tableau reste sombre pour beaucoup qui, logées dans des abris temporaires, luttent pour retrouver une normalité dans la province d’Al Haouz, épicentre de la tragédie. Malgré les premières distributions d’aides gouvernementales, le chemin de la reconstruction est entravé par un labyrinthe administratif que peu réussissent à déjouer pour rebâtir leur existence.

Le monde a peut-être les yeux rivés sur Gaza actuellement, mais il semble avoir oublié notre tragédie

Au cœur de cette épreuve, Hamid Abdellah, à la tête de l’organisation Anmoun Amsguine, initialement dédiée aux activités culturelles dans le village d’Amsguine, témoigne du peu de progrès réalisé depuis le drame. Depuis le tremblement de terre, l’organisation a orienté ses efforts vers le soutien des survivants. «Le monde a peut-être les yeux rivés sur Gaza actuellement, mais il semble avoir oublié notre tragédie», confie-t-il. «Dans notre village, 86 maisons ont souffert des secousses; 80 complètement détruites. Grâce à l’aide gouvernementale, six ont été partiellement réparées, mais seulement deux ont été totalement reconstruites».

Cette narration, loin des simples chiffres et des annonces officielles, met en lumière l’humanité et la résilience d’une communauté qui, malgré l’adversité, continue de tisser des liens d’entraide pour se reconstruire, pierre par pierre, forgeant un avenir sur les ruines du passé.

Reconstruction à Ouirgane

Ahmed Id Elmouden, hôtelier de 61 ans vivant dans le village de Ouirgane, a reçu sa première tranche d’aide, mais dort encore sous une tente de fortune dans le jardin de ce qui était autrefois son hôtel florissant, où des assiettes brisées jonchent encore le sol, entourées de débris. «Nous avons reçu la première partie de notre aide à la reconstruction», explique-t-il, «mais nous ne pouvons rien construire faute de permis. Seules trois maisons ont été finies dans notre village, et une est actuellement en reconstruction».

Dans son abri précaire, la chaleur devient insupportable, atteignant parfois les 47 degrés en été, et la peur des incendies de forêt ajoute à l’anxiété ambiante, surtout depuis que la caserne de pompiers locale est hors service.

La situation d’Elmouden reflète celle de nombreux survivants qui, bien que l’argent pour reconstruire commence à arriver, rencontrent des difficultés pour obtenir les autorisations nécessaires à l’utilisation de ces fonds.

Les données gouvernementales indiquent que 55.000 permis de reconstruction ont été accordés. Cependant, selon les médias locaux, le nombre de maisons effectivement en construction reste relativement faible, ce retard étant attribuable à diverses complications. Parfois, les permis sont refusés pour des raisons de sécurité liées aux risques sismiques, ou bien les évaluations des dégâts sont remises en question par les bénéficiaires eux-mêmes.

Abdellah mentionne que d’autres familles ont été disqualifiées de toute aide, car elles étaient officiellement enregistrées comme vivant ailleurs qu’en montagne. Il connaît 35 familles ayant perdu leur domicile, mais disqualifiées de recevoir de l’aide «car leurs cartes d’identité nationales étaient enregistrées dans d’autres villes, bien qu’elles vivent ici depuis longtemps».

Un responsable local d’Al Haouz explique que cette rigueur est nécessaire pour éviter les abus : «Certaines personnes possèdent une maison dans la région, mais vivent ailleurs. Elles ne peuvent prétendre à l’aide destinée aux résidents permanents». Le processus d’attribution, strict et méthodique, a été conçu pour assurer une distribution équitable de l’aide, avec des équipes comprenant des représentants de la police, de la gendarmerie et des autorités locales qui ont travaillé d’arrache-pied pour évaluer les besoins.

Face à la frustration des victimes se sentant négligées, une phase supplémentaire de recueil de demandes a été mise en place pour garantir que personne ne soit laissé pour compte. Cette initiative a mené à une nouvelle vague d’évaluations et de décisions, dans l’espoir de redonner espoir et dignité à ceux qui ont tout perdu.

À Amizmiz, résilience et solidarité face aux défis post-séisme

Dans la petite ville d’Amizmiz, située au sud de Marrakech, le paysage est ponctué de centaines de tentes modestes où vivent environ 11.000 résidents. La ville, plus vaste que les traditionnels douars de la région construits en briques de boue, porte les stigmates du séisme qui a ravagé la région, laissant peu de structures intactes.

