Tunisie : une présidentielle sur fond de polémiques politico-judiciaires
Les électeurs tunisiens sont appelés aux urnes pour élire le président de la République, ce dimanche 6 octobre. Ces élections se déroulent dans un contexte particulier marqué par des polémiques politico-judiciaires. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a retenu trois candidats dont le président sortant Kaïs Saïed.
À cinq jours du scrutin, la justice tunisienne a annoncé la condamnation d’un des deux candidats qui doit faire face au président. Il s’agit de l’ancien député, Ayachi Zammel. Il a été condamné, mardi dernier, à 12 ans de prison pour avoir enfreint les règles de parrainage. Cette condamnation vient s’ajouter à ses précédentes peines de vingt et six mois pour falsification de documents.
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Âgé de 47 ans, Ayachi Zammel est un industriel prospère dans l’agroalimentaire. Selon la défense de ce dernier, au total, 37 poursuites séparées sont lancées à son encontre dans tous les gouvernorats de la Tunisie pour des motifs similaires.
Son équipe de campagne a exprimé son indignation face à cette «condamnation inacceptable». Le candidat a affirmé sa détermination à se présenter à l’élection, malgré son incapacité à mener une véritable campagne électorale en raison de sa détention. Une situation qui met en lumière la répression croissante des dissidents et des opposants politiques en Tunisie.
Un scrutin verrouillé
C’est dans cette ambiance que les 9.753.217 électeurs inscrits, dont 6,6% résidant à l’étranger, vont porter leur choix parmi les trois candidats. Il s’agit de Ayachi Zammel, fondateur du mouvement «Azimoun», de Zouhair Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du Peuple, et de Kaïs Saïed, qui brigue un second mandat. Il faut noter que les Tunisiens vivant à l’étranger ont déjà commencé à voter (48 heures avant).
Ce scrutin est le troisième depuis la révolution de 2011 qui a renversé Zine El-Abidine Ben Ali. La campagne, débutée le 14 septembre, a été marquée par des controverses autour des modifications législatives. Celles-ci ont transféré le traitement des litiges électoraux des tribunaux administratifs aux tribunaux de droit commun, en l’absence d’une Cour constitutionnelle.
Zouhair Maghzaoui est le seul à avoir mené une campagne active sur le terrain, avec 98 événements, tandis que les partisans de Kaïs Saïed ont organisé 221 activités. La campagne d’Ayachi Zammel a été presque inexistante, se limitant à une seule conférence de presse, suite à son arrestation pour des accusations de faux parrainages.
«Au moins huit candidats potentiels poursuivis»
Pour les organisations de la société civile, ce scrutin soulève des préoccupations croissantes concernant la transparence et l’équité du processus électoral. Elles critiquent les règles strictes sur les parrainages, jugées difficiles à respecter. Les candidats doivent obtenir 10.000 signatures d’électeurs ou le soutien de parlementaires et d’élus locaux. Ce qui crée des obstacles pour ceux qui cherchent à se présenter.
Human Rights Watch a dénoncé le fait qu’«au moins huit candidats potentiels ont été poursuivis en justice, condamnés ou emprisonnés». Ce qui limite sérieusement la concurrence politique. Ces actions soulignent une tendance inquiétante vers la répression des voix dissidentes, remettant en question la légitimité du scrutin à venir.
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Dans ce contexte, le rôle de l’Isie est scruté, alors que les critiques portent sur sa capacité à garantir un environnement électoral libre et juste. Les inquiétudes grandissent quant à l’avenir démocratique de la Tunisie, les voix des opposants se heurtant à des obstacles juridiques et politiques.
Pour rappel, le président Kaïs Saïed avait remporté le scrutin 2019 avec un score de 72,7% représentant plus de 3 millions d’électeurs, sur un corps électoral de près de 8 millions et une population de 11,5 millions de Tunisiens.
Le 25 juillet 2021, deux ans après son élection, dans un contexte de blocage politique et de crise économique, Kaïs Saïed, avait limogé le gouvernement, dissout l’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil supérieur de la magistrature et commencé à légiférer par décret-loi.
Il avait, ensuite, organisé un référendum pour modifier la constitution de 2014, issue de la révolution, pour, notamment, changer le régime politique de semi-parlementaire à un régime présidentiel donnant de larges prérogatives au président.