Possible intervention militaire au Niger : le compte à rebours a commencé
La pression de la communauté internationale s’accentuait, samedi 5 août, sur les putschistes qui ont pris le pouvoir au Niger, à la veille de la fin d’un ultimatum du bloc ouest-africain (CEDEAO) qui s’est dit prêt à intervenir militairement dans un pays en proie à la violence terroriste.
Le ministère français des Affaires étrangères a indiqué appuyer «avec fermeté et détermination» les efforts de la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO) pour faire échouer la tentative de putsch. «Il en va de l’avenir du Niger et de la stabilité de toute la région».
Vendredi 4 août, les chefs d’état-major de la CEDEAO ont «défini les contours d’une éventuelle intervention militaire» contre la junte nigérienne, selon un responsable de l’organisation régionale.
«Tous les éléments d’une éventuelle intervention ont été élaborés lors de cette réunion, y compris les ressources nécessaires, mais aussi la manière et le moment où nous allons déployer la force», a déclaré le commissaire chargé des Affaires politiques et de la sécurité, Abdel-Fatau Musah, à l’issue d’une réunion à Abuja.
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Le 30 juillet, quatre jours après le coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, la CEDEAO avait donné sept jours aux putschistes, soit jusqu’à ce dimanche soir, pour le rétablir dans ses fonctions, sous peine d’utiliser «la force».
Au Niger, des manifestations de soutien aux putschistes ont eu lieu à travers tout le pays vendredi et samedi, au cours desquelles drapeau nigérien et russe, portraits des auteurs du coup d’État étaient très visibles, selon la TV nationale et des journalistes locaux.
À Paris, une trentaine de personnes ont manifesté leur soutien à Bazoum, parmi lesquelles son premier ministre, Ouhoumoudou Mahamadou.
Bazoum en «très bonne santé»
«Pour l’ultimatum, il reste encore du temps, nous espérons toujours que la négociation l’emportera et qu’il n’y aura pas nécessairement une intervention militaire», a-t-il dit. Il a assuré que le président Bazoum, séquestré depuis le jour du putsch le 26 juillet, était en «très bonne santé».
Plusieurs armées ouest-africaines comme le Sénégal se sont dit prêtes à envoyer des soldats, tout comme la Côte d’Ivoire, selon une source proche de la délégation ivoirienne à Abuja qui n’a pas précisé le nombre éventuel d’hommes mobilisés.
La cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, a affirmé, samedi matin, sur France info qu’il fallait «prendre très au sérieux la menace de recours à une intervention» de la CEDEAO. Dans une autre interview à RFI, elle a estimé qu’avec le Niger, il s’agissait du «coup d’État de trop», après ceux ces dernières années dans le Sahel du Mali et du Burkina Faso.
Son collègue des Armées, Sébastien Lecornu, a assuré à l’AFP que la France savait que «la situation était fragile au Niger». «Ce qui peut surprendre, c’est que le déclencheur de ce coup d’État part avant tout d’un différend personnel» entre le général Abdouharamane Tiani, chef des putschistes et de la garde présidentielle, et le président Bazoum, a-t-il ajouté.
Brigades de veille
Au Mali et au Burkina Faso, confrontés à la violence terroriste comme le Niger, les militaires putschistes ont prévenu qu’ils seraient solidaires de leur voisin et que toute intervention militaire serait considérée comme «une déclaration de guerre» à leur encontre. Au Nigeria également, des voix se font entendre contre une intervention.
«Les victimes seront des citoyens innocents qui vaquent à leurs occupations quotidiennes», a déclaré le Forum des sénateurs du nord dans un communiqué signé par son porte-parole, Suleiman Kawu Sumaila. Il a ajouté que les habitants du nord du pays, seraient «affectés négativement». De leur côté, les putschistes de Niamey ont promis une «riposte immédiate» à «toute agression».
La solution diplomatique continue toujours d’être privilégiée selon Musah, rejoint sur ce point par le Bénin, pays voisin du Niger et membre de la CEDEAO. Plusieurs chancelleries occidentales ont également prôné le dialogue, notamment l’Allemagne qui a appelé à poursuivre les «efforts de médiation».
Il faut que les putschistes reviennent à la «légitimité institutionnelle, nous sommes prêts à les aider», a estimé le président algérien, Abdelamdjid Tebboune, dans un entretien à la télévision nationale, samedi soir, dont des extraits ont été publiés sur la page Facebook de la présidence.
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Par ailleurs, les relations entre la junte au Niger et l’ancienne puissance coloniale française se sont dégradées ces derniers jours. Les putschistes ont dénoncé, jeudi soir, des accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France, qui déploie au Niger un contingent militaire de 1.500 soldats pour la lutte antiterroriste.
À Niamey, calme samedi, des «brigades de veille» citoyennes ont été mises en place sur plusieurs ronds-points de Niamey pour «surveiller la menace extérieure».
Dans un décret lu jeudi soir à la télévision, la junte avait appelé «la population nigérienne à la vigilance à l’égard des espions et des forces armées étrangères», et invité les citoyens à transmettre aux autorités «toute information relative à l’entrée ou au mouvement d’individus suspects».