Parmi les habitants, Salma, une jeune étudiante de 19 ans, partage une tente exiguë avec sa mère depuis la catastrophe. Malgré les risques, elles ont décidé de retourner dans leur maison endommagée, la chaleur sous la tente devenant insoutenable. Salma, qui fait une heure et demie de trajet aller pour rejoindre son université, trouve difficile de poursuivre ses études dans ces conditions, perturbée par la mauvaise connexion internet et la chaleur étouffante.

La tension est palpable dans la ville. «Les esprits sont saturés», confie Salma. «L’atmosphère est chargée de tensions, et il arrive que les nerfs lâche». Malgré l’aide mensuelle, de nombreuses familles luttent pour subvenir à leurs besoins. Salma elle-même dépense une part importante de son budget en frais de transport pour ses études à Marrakech. Sa famille dépend d’une allocation partagée avec ses grands-parents, eux-mêmes confrontés à la perte de leur entreprise de poterie et à des difficultés pour retrouver du travail.

Dans ce contexte difficile, la communauté d’Amizmiz fait preuve d’une solidarité remarquable. Les associations locales, soutenues par des ONG internationales et nationales, se sont mobilisées pour distribuer équitablement l’aide reçue dans les jours suivant le séisme. Aujourd’hui, alors que les aides se font plus rares, ces organisations s’efforcent de maintenir l’attention sur les besoins persistants des sinistrés.

Aujourd’hui, avec moins d’aide disponible, ces organisations ont déplacé leur focus vers la défense de leur cause continue. «Ces jours-ci dans notre village, ce sont les marocains, locaux et de passage, qui nous font le plus de dons, contribuant avec tout ce qu’ils peuvent pour aider notre communauté», dit Saïd, 37 ans, membre de l’association locale et résident du petit village de Tassila. Récemment, lui et sa femme, Khadija, ont accueilli des étrangers venus aider, préparant de la nourriture et veillant à ce que l’aide parvienne là où elle est nécessaire. Ils ont même temporairement déménagé de leur propre conteneur pour offrir leur tente à deux jeunes volontaires, après que leur tente a brûlé. Cette solidarité est un témoignage de la résilience qui, selon les habitants et les volontaires, a permis de tenir pendant cette longue année.

Entraide et initiatives locales

Les communautés touchées par la catastrophe se serrent les coudes, coordonnant un élan de solidarité pour tenir bon en attendant une reconstruction qui s’annonce plus longue que prévu, compliquées par les répliques sismiques, les aléas climatiques et l’isolement des zones affectées.

Dans ces régions reculées, l’entraide prend des formes variées. Elmouden participe à une association locale répartissant les tâches de reconstruction. Lui et sa fille s’occupent de l’entretien des abris, qu’ils soient de fortune, fournis par le gouvernement ou par des ONG. Sa fille contribue aussi à la vie communautaire en s’impliquant bénévolement dans une garderie aménagée dans un conteneur.

De son côté, Abdellah a initié un projet coopératif pour revitaliser l’économie locale : «Nous avons lancé une coopérative agricole et une autre dédiée au tourisme, et nous avons même acquis un terrain. Malheureusement, il nous manque encore les fonds pour les mettre pleinement en œuvre».

Face à l’incertitude du soutien gouvernemental, qui pourrait ne pas se prolonger au-delà de septembre, les habitants explorent d’autres sources de revenus. La famille d’Elmouden a, par exemple, transformé le jardin de leur hôtel en un café de bord de route, attirant les passants pour un café ou un thé. Ce petit commerce leur rapporte un peu d’argent, mais Elmouden admet que cela ne suffit pas à subvenir aux besoins de sa famille. «C’est ce que nous pouvons faire de mieux pour l’instant», dit-il avec résignation.

Au-delà des chiffres et des déclarations, ces récits de résilience racontent une histoire plus profonde de communautés qui, malgré les adversités, tissent des liens d’entraide et d’innovation pour survivre et se reconstruire. C’est dans ces moments de solidarité et d’ingéniosité collective que l’espoir de jours meilleurs se forge, en attente d’une aide qui, on l’espère, répondra pleinement à leurs besoins.

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