Le 8 septembre 2023, est marqué à jamais dans l’histoire du Maroc. Cette date correspond au jour fatidique où près de 3.000 personnes ont perdu la vie suite au séisme qui a secoué le Royaume. Ce jour, ainsi que ceux qui ont suivi, ont permis aux Marocains de se concentrer sur l’essentiel : l’amour de la patrie et la solidarité. En effet, la population marocaine a toujours su faire face aux situations de catastrophe naturelle comme ce fût le cas durant la période de la pandémie de la Covid-19. Même si ces moments sont souvent dévastateurs dans bien des cas, ils révèlent parfois à bien des égards le meilleur de la nature humaine.

Une année après, que devient Al Haouz ? Cette question vaut son pesant d’or quand on sait que des sommes astronomiques ont été mobilisées pour venir en aide aux victimes. Lors de la 11ᵉ réunion de la commission interministérielle en charge du programme de reconstruction des zones affectées par le séisme d’Al Haouz, tenue ce lundi et dirigé par Aziz Akhannouch, les avancées dans la mise en œuvre du programme, ont été exposées. Selon un communiqué de la chefferie du gouvernement, l’on apprend qu’à ce jour, 55.142 autorisations de reconstruction ont été délivrées, et les travaux avancent pour 49.632 logements. Les opérations de déblaiement ont concerné 46.352 constructions, avec des solutions spécifiques pour les cas complexes.

Ces chiffres avancés à l’issue de cette rencontre tenue dans une salle climatisée correspondent-ils à la réalité du terrain dans la province de Al Haouz, où les tentes et les ruines ornent toujours le décor en cette période d’été avec des températures qui titillent les 50°C ?

Des autorisations de reconstruction délivrées ne sont pas des maisons construites

Selon l’architecte, Hakim Belkadi, octroyer des autorisations de reconstruction et construire des logements sont deux choses différentes. Il souligne que depuis le séisme, les efforts de reconstruction à El Haouz se sont intensifiés, bien que les progrès demeurent inégaux. Au 31 mai 2024, des avancées ont été enregistrées en termes d’aides financières. En effet, 56.607 familles ont reçu un premier versement de 20.000 dirhams, représentant un budget global de 1,1 milliard de dirhams. Ce montant a permis de répondre aux besoins urgents des familles touchées. De plus, 6.927 familles ont perçu un deuxième versement de 122 millions de DH, et 872 familles ont bénéficié d’un troisième versement de 11 millions de DH.

Il convient de rappeler que le gouvernement avait annoncé des aides pour les sinistrés. Ces aides financières ont été cruciales pour soutenir les familles touchées par le séisme. Un montant de 140.000 DH a été accordé pour la reconstruction des maisons complétement détruites et 80.000DH pour celles qui sont partiellement détruites. C’est un geste significatif de soutien. Cependant, ce budget est souvent jugé insuffisant pour couvrir les coûts de construction antisismique et durable, surtout lorsqu’il s’agit d’intégrer des normes modernes et des matériaux biosourcés.

Pour maximiser l’efficacité de cet investissement, il est essentiel d’adopter une approche optimisée combinant innovation et ressources locales. L’utilisation de matériaux locaux en complément du béton, ainsi que l’application de techniques de construction adaptées aux conditions climatiques spécifiques d’Al Haouz, pourrait permettre de respecter les contraintes budgétaires tout en garantissant des constructions résistantes aux séismes et confortables.

Malgré ces fonds importants, l’état de la reconstruction des habitations reste préoccupant, dénonce l’architecte. Il ajoute que cette lenteur est due à divers facteurs, dont la disponibilité limitée des matériaux, les conditions climatiques difficiles et la coordination complexe entre les autorités locales et les communautés. Hakim Belkadi nous confie que certains projets sont encore au stade préliminaire, tandis que d’autres sont en cours ou proches de l’achèvement. La progression variable des chantiers souligne la nécessité d’une gestion plus efficace pour accélérer le processus et atteindre une reconstruction complète.

Mieux, ce dernier estime qu’il serait plus judicieux d’impliquer la population locale.

Un des principaux défis de la reconstruction à Al Haouz est l’absence d’implication suffisante des habitants dans le processus. L’absence de participation communautaire peut conduire à des solutions de reconstruction qui ne répondent pas pleinement aux besoins et aux attentes locales.
Hakim Belkadi, architecte

Une approche participative est essentielle pour garantir que les nouvelles constructions soient adaptées aux réalités locales et respectent les pratiques culturelles et architecturales traditionnelles.

L’architecte Hakim Belkadi poursuit en soutenant que l’implication des habitants dans le processus de reconstruction pourrait non seulement améliorer la qualité des logements, mais aussi créer des emplois et développer des compétences locales. Former les résidents aux techniques de construction modernes et aux normes antisismiques peut renforcer la qualité des constructions tout en favorisant l’emploi local. Cette approche participative permet également d’intégrer les savoirs locaux, ce qui pourrait augmenter les chances de succès des projets de relogement.

Construction antisismique et incompatibilité climatique

Les maisons traditionnelles d’Al Haouz, construites en terre et en pierre, ont longtemps été adaptées aux conditions climatiques locales. Ces matériaux offrent un excellent confort thermique, essentiel dans une région où les écarts de température entre le jour et la nuit sont significatifs. De plus, leur faible empreinte écologique et leur disponibilité locale les rendaient idéales pour une construction durable et respectueuse de l’environnement, explique-t-il.

Cependant, la reconstruction post-séisme a vu une transition rapide vers l’utilisation du béton, un matériau réputé pour sa robustesse et sa durabilité. Le béton est privilégié pour sa capacité à résister aux forces sismiques, offrant ainsi une protection essentielle dans les zones à haut risque. Néanmoins, ce matériau ne répond pas aussi bien aux besoins thermiques spécifiques de la région. Le béton est souvent moins efficace pour maintenir des températures intérieures stables, ce qui pourrait compromettre le confort des habitants à long terme, tempère l’architecte.

Malgré ses inconvénients thermiques, le béton présente des avantages indéniables pour la reconstruction dans une région sismique comme Al Haouz. Lorsqu’il est correctement armé, il offre une résistance significative aux forces sismiques, absorbant les secousses et prévenant les effondrements. Sa durabilité permet également une longévité accrue des constructions, ce qui est crucial pour garantir la sécurité des habitations dans une région sujette aux tremblements de terre. En outre, le béton permet l’application rigoureuse des normes antisismiques modernes, incluant des techniques de renforcement spécifiques pour améliorer la résilience des structures.

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