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Symposium économique africain : l’inflation, un mal qui gangrène l’économie africaine
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Depuis la pandémie de la covid-19, l’économie du continent connait un essoufflement marqué par une inflation sans précédent. Selon un rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD), l’inflation moyenne sur le continent a été estimée à 17,8% en 2023, soit 3,6 points de pourcentage de plus qu’en 2022. La plus grande économie de l’Afrique de l’Ouest, le Nigeria a connu une inflation de 33, 69% suivant les chiffres du Bureau national des statistiques (NBS).
Alors que son indice des prix à la consommation de cette catégorie a déjà atteint 40,53% au mois de mai 2024. Pour juguler, le gouvernement nigérian, a procédé à la dévaluation du naira (Ndlr : monnaie du Nigéria), à deux reprises, faisant de la monnaie la moins performante au monde depuis le début de l’année en cours après la livre libanaise. La Banque centrale a aussi relevé son taux directeur pour une onzième fois consécutive à un niveau record de 26,25%.
Dans la corne de l’Afrique, le Kenya fait face à une situation économique peu reluisante, avec une dette extérieure qui représentait 54,7% de la dette publique à fin 2023. Le Bureau national des statistiques a estimé que l’inflation annuelle globale du pays avait atteint 5,1% en mai 2024 contre 5% en avril 2024. Elle est attribuée à la hausse des prix des produits alimentaires, des boissons alcoolisées, du tabac, ainsi qu’aux coûts liés au logement, à l’eau, à l’électricité et au gaz.
Ainsi, les autorités kényanes avaient décidé la suppression de la TVA sur divers produits essentiels, l’absence d’augmentation des frais de transfert d’argent mobile, la limitation de l’éco-prélèvement aux produits importés et la protection des agriculteurs locaux avec des droits d’accise sur certains produits importés. En plus de cela, elles voulaient procéder à la modification au projet de loi de finances 2024 pour alléger la charge fiscale des citoyens. Mais ces derniers ne l’entendaient pas de cette oreille. Des manifestants ont envahi le Parlement le jour du vote, faisant plusieurs morts.
Pour Christoph Weiss de la Banque européenne d’investissement (BEI), la récente flambée de l’inflation, particulièrement marquée dans le domaine alimentaire en Afrique, a suscité une réponse concertée des banques centrales face à l’impact disproportionné sur les populations les plus vulnérables. Ce phénomène, sans précédent, a contraint les autorités financières à prendre des mesures drastiques malgré un contexte économique volatile post-pandémie.
Il intervenait dans la deuxième édition du Symposium économique africain (AES), un événement de premier plan organisé par le Policy Center for the New South. Placé sous le thème «Favoriser la transformation économique de l’Afrique grâce à des financements innovants», ce symposium qui se déroule les 11 et 12 juillet 2024 à Rabat, se veut être un rendez-vous annuel incontournable pour les économistes, décideurs politiques et universitaires du continent.
Weiss a souligné que l’environnement économique était caractérisé par une croissance incertaine, une dépréciation des devises et une faiblesse persistante sur les marchés boursiers, les défis étaient multiples. La contraction du crédit, une croissance économique modérée et une inflation élevée ont freiné les investissements et la demande de prêts. L’après Covid-19 a exacerbé l’inflation alimentaire, forçant les États à travers le continent à intervenir pour stabiliser leurs économies, entraînant ainsi une augmentation significative de l’endettement public.
L’inflation, un sujet central en Afrique subsaharienne
Selon le professeur en Économie à l’université d’Oxford, Christopher Adam, l’inflation en Afrique subsaharienne est devenue un sujet central alors que la région émerge d’une période marquée par des taux d’intérêt historiquement bas après la crise financière mondiale. Les pays de la région ont accumulé une dette souveraine substantielle, exacerbée par l’augmentation des coûts sur les marchés des euro-obligations.
Il a expliqué que durant la crise de la Covid-19, la coordination entre les politiques monétaires et budgétaires a été une réponse efficace pour atténuer les impacts économiques. Cependant, cette période a laissé des séquelles, notamment une dette publique accrue et des déficits budgétaires persistants, alimentés par des taux d’intérêt en hausse.
Autrefois en retrait, les banques centrales sont désormais en première ligne de la politique économique, confrontées à des défis de maîtrise budgétaire et de gestion de l’inflation. En réponse à des pressions financières croissantes, les politiques monétaires ont dû évoluer. C’est ce qui a nécessité une adaptation à des environnements économiques instables et à des chocs d’offre liés notamment aux changements climatiques, a-t-il précisé.
L’économiste a soutenu que dans ce contexte, l’équilibre entre la stabilisation des prix et la stimulation de la croissance économique devient crucial. Les implications pour le secteur financier sont profondes, avec des impacts sur la disponibilité du crédit et la stabilité financière régionale. Les banques centrales sont confrontées à la nécessité de maintenir la confiance des marchés tout en répondant aux besoins de financement public.
Christophe Adam a conclu son intervention en ces termes : « la région se trouve à un tournant économique où la gestion prudente de l’inflation et de la dette publique sera essentielle pour assurer un développement durable et inclusif dans les décennies à venir ».