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Manifestations au Sénégal : une furie qui menace un pays politiquement divisé

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Lors de la manifestation réprimée contre le report de l’élection présidentielle, le 9 février 2024 à Dakar, au Sénégal. © Guy Peterson / AFP

3 morts, 60 blessés, plus de 270 personnes arrêtées… Depuis le 3 février, date à laquelle le président sortant Macky Sall a annoncé le report de la présidentielle à trois semaines de l’échéance, le Sénégal est en proie à l’une de ses plus graves crises politiques des dernières décennies. Mais face à la colère populaire, les autorités locales ont décidé d’interdire une marche et de suspendre internet. La communauté internationale se dit préoccupée par la situation dans le pays et appelle au calme

Les manifestants sont déterminés à refuser le report de l’élection présidentielle – initialement prévue le 25 février, elle devrait se tenir le 15 décembre prochain –, par le président de la République sénégalaise Macky Sall le 3 février et votée par le Parlement. Le Conseil constitutionnel, lui, devrait se prononcer dans les jours qui viennent sur son accord. «Les gens sont fatigués et sont décidés à faire face malgré la répression. Un cap a été franchi, car cela concerne l’intérêt général», résume bien un Sénégalais de 42 ans.

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Dans un pays vanté pour sa stabilité démocratique, ce changement in extremis a été dénoncé par l’opposition comme un «coup d’État constitutionnel». Raison pour laquelle Aar Sunu Election (traduisez «Protégeons notre élection»), un collectif de la société civile qui revendique plusieurs dizaines d’organisations syndicales et de groupes citoyens et religieux, a appelé les citoyens à investir les rues.

3 Sénégalais morts et 60 autres blessés

Le Sénégal a connu vendredi sa journée de contestations la plus intense depuis le report de l’élection présidentielle par l’Assemblée nationale le 5 février. Organisées à travers le pays, les manifestations ont violemment été réprimées par la police. Au moins deux jeunes hommes et un garçon de 16 ans sont morts et des dizaines de personnes ont été blessées, rapportent les sources locales. Les autorités, elles, n’ont pas encore publié de bilan officiel.

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«Les récents décès et blessures de manifestants ne devraient pas conduire à de nouveaux abus», a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior à Human Rights Watch. «Les autorités devraient contrôler les forces de sécurité, enquêter sur les personnes impliquées dans les abus et les tenir responsables.»

Mardi, un nouveau rassemblement pour une marche silencieuse, à l’initiative du collectif Aar Sunu Election, a été interdit par les autorités locales. Dans une lettre officielle publiée sur les réseaux sociaux – que des représentants du collectif confirment avoir reçue –, la préfecture invoque un «risque de perturber gravement» la circulation. «Nous allons reporter la marche, car nous voulons rester dans la légalité. La marche a été interdite. C’est un problème d’itinéraire. Donc nous allons changer cela», a affirmé Malick Diop, un coordinateur du collectif.

Dans le même temps, l’internet sur les mobiles a été suspendu dans tout le pays, comme ce fut le cas il y a huit jours lorsque la loi de report de la présidentielle a été votée au Parlement. «En raison de la diffusion sur les réseaux sociaux de plusieurs messages haineux subversifs qui ont déjà provoqué des manifestations violentes, […] l’internet des données mobiles est suspendu ce mardi 13 février», a détaillé dans un communiqué le ministère sénégalais de la Communication, des Télécommunications et du Numérique.

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Les défenseurs des droits humains s’inquiètent, eux, d’un nouvel épisode de violences comme le pays en a connu en mars 2021 et en juin 2023 autour du sort de l’opposant antisystème Ousmane Sonko, candidat écarté de la course à la présidentielle. Depuis 2021, ils décomptent des dizaines de personnes tuées et des centaines arrêtées.

La communauté internationale inquiète

Le Bureau des droits de l’homme de l’ONU s’est dit mardi «profondément préoccupé» par la crise au Sénégal découlant de «la suspension de la présidentielle». Pour Liz Throssell, porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, «dans ce contexte de tensions croissantes et d’informations faisant état de nouvelles manifestations prévues, il est essentiel que les autorités ordonnent sans équivoque aux forces de sécurité de respecter et de garantir les droits humains y compris».

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Un point de vue partagé par le ministère français des Affaires étrangères qui appelle les autorités sénégalaises «à faire un usage proportionné de la force», en plus de réitérer son appel «à organiser l’élection présidentielle le plus rapidement possible, conformément à la Constitution du Sénégal, et à garantir les libertés publiques».

Idem pour les États-Unis qui ont exhorté mardi le Sénégal à tenir des élections «aussi vite que possible». Dans un appel téléphonique, le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, «a parlé avec le président du Sénégal ce matin pour réitérer notre inquiétude quant à la situation là-bas et dire clairement que nous voulons voir les élections avoir lieu comme prévu – nous voulons leur tenue aussi vite que possible», a déclaré à la presse le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.

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Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU a également rappelé que le droit des Sénégalais à manifester pacifiquement doit être «respecté». «Nous sommes (…) très inquiets de la situation au Sénégal. Il est d’abord extrêmement important que le droit de tous les Sénégalais à manifester pacifiquement soit respecté, que les forces de l’ordre respectent ce droit et ne fassent pas un usage meurtrier de la force», a déclaré Stéphane Dujarric, réclamant une résolution de la situation par des «moyens constitutionnels».

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