L’or, une valeur refuge pour le continent
S’il offre un rendement nul, l’or reste de loin, l’actif le plus attrayant en temps de crise. Car, en effet, la débâcle des deux banques américaines (Sillicon Valley Bank et Signature Bank), conjuguées à la chute de Crédit Suisse, racheté par son rival UBS, ont créé une panique qui a poussé les investisseurs à se ruer sur le métal jaune, attestant plus que jamais son statut de valeur refuge.
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Stimulé par l’augmentation de l’inflation mondiale, les troubles géopolitiques et les craintes de récession, le prix de l’or a grimpé en flèche au début de 2023 pour dépasser à plusieurs reprises le niveau de 2.000 $ l’once. Avec une progression de 152% en glissement annuel, la demande d’or des banques centrales n’a en effet pas été aussi forte depuis 1967, soit 55 ans, note le World Gold Council dans un rapport publié le mardi 31 janvier.
Et cette flambée du cours de l’or est une excellente nouvelle pour de nombreux pays africains producteurs du métal jaune. Puisqu’en effet, un cours haut du métal encourage les compagnies minières à investir davantage dans l’exploration ou à envisager des consolidations par le biais de fusions-acquisitions.
Accra, première productrice aurifère sur le continent
C’est le cas par exemple du Ghana. Suite à la joint-venture de Gold Fields et AngloGold Ashanti dans l’ouest du pays, la plus grande mine d’Afrique devrait bientôt se trouver dans la «Côte de l’or». À noter qu’actuellement, la mine Kibali en République Démocratique du Congo est souvent considérée comme la plus grande du continent.
Avec une production annuelle moyenne estimée à 900.000 tonnes, «la joint-venture proposée créerait la plus grande mine d’or d’Afrique et l’une des plus grandes du monde», indique les deux firmes sud-africaines Gold Fields et AngloGold, dans un communiqué conjoint daté du 16 mars dernier. Si les pourparlers ont commencé il y a plusieurs années de manière timide au départ, ils se sont désormais accélérés.
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Cette joint-venture devrait légèrement modifier la configuration de l’exploitation aurifère, importante pour l’économie au Ghana. Le métal jaune représente plus de 48% des exportations nationales qui sont une importante source de devises.
En proie à une crise économique sans précédent, le pays essaie depuis l’année dernière de travailler sur des réformes de son secteur minier afin d’encourager les investisseurs présents sur son marché et en attirer d’autres. Une stratégie qui a payé puisqu’en 2022, le Ghana est le premier producteur avec 3,78 millions onces d’or. Une place qu’il dispute depuis 2018 avec l’Afrique du Sud.
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Au Ghana, «le sous-secteur de l’or à grande échelle a enregistré sa production la plus élevée dans l’histoire du pays en 2022», avait déclaré vendredi 9 juin Joshua Mortoti, le président de la Chambre des mines. Selon lui, cette performance a été rendue possible grâce à la combinaison de la production et de l’expansion de la production dans les mines existantes.
Les géants tirent leur épingle du jeu
Sur le continent, si la hausse du cours profite aux principaux producteurs d’or, à savoir le Ghana, l’Afrique du Sud, le Soudan, le Mali, la RDC, la Tanzanie, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, ce sont les entreprises minières, la majorité étrangères, qui contrôlent la production aurifère du continent qui en tirent les plus gros bénéfices.
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Toutefois, malgré l’écrasante puissance et l’appétit de géants comme l’américain Newmont ou le canadien Barrick Gold, qui arrivent en tête des dix sociétés minières aurifères mondiales, quelques rares sociétés du continent arrivent à tirer leur épingle du jeu.
C’est le cas des Sud-africains, Anglogold Ashanti et Gold Fields, les deux plus grands producteurs d’Afrique qui figurent aussi dans le Top 5 mondial des plus grands producteurs d’or du monde. En 2022, l’exploitation de ses cinq mines, réparties entre la RDC, le Ghana, la Tanzanie et la Guinée, ont rapporté à Anglogold Ashanti 1,63 million d’onces, sur un total de 2,7 millions d’onces livrées par toutes ses opérations.
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«L’AngloGold Ashanti mining est un très gros producteur africain. La grosse partie de sa production aurifère se trouve en Afrique, surtout au Ghana et au Mali. AngloGold Ashanti est présent dans plus de 16 pays et c’est ça qui fait sa force. C’est une compagnie très puissante, et sa puissance est ressentie surtout dans le continent africain où ils font beaucoup d’extractions minières», a expliqué Hamidine Moctar KANE, Docteur en Économie et en Intelligence économique.
L’Afrique, riche en or, à la traîne en production
Selon les données les plus récentes de l’US Geological Survey, la production d’or a augmenté d’environ 2 % en 2021 et d’à peine 0,32 % en 2022. Si environ 31 % de la production mondiale d’or l’an dernier provenait de trois pays : la Chine, la Russie et l’Australie, chacun produisant plus de 300 tonnes de métal précieux, l’Afrique n’est pas en reste.
Sur les 54 pays du continent, détenant 40% des réserves mondiales d’or prouvées, 34 sont producteurs d’or, à des degrés variables. Seulement, en dépit du niveau élevé du cours de l’or, les retombées sur les économies africaines demeurent faibles. Les États ne bénéficient généralement que d’une participation de 10% dans le capital des sociétés exploitant leur or.
«L’Afrique est le plus gros producteur mondial d’or. Il faudra donc que le continent puisse profiter de cette manne aurifère. Jusqu’à présent, il n’en est pas encore question. Que ce soit le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Sénégal, le Ghana, il faudra que tous les pays africains reprennent les ressources minières pour leur propre développement, et profiter des réserves aurifères dans le cadre de leurs politiques bancaire et financière», a plaidé de plus l’expert Hamidine Moctar KANE.
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Car bien que ces pays soient des producteurs d’or majeurs sur le continent, à part l’Afrique du sud, ils ne sont pas nécessairement les plus grands détenteurs de réserves d’or. Cela souligne un décalage entre la production d’or et la détention de réserves d’or, suggérant que la richesse en ressources naturelles d’un pays ne se traduit pas nécessairement par des réserves importantes.
Dans les détails, la Banque d’Algérie (27ᵉ mondial) a gardé son statut de première réserve d’or du continent avec un volume de 173,6 tonnes, en légère baisse comparé aux 174 tonnes enregistrées en 2021. L’Égypte (125,5 tonnes) ravi de peu la 2ème position à l’Afrique du Sud qui pointe désormais à la 3ᵉ position avec 175,4 tonnes. La Lybie et le Maroc pointent aux 4ème et 5ᵉ rang avec respectivement 116,6 tonnes et 22,1 tonnes d’or en réserve. Le top 10 est complété par le Nigéria, la Tunisie, le Mozambique et la Mauritanie.
L’Afrique, riche en diversité culturelle et en ressources naturelles, a beaucoup à offrir sur la scène internationale. Alors que les pays du continent continuent de renforcer leurs avoirs en or, ces mouvements stratégiques les positionnent pour naviguer dans le paysage économique mondial en constante évolution et protéger leurs économies contre les chocs potentiels. L’attrait de l’or en tant que réserve de valeur fiable persiste, offrant stabilité et confiance aux gouvernements et aux investisseurs.