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Ousmane Sonko en visite officielle au Mali

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Cette première visite du Premier ministre sénégalais à Bamako souligne l’engagement du Sénégal à jouer un rôle constructif dans la dynamique régionale du Sahel. En cherchant à promouvoir la coopération bilatérale et en agissant comme un médiateur entre les différentes parties, Ousmane Sonko espère contribuer à une résolution pacifique des crises qui secouent la région.

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La visite officielle du Premier ministre sénégalais dans la nouvelle organisation sous-régionale, l’Alliance des États du Sahel (AES) a suscité peu d’engouement au niveau des médias. Il faut préciser que cela a coïncidé avec la journée sans presse qui avait été décrétée au Sénégal. Lors de son séjour malien, Ousmane Sonko a plaidé pour le rapprochement entre Dakar et Bamako. Cette visite, qualifiée d’amitié et de travail, par ce dernier, fait suite à son voyage au Rwanda, où il a assisté à la cérémonie d’investiture du président Paul Kagame pour un quatrième mandat.

Au-delà de l’aspect fraternel liant le Sénégal et le Mali, les autorités sénégalaises ont été chargées par les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) de faire revenir les pays de l’AES au sien de l’organisation. Il convient de rappeler que les trois pays (ndlr : Mali, Niger et Burkina Faso) ont claqué la porte de la Communauté régionale au mois de janvier 2024 avant de former leur propre organisation. Les pays accusent l’organisation d’être inféodée à Paris et de ne pas assez les soutenir dans la lutte contre les terroristes. Cette scission a eu des répercussions importantes sur la coopération régionale et a exacerbé les tensions entre les anciens membres de la Cédéao et l’organisation elle-même.

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Ce qui fait que l’audience entre le président de la transition malien, le colonel Assimi Goita et le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, était très attendue par les observateurs de la scène politique africaine, particulièrement ceux de la sous-région.

Le Premier ministre sénégalais, en sa qualité de représentant d’un pays voisin du Mali, a voulu jouer un rôle de médiateur. Lors de sa visite, il a également présenté ses condoléances après les récentes défaites militaires du Mali dans le nord du pays. Sonko a exprimé sa solidarité face aux défis sécuritaires auxquels le Mali est confronté. Le responsable a assuré que le Sénégal ne permettrait pas que son territoire soit utilisé pour déstabiliser le Mali ou pour imposer des sanctions. Cette déclaration vise à apaiser les tensions et à renforcer les relations bilatérales en période de crise.

Panafricanisme et sécurité

L’ancien opposant de Macky Sall a également pris le temps de discuter des projets de coopération entre les deux pays. Sonko a souligné l’importance de promouvoir une approche panafricaine et souverainiste, en ligne avec les valeurs prônées par les régimes militaires au pouvoir dans la région depuis 2020. Ces valeurs ont été au cœur de la campagne électorale de Bassirou Diomaye Faye, le président sénégalais récemment investi, qui a exprimé son désir de réorienter la politique étrangère du Sénégal vers une coopération plus étroite avec ses voisins africains. C’était la raison pour laquelle il avait effectué ses premiers déplacements en tant que président dans le contient.

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La situation sécuritaire au Sahel, marquée par une montée en puissance des groupes terroristes et des tensions politiques, est une préoccupation majeure pour le Sénégal. La stabilité du pays est menacée par la propagation des conflits régionaux, et le Sénégal, connu pour sa stabilité relative, cherche à renforcer ses relations avec ses voisins pour prévenir toute déstabilisation. La visite de Ousmane Sonko au Mali est donc une étape importante dans la stratégie du Sénégal pour maintenir la paix et la stabilité dans la région tout en renforçant ses relations diplomatiques et économiques avec le Mali. En témoigne la convocation de l’ambassadeur d’Ukraine suite à une publication qu’il avait faite en félicitant les services de renseignements d’avoir partagé avec les terroristes maliens des informations lors d’une attaque. Celle-ci avait fait plusieurs dizaines de morts dans les rangs de l’armée malienne.

