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Troisième semaine de guerre, le Soudan «s’effondre»
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Raids aériens et tirs nourris à Khartoum, le conflit fait toujours rage, en violation d’une nouvelle trêve, au Soudan entre le chef de l’armée, le général Abdel-Fattah Al-Burhane, et les Forces de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti ».
Les combats acharnés et meurtriers sont entrés samedi 29 avril dans leur troisième semaine, entraînant la fuite précipitée de dizaines de milliers de Soudanais et de ressortissants étrangers.
«Le Soudan est confronté à l’un des pires conflits de son histoire», quatre ans après avoir chassé du pouvoir le dictateur Omar Al-Bachir, estime The Washington Post. «Des milliers de personnes sont prises entre deux feux, bloquées chez elles ou essayant de fuir un pays qui sombre dans le chaos».
Le pays est plongé dans le chaos depuis le déclenchement, le 15 avril, d’une lutte de pouvoir sanglante entre le chef de l’armée et son numéro deux. Selon les statistiques officielles communiquées samedi, au moins 528 morts et 4.599 blessés sont à déplorer. Un bilan probablement largement sous-estimé.
Environ 70 % des hôpitaux dans les zones de combats sont hors service, selon le syndicat des médecins. Et des dizaines de milliers de Soudanais ont fui vers les États frontaliers, notamment l’Égypte, l’Éthiopie, le Tchad et le Soudan du Sud, tandis que des pays étrangers procèdent à des évacuations massives de leurs ressortissants.
Un combat entre généraux
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déploré, sur la chaîne Al-Arabiya, que «la guerre pour le pouvoir se poursuive alors que le pays s’effondre». Chaque camp s’accuse de violer la trêve sous médiation internationale prolongée jusqu’à dimanche minuit.
«Les deux hommes sont en désaccord sur les modalités de la transition vers un pouvoir civil, et notamment sur le calendrier d’intégration des 100.000 hommes des FSR dans l’armée officielle», constate la BBC.
En dépit des efforts diplomatiques des pays de la région, de l’Union africaine et des États-Unis, la perspective d’un apaisement semble lointaine : le général Al-Burhan «a exclu toute négociation» avec “Hemedti”, l’accusant «d’orchestrer une rébellion contre l’État» avec l’aide de «mercenaires venus du Tchad, de Centrafrique et du Niger», écrit Al-Jazeera. “Hemedti” a quant à lui qualifié son rival de «traître», estimant qu’il n’était «pas digne de confiance».
Les deux généraux «craignent de voir le pouvoir leur échapper au Soudan», chacun comptant dans ses rangs «des hommes susceptibles de finir devant la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre commis dans la région du Darfour il y a près de vingt ans», souligne la radiotélévision britannique.
La gravité de la situation a entraîné la fuite de dizaines de milliers de Soudanais vers les pays voisins mais ils sont pour la plupart «condamnés à attendre pendant plusieurs jours devant des postes-frontières en sous-effectifs, après un dangereux et coûteux voyage», note The Guardian. Lorsqu’ils ne peuvent pas fuir, les civils tentent de survivre barricadés sans électricité, eau, ni nourriture.
Un pays au bord de la guerre civile
D’après les évaluations du HCR, «entre 125.000 et 180.000 Sud-Soudanais, et 45.000 Soudanais, vont arriver dans les trois prochains mois au Soudan du Sud». «Nous voulons à tout prix éviter la création de camps à Renk, car c’est une zone inhospitalière, sans infrastructures. Il s’agit vraiment de faire en sorte que les gens continuent leur route dans les 24 à 48 heures suivant leur arrivée», souligne la responsable du HCR, qui confie qu’un plan de transport fluvial sur le Nil est à l’étude, vue l’imminence de la saison des pluies et l’état impraticable des routes dans la zone frontalière.
Les capitales étrangères ont elles aussi organisé à la hâte l’évacuation de leurs ressortissants et fermé provisoirement leurs ambassades. Une situation aux conséquences catastrophiques pour les Soudanais qui avaient fait des demandes de visas, «et qui se retrouvent bloqués dans le pays car leurs passeports, conservés dans les ambassades», sont désormais inaccessibles, observe El País.
«Le Soudan est désormais au bord d’une véritable guerre civile et la priorité de la communauté internationale semble être d’évacuer sans délai le plus grand nombre possible de ses citoyens, plutôt que de prendre les mesures nécessaires pour éviter un conflit dans une partie du monde très fragile», déplore Hafed Al-Ghwell, professeur à l’université américaine John Hopkins, dans les colonnes d’Arab News.
Les deux généraux avaient pourtant fait front commun lors du putsch de 2021 pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir, deux ans plus tôt. Mais des divergences sont ensuite apparues et, faute d’accord sur l’intégration des FSR dans l’armée, ont dégénéré en guerre ouverte le 15 avril.
«Si le Soudan sombre dans une guerre totale, les retombées sur d’autres États seraient catastrophiques», ajoute-t-il, exhortant les pays du Golfe – qui entretiennent des liens étroits avec Khartoum – «à s’impliquer plus activement dans les efforts visant à désamorcer le conflit» et à «faciliter le dialogue», avant que la guerre civile ne devienne «inévitable».