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Nigeria : un nouveau président, une même relation avec Rabat ?

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Aziz Akhannouch s’est rendu hier à Abuja, représentant le Roi à la cérémonie d’investiture du nouveau président nigérian, Bola Ahmed Tinubu. Remportant l’une des élections les plus disputées au Nigeria, l’objectif du «faiseur de rois» est clair : construire un pays solide et renforcer les relations avec les pays africains tels que le Maroc. Un changement dans la continuité de la ligne observée par Buhari, selon les observateurs. Une opportunité pour le Royaume qui considère Abuja comme un partenaire solide depuis 2015.

Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a représenté, lundi à Abuja, le roi Mohammed VI à la cérémonie d’investiture du nouveau président de la République fédérale du Nigeria. À 71 ans, Bola Ahmed Tinubu a prêté serment sur la place « Eagle Square » pour succéder officiellement à Muhammadu Buhari à la tête du pays le plus peuplé d’Afrique. L’ancien général de 80 ans se retire après deux mandats, conformément à la Constitution, et son bilan est jugé très décevant.

La cérémonie solennelle d’investiture a connu la présence de l’ambassadeur du Roi au Nigeria, Moha Ou Ali Tagma, ainsi que des membres de la représentation diplomatique du Royaume à Abuja. Plusieurs officiels nigérians ainsi que des dirigeants du continent étaient réunis à la place « Eagle Square » à Abuja, notamment les présidents Nana Akufo-Addo du Ghana, Cyril Ramaphosa d’Afrique du Sud, Paul Biya du Cameroun, et Paul Kagame du Rwanda.

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«En tant que président de la République fédérale du Nigeria, je m’acquitterai de mes devoirs et de mes fonctions honnêtement, au mieux de mes capacités, fidèlement et conformément à la Constitution», a déclaré Bola Ahmed Tinubu, 16e président du Nigeria, lors de cette cérémonie, avant que les activités ne se poursuivent au palais présidentiel.

Une élection encore contestée

Conscient qu’il doit désormais diriger un pays qui s’enfonce dans une crise économique et faire face à une insécurité généralisée, le septuagénaire a également appelé à l’unité du Nigeria et a promis de faire de la sécurité « sa priorité ». Car cette période de défis sans précédent laisse certains citoyens espérer une vie meilleure et d’autres sceptiques quant à la capacité de son gouvernement à faire mieux que celui auquel il a succédé.

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Mais cet ancien gouverneur de Lagos, le centre économique du Nigeria, a promis de s’appuyer sur les efforts de son prédécesseur pour apporter des dividendes démocratiques aux citoyens.

Alors que son élection est toujours contestée devant les tribunaux par les partis d’opposition et par de nombreux jeunes nigérians, Bola Ahmed Tinubu s’est engagé à réunifier un pays où les crises sécuritaires meurtrières, la pauvreté généralisée et la faim ont laissé beaucoup de gens frustrés et en colère.

Élu en février lors d’un scrutin controversé, Tinubu du Congrès des progressistes (APC/parti au pouvoir) a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle au Nigeria le 1er mars dernier. Selon la Commission électorale nationale indépendante (INEC), Bola Ahmed Tinubu a cumulé plus de 8,8 millions de voix, remportant l’une des élections les plus disputées au Nigeria.

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«Je suis profondément honoré que vous m’ayez élu pour servir notre pays bien-aimé», avait alors lancé Tinubu à ses partisans, saluant une «victoire de la démocratie». Ses deux principaux adversaires, Peter Obi, favori de la jeunesse urbaine, et l’ancien vice-président Atiku Abubakar, ont dénoncé des fraudes «massives» lors du scrutin et déposé des recours en justice, toujours en cours d’examen.

«Avec le nouveau gouvernement de Bola Tinubu, les Nigérians verront bientôt si un dirigeant largement considéré comme corrompu peut présider une administration relativement exempte de malversations et raisonnablement compétente», selon le chercheur Ebenezer Obadare, du groupe de réflexion Council on Foreign Relations, cité par Jeune Afrique.

Car ce musulman multimillionnaire, qui a gravi tous les échelons politiques, a été accusé maintes fois de corruption, sans qu’il ne soit jamais condamné.

Un espoir renouvelé

Celui que l’on surnomme «le parrain», le «faiseur de rois» ou encore «le boss» pour son influence considérable, a d’emblée fixé les grandes lignes de son mandat, essentiellement centré sur l’économie. Le nouveau président a promis de remettre la première économie africaine sur les rails alors que le pays, pourtant riche en pétrole, s’enfonce dans le marasme, entre inflation à deux chiffres, explosion de la dette et pauvreté généralisée.

Car en effet, pour relancer la croissance, il faut faire appel à une nouvelle politique industrielle et à des mesures fiscales qui favorisent la production locale.

La création d’un nombre suffisant d’emplois et l’augmentation de la production locale de biens, l’investissement dans l’agriculture et les infrastructures publiques, la création d’opportunités économiques pour les plus pauvres et les plus vulnérables, ainsi que la mise en place d’une meilleure architecture de sécurité nationale pour lutter contre toutes les formes d’insécurité, résument son manifeste «d’espoir renouvelé».

Des plans ambitieux qui pourraient toutefois être menacés au cours des 100 premiers jours de son mandat. Car une montagne de défis se dresse devant cet ardent défenseur de la démocratie. De l’insécurité à la crise fiscale, en passant par la pauvreté et le mécontentement croissant de la population à l’égard de l’État, Bola Tinubu aura une tâche rude pour redresser l’économie du pays, affirme Mucahid Durmaz, analyste principal pour l’Afrique de l’Ouest à la société de renseignements sur les risques Verisk Maplecroft, cité par Africanews.

