Totalement hors sol
Dans une de ses formules dont il avait le secret, John Maynard Keynes voyait dans l’inflation «une arme pour euthanasier les rentiers». Au grand dam de celui qui est considéré comme le plus grand économiste du 20ème siècle, force est de constater que partout sur le continent, ce sont les ménages les plus pauvres qui sont en passe d’être «euthanasiés» par une fièvre inflationniste jamais vue depuis quarante ans.
En février dernier, la variation de l’indice des prix à la consommation était à deux chiffres dans la plupart des pays : 52,8% au Ghana, 22,9% au Nigéria, 10,2% au Maroc et 229% au Zimbabwe, un habitué de l’hyperinflation. Et encore, il ne s’agit là que des moyennes car le ressenti des populations est bien supérieur aux estimations des banques centrales car c’est surtout le panier alimentaire qui «brûle». Or, plus on est pauvre, plus on consacre la part la plus importante de son revenu à se nourrir. Des millions de gens en Afrique se retrouvent face à un choix cornélien : faut-il assurer à manger à sa famille, payer les frais de scolarité des enfants ou se faire soigner ?
Sous pression, les gouvernements ne savent plus où donner de la tête. Ainsi, les autorités de Hararé (Zimbabwe) viennent d’annoncer une hausse des salaires de 100 % pour les fonctionnaires, un véritable carburant qui va enflammer le brasier de l’hyperinflation. D’ailleurs, les commerçants ont vite compris le message : ils ont aussitôt augmenté leurs prix. Quant aux banques centrales, elles en sont réduites à expliquer aux peuples qu’il faut continuer de relever le taux directeur pour lutter contre l’inflation. Totalement hors sol !