Tempête sur la liberté de la presse
Exercer le journalisme aujourd’hui en Afrique équivaut à prendre des risques considérables, y compris pour sa propre sécurité. Presque partout, de l’Éthiopie au Zimbabwe, et encore plus dans les pays dirigés par des juntes militaires, la liberté de la presse n’a jamais été autant en danger. Pour ces régimes, la seule information qui vaille est la désinformation, sinon la propagande. Et, gare aux médias qui sortent de cette ligne ou qui se montrent critiques. Des snipers agissant sur les réseaux de médias factices sont chargés de dénigrer les journalistes qui ne se plient pas aux injonctions patriotiques imposées par les juntes au pouvoir.
Les arrestations arbitraires sur des bases fallacieuses, ciblant des journalistes d’investigation, se multiplient, voire des stratagèmes pour faire taire toute voix discordante. À Ouagadougou, les capitaines au pouvoir, sous prétexte de la mobilisation contre le terrorisme, enrôlent de force des journalistes en les envoyant combattre les djihadistes au front. Cela équivaut à une condamnation à mort déguisée. En Guinée, trois chaînes de télévision viennent d’être retirées des bouquets de Canal+ et de StarTimes pour des prétendues raisons de « sécurité nationale », sans notification, et dans l’incompréhension générale. En RDC, Stanis Bujakera Tshiamala, correspondant de Jeune Afrique, croupit en prison pour avoir prétendument créé, puis diffusé, une note des services de renseignement sur la mort d’un opposant politique. Et les exemples de ce genre, on peut les multiplier.
Hier modèle en matière de liberté de la presse, le Sénégal décroche au classement de RSF du fait de la manipulation de l’appareil judiciaire contre des journalistes critiques. Cela sans compter les menaces de bandes armées se revendiquant du parti au pouvoir à l’encontre des professionnels des médias. Bref, pour la presse africaine, la météo s’assombrit plus que jamais. En attendant, peut-être, une éclaircie en 2024.