Il convient de noter que Tinubu hérite d’une conjoncture difficile, avec une inflation à deux chiffres et une explosion de la dette. Une économie largement plombée par la période électorale : pendant plusieurs mois, le pays a notamment été privé d’espèces, après la décision contestée de la Banque centrale de remplacer l’intégralité des billets de banque du pays par de nouveaux.

Dans ce pays où 96 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 1,90 $ par jour), l’insécurité alimentaire est un enjeu de taille pour le nouveau gouvernement. Sur les 215 millions de Nigérians, plus d’un quart serait confronté à un risque élevé d’insécurité alimentaire cette année.

Au moins 396 millions de dollars sont nécessaires d’urgence pour éviter que la faim et la malnutrition généralisées dans le nord-est du Nigeria ne se transforment en une «véritable catastrophe», avait déclaré plus tôt ce mois-ci le bureau des Nations Unies dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

Malgré ses richesses pétrolières, le Nigeria n’est pas en mesure de raffiner suffisamment de brut pour répondre à la demande locale. Le pays échange du brut valant des milliards de dollars contre du carburant importé, qu’il subventionne ensuite pour son marché. Une situation qui a entraîné une énorme perte de revenus et de devises, contribuant à l’explosion de la dette.

Ces subventions, pesant lourdement sur les finances publiques qui s’amenuisent, Tinubu a fermement répété qu’elles devaient être supprimées. Ses associés insistent sur le fait qu’il a la volonté politique de le faire.

«Malheureusement, ce que j’ai entendu, c’est qu’aucune disposition n’est prévue pour les subventions aux carburants. Les subventions aux carburants sont terminées», a déclaré Bola Ahmed Tinubu. Une annonce phare qui devrait susciter des réactions dans les prochains jours et semaines, puisque ces subventions sont considérées comme un acquis pour les classes moyennes et supérieures.

Et la priorité du nouveau président sera la lutte contre «toute forme de criminalité». Pour Bola Tinubu, il faut une nouvelle doctrine contre l’insécurité alors que le pays est en proie, notamment, à une insurrection terroriste depuis 14 ans dans le Nord-Est, à des bandes criminelles qui ravagent le Nord-Ouest et le centre, pratiquant des tueries de masse et des enlèvements contre rançon, ainsi qu’à une agitation séparatiste dans le Sud-Est.

Son prédécesseur, ancien général putschiste de l’armée (dans les années 1980), élu en 2015 et en 2019, s’était également fait élire sur la promesse de mettre fin aux violences. Mais il a largement déçu.

Le plan Tinubu-Shettima prévoit l’utilisation de bataillons anti-terroristes avec des forces spéciales pour poursuivre les kidnappeurs et les groupes extrémistes.

Plus important encore, ils ont proposé de libérer le personnel de la police des tâches de sécurité et de garde des personnalités, ce qui permettrait d’augmenter le nombre d’agents dans les rues pour lutter contre la criminalité.

Quel avenir diplomatique avec Rabat ?

Si aucun changement diplomatique ne se profile à l’horizon, c’est dans la continuité que devrait opérer le nouveau président nigérian, disent les observateurs.

Après sa victoire à cette primaire de l’APC organisée à Abuja, en juin dernier, Bola Ahmed Tinubu n’a pas caché son admiration pour le Maroc. Dans des déclarations rapportées par la presse nigériane, dont le quotidien The Punch, le musulman multimillionnaire a en effet érigé le Royaume comme exemple à suivre, dans un hommage à la pertinence de son modèle de société.

«Oui, nous sommes confrontés à de sérieux problèmes. Mais je crois que nous l’avons en nous pour atteindre notre plus beau destin. Avec l’aide de Dieu, nous rendrons cette nation meilleure pour les générations à venir. Le président, le général de division Muhammadu Buhari, a déjà jeté des bases solides en matière de sécurité, d’économie et de lutte contre la corruption. Nous bâtirons là-dessus pour le salut de notre peuple. Nous pouvons construire une nation comme le Maroc», avait-il promis.

En évoquant l’exemple du Maroc, Tinubu renvoie à la stabilité politique et à la vision du Royaume privilégiant la coopération Sud-Sud pour un meilleur avenir du continent. La campagne présidentielle de ce vieux routier de la politique nigériane s’est faite, d’ailleurs, autour de thèmes liés au développement économique et social du pays en relation avec l’affirmation des choix panafricains de son prédécesseur.

Car si le Nigeria a été un pays par le passé distant du Maroc, il s’est rapproché du Royaume à partir de 2015. C’est que depuis l’élection de Buhari à la tête du pays, dans le cadre de ce qui est connu comme l’alternance nigériane, les relations entre Abuja et Rabat se sont développées de manière soutenue, aboutissant depuis à une solide coopération.

Les deux pays ont initié le projet de gazoduc qui va les relier en traversant une quinzaine de pays, une étape importante dans ce réchauffement des relations entre les deux États, en plus d’autres volets de leur coopération. Des dizaines d’accords dans divers domaines ont été signés lors de la visite royale à Abuja, en 2016.

Cela signifie qu’avec son élection, Bola Ahmed Tinubu verra dans le Royaume un allié et un soutien sans faille, et vice versa. Une élection que le Souverain n’a pas omis de féliciter. Le roi Mohammed VI a en effet fait part de sa satisfaction des liens de fraternité africaine, de la coopération constructive et de la solidarité agissante existant entre le Maroc et le Nigeria.

Le monarque a également fait part de sa détermination à œuvrer de concert avec Tinubu pour renforcer le partenariat stratégique entre les deux pays, étendre la coopération bilatérale à de nouveaux secteurs prometteurs au service des intérêts communs des deux peuples et contribuer au développement, à la stabilité et à l’unité du continent africain.

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