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ZLECAf : une opportunité de croissance à concrétiser

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Le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, s'exprimant lors de l’évènement de Casablanca Finance City Authority (CFCA), mercredi 21 février 2024. © DR

C’est une promesse réitérée à chaque occasion : la ZLECAf devrait favoriser la prospérité en Afrique. Dans son 9ᵉ rapport, Casablanca Finance City a choisi de mettre en avant les opportunités (mais également les défis) cette zone de libre-échange dans laquelle le Maroc occuperait une place de choix pour exploiter le potentiel du commerce intra-africain.

Casablanca Finance City Authority (CFCA) a rendu public sa 9ᵉ édition du rapport «CFC Africa Insights» où les opportunités et les défis de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) sont mis en lumière. Sous le thème «ZLECAf : exploiter le potentiel du commerce intra-africain», le rapport souligne les préalables pour réaliser cette prospérité.

Co-rédigé avec BMI, filiale de Fitch Solutions, le rapport constitue un examen complet des opportunités et des défis présentés par l’organisation intra-africaine, offrant des informations et des analyses pour permettre aux entreprises, aux décideurs politiques et aux parties prenantes de naviguer efficacement dans ce paysage transformateur. Qu’il s’agisse d’explorer l’impact potentiel sur des secteurs clés (comme l’automobile, l’agroalimentaire, l’habillement et le textile ou la transition énergétique) ou d’envisager des références internationales ambitieuses (comme l’Union européenne (UE) ou l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN)) ou de présenter le paysage actuel des investissements, le rapport fournit des perspectives précieuses pour éclairer la prise de décision stratégique et favoriser la collaboration au-delà des frontières.

ZLECAf : une opportunité de croissance à concrétiser

Avantages de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). © Infographie extraite du rapport «ZLECAf : exploiter le potentiel du commerce intra-africain» / CFC Africa Insights

«La ZLECAf est extrêmement prometteuse pour libérer le potentiel économique de l’Afrique et élever sa position sur la scène mondiale», peut-on lire en préambule du document. En supprimant les obstacles au commerce, en harmonisant les réglementations et en favorisant un environnement favorable aux entreprises, la zone d’échange africaine ouvre la voie à une compétitivité, une innovation et une croissance inclusive accrues. «En outre, cette coopération témoigne de l’unité et de la détermination de l’Afrique à tracer sa propre voie vers l’émergence, en s’appuyant sur sa riche diversité et sa complémentarité comme source intrinsèque de force et de résilience», espère Saïd Ibrahimi, PDG de CFCA.

Mais la ZLECAf est toujours un chantier en cours. L’institution basée au Rwanda n’est pas encore pleinement opérationnelle et de nombreux détails – y compris le mécanisme de règlement des différends – doivent encore être convenus.

Favoriser l’intégration économique africaine

Comparativement à d’autres continents, l’Afrique demeure moins intégrée, avec seulement 15% de ses exportations dirigées vers d’autres pays africains, principalement en raison des barrières commerciales qui entravent souvent le commerce entre les pays voisins, comme en témoignent les tarifs douaniers élevés pour les exportateurs d’Afrique subsaharienne, a fait remarquer John Ashbourne, économiste auprès de BMI.

La ZLECAf est un effort ambitieux à l’échelle du continent pour intégrer les économies africaines. Il vise à encourager une croissance économique plus rapide, une plus grande diversification économique et de meilleurs résultats sociaux pour les populations africaines.

L’accord, signé par 44 chefs d’État le 21 mars 2018 et entré en vigueur après la 22e ratification le 30 mai 2019, constitue une réalisation diplomatique importante. En effet, mesuré soit par la population, soit par le nombre de parties, le marché créé par la ZLECAf est l’un des plus importants au monde. Lorsque les 54 États parties ratifieront la ZLECAf, celle-ci englobera un tiers de tous les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La mise en œuvre de la ZLECAf se produit à une époque de risque politique élevé sur tout le continent. Cette année, il y aura près de deux douzaines d’élections en Afrique, notamment dans des économies clés comme l’Afrique du Sud, le Ghana, l’Algérie et la Tunisie. Ces votes créent le risque que les décideurs politiques tentent de retarder les négociations ou de rouvrir des discussions qui ont été closes.

Ainsi pour stimuler la croissance du continent et encourager la diversification des économies africaines, le document d’analyse met en avant trois canaux : la réduction des prix pour les consommateurs, la diversification de l’économie avec de nouvelles chaînes de valeur transfrontalières ou encore la diminution de la dépendance envers les marchés extérieurs, avec une augmentation potentielle des revenus réels de 7% d’ici 2035, en particulier dans les petites économies et celles ayant actuellement des barrières commerciales élevées.

Trois leviers pour une Afrique prospère

Premièrement, la ZLECAf réduira les coûts d’importation et élargira le choix des consommateurs à des biens qui ne leur étaient pas accessibles auparavant. En effet, les niveaux des droits de douane varient à travers l’Afrique, mais ils sont élevés dans la plupart des économies. En outre, et contrairement à d’autres régions, la plupart des produits africains sont confrontés à des droits de douane plus élevés sur les marchés voisins qu’ailleurs dans le monde. Mais même si les droits de douane ne sont pas le seul facteur qui freine le commerce africain, ils jouent clairement un rôle important. Ce sont également les obstacles les plus faciles et les moins coûteux à éliminer, note le rapport.