 

3 questions à Oumat Ndiaye, analyste en politique étrangère

Le Brief: Quelle lecture faites-vous du déplacement du Premier ministre Ousmane Sonko au Mali ?

Oumat Ndiaye: C’est un voyage institutionnel et pas politique comme il l’avait dit auparavant, dans les premières semaines de son installation comme Premier ministre où il avait annoncé une tournée politique dans des pays africains. Ousmane Sonko était au Mali comme Premier ministre du Sénégal, suite au voyage que le Président de la République Basssirou Diomaye Faye. Ce dernier est porteur d’une mission de la Cedeao pour ramener dans l’organisation régionale l’axe de dissidence composée des pays de l’Aes, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Compte tenu que les divergences sont telles entre la Cedeao et les pays de l’Aes, il ne faut pas seulement les constater, mais agir pour un rapprochement. Pour cela, chaque voix quel que soit son poids est utile pour faire de la voie de la réconciliation une réalité. Ousmane Sonko était à Bamako dans ce cadre et comme il l’a dit « sauver ce qui est sauvable » pour que la dislocation de la Cedeao ne soit pas une réalité avec le départ annoncé des pays de l’As.

 

Le Brief: Pensez-vous que le Premier ministre peut jouer un vrai rôle dans les relations entre les États et l’Aes et ceux de la Cedeao ?

Oumat Ndiaye: Il y a une solidarité générationnelle et quelque part aussi idéologique entre le Président Bassirou Diomaye Faye, son Premier ministre Ousmane Sonko avec certains dirigeants des pays de l’Aes comme le Mali et le Burkina dont les dirigeants actuels sont de la même génération que ceux du Sénégal. Les idéaux développés par le parti Pastef dirigé par Ousmane Sonko dans sa conquête du pouvoir recoupent aussi ceux des pays de l’Aes sur les questions liées au souverainisme, aux rapports avec les pays occidentaux, sur la présence militaire occidentale surtout française. Ousmane Sonko aussi est une figure politique qui draine beaucoup de sympathie de la part de la jeunesse de ces pays. Donc il a des atouts comme il a été dit pour le Président Bassirou Diomaye Faye pour jouer un rôle dans la médiation entre la Cedeao et les pays de l’Aes. Il se trouve aussi que le Sénégal a pris position en disant clairement que la Cedeao malgré les limites et faillites sur certaines questions, reste un outil d’intégration majeur. C’est le discours lancé par le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. Une position que ne partagent pas les pays de l’Aes. Les positions sont complètement à l’opposé et il est donc difficile de trouver un rapprochement. Mais ce n’est pas impossible.

 

Le Brief: Tout récemment, le Sénégal avait convoqué l’ambassadeur ukrainien suite à une publication dans laquelle ce dernier salué l’attaque survenu au Mali. Comment expliquez-vous cela ?

Oumat Ndiaye: La Convention de Vienne qui organise les relations diplomatiques entre les pays dispose clairement que les personnels diplomatiques doivent respecter les Lois et règlements de l’État accréditaire et ont également le devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de cet État. L’ambassadeur ukrainien au Sénégal n’a pas respecté cette disposition en publiant un message qui fait l’apologie du terrorisme suite à la bataille de Tinzawaten, au nord du Mali, entre les Forces armées maliennes (Fama) soutenues par les supplétifs russes de Wagner. C’était une chose à ne pas laisser passer et la diplomatie sénégalaise a bien fait de convoquer cet ambassadeur et lui rappeler ses obligations en tant que chef de mission diplomatique. Le Mali a payé un lourd tribut lors de cette bataille de Tinzawaten et il est très normal que le Sénégal ne puisse pas accepter d’un diplomate accrédité à Dakar fasse un lien avec un quelconque soutien de l’Ukraine face à des groupes armés qui veulent déstabiliser un pays frère comme le Mali.