L’accord donne à tous ses membres au moins cinq ans pour supprimer les droits de douane sur 90% de leurs lignes tarifaires, et dix ans pour supprimer les droits de douane sur les lignes tarifaires jugées «sensibles» (7%). Les 3% restants des lignes tarifaires, qui couvrent 10% des importations en valeur, seront conservés à perpétuité. Les 33 pays les moins avancés (PMA) de la ZLECAf disposent eux de plus de temps pour mettre en œuvre ces changements, ce qui signifie que les changements apportés aux produits intra-africains il faudra attendre 2034 pour que le commerce soit pleinement mis en œuvre.

Lire aussi : Extension de la Zlecaf : une trentaine de pays ciblés en 2024

Deuxièmement, la ZLECAf encourage la diversification économique et la création de chaînes de valeur transfrontalières. Dans ce sens, le rapport précise que malgré sa population importante, le continent est principalement composé de petits pays peu peuplés. En 2023, le pays médian d’Afrique ne comptait que 14,1 millions d’habitants, comparativement à 23,9 millions en Asie et 18,1 millions en Amérique du Sud. Cette fragmentation des marchés entrave la spécialisation économique, estime le rapport, notant toutefois que le commerce intra-africain est plus diversifié, avec 43,2% de tous les biens expédiés en Afrique étant des produits manufacturés, contre seulement 17,8% des exportations du continent vers d’autres régions du monde.

Résultat, la ZLECAf incitera le développement des secteurs manufacturiers. Près de 85% des nouveaux échanges commerciaux créés par la Zone devraient concerner des produits manufacturés à plus forte valeur ajoutée. Stimuler l’industrie manufacturière locale – un secteur à forte intensité de main-d’œuvre – contribuera à créer des emplois, ce qui constitue un défi pour de nombreuses économies africaines. Le Brookings Institute estime que la mise en œuvre complète de la ZLECAf créera 16 millions d’emplois manufacturiers à travers le continent. La Banque mondiale estime que la Côte d’Ivoire est l’économie où les revenus réels augmenteront le plus suite à l’accord (+13,4 % d’ici 2035), suivie du Zimbabwe (+11,9 %), du Kenya (+11,2 %) et de la Namibie (+10,6 %). L’augmentation des revenus ailleurs sera moindre, mais la Banque mondiale estime que l’accord aura un effet positif sur tout le continent.

Lire aussi : Zlecaf : les défis des échanges commerciaux en Afrique subsaharienne

Enfin, le rapport indique que la ZLECAf réduira la dépendance de l’Afrique à l’égard des marchés étrangers, avec la plupart des économies africaines qui s’orientent vers les consommateurs d’Europe et d’Asie. Ces dernières années, par exemple, les exportations du continent ont globalement évolué en phase avec la demande intérieure chinoise. Encourager une intégration économique plus profonde en Afrique réduira l’impact négatif du ralentissement de la croissance en Chine et chez d’autres partenaires d’exportation traditionnels.

Le Maroc, une locomotive de croissance

S’exprimant à cette occasion, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a mis en avant l’effort constant des pouvoirs publics pour «ouvrir des portes, des ponts et des pipes exceptionnels d’interconnexion» entre le Royaume et l’autre pays africains, en vue de favoriser, au-delà de la libéralisation tarifaire, «la connectivité, l’intégration et la création de valeurs communes» sur le continent. Le Royaume, à travers la promotion du démantèlement tarifaire et du libre-échange, l’investissement dans des secteurs stratégiques et la collaboration avec ses voisins, vise à renforcer son intégration économique régionale, a expliqué le ministre, précisant que ces mesures ont pour but de stimuler les échanges commerciaux, d’encourager les investissements étrangers et de privilégier une croissance économique durable dans la région.

Lire aussi : Expansion économique : le Maroc en avant-scène de la dynamique africaine

Ryad Mezzour a également rappelé que le Maroc, qui occupe une position notable en tant que deuxième investisseur en Afrique et premier investisseur en Afrique de l’Ouest, estimant que la ZLECAf offre une opportunité unique de créer un réseau commercial parmi les plus forts au monde. Et de poursuivre que des innovations et des coopérations à valeur ajoutée sont nécessaires, comme en témoigne l’initiative du Gazoduc Nigeria-Maroc, qui a pour objectif de renforcer la sécurité énergétique et alimentaire dans la région.

Et le Maroc a fait l’objet d’une étude de cas en lien avec le secteur automobile dans ce 9ᵉ rapport du CFCA. Même s’il est vrai que la demande automobile en Afrique est actuellement faible, les ventes devraient cependant fortement augmenter dans les années à venir. Et «si les choses restent telles quelles, la grande majorité de ces véhicules seront importés, dont environ 96 % venant de l’extérieur de l’Afrique», soutient le document, notant que les fournisseurs marocains sont bien placés pour gagner des parts de marché.

Lire aussi : ZLECAf : le Maroc passe à la mise en œuvre douanière

En intégrant le secteur automobile du Maroc aux économies voisines, les producteurs marocains peuvent bénéficier de coûts de main-d’œuvre et de matériaux inférieurs en Afrique, relève le document, précisant que le tarif actuel du Nigeria sur les voitures non assemblées est de 5%, mais devrait passer à 0% d’ici 2030. Cela créerait des emplois dans les deux pays, offrant ainsi une opportunité pour le Maroc d’exporter ses véhicules non assemblés vers le Nigeria pour y être transformés, prévoit-on.

La mise en œuvre complète de la ZLECAf nécessitera cependant des investissements dans les infrastructures. L’Initiative visant à améliorer l’accès à l’océan Atlantique pour les pays du Sahel, lancée par le roi Mohamed VI, pourrait servir de modèle, indique le rapport.

Lire aussi : Autoroute Abidjan-Lagos : un levier majeur pour l’intégration économique de l’Afrique de l’Ouest

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