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Kenya : le vote d’un projet de loi fait 22 morts
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La capitale kényane, Nairobi, a été le théâtre des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. Ces derniers voulaient montrer leur opposition au vote du nouveau budget au Parlement qui prévoit une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 16% sur le pain et une autre annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers. C’est dans ce sens qu’un mouvement contestation, appelé « occupy Parlement » (occuper le Parlement), a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation le 13 juin du projet de budget 2024-2025.
Les manifestations, principalement menées par des jeunes, avaient débuté la semaine dernière dans le calme. Des milliers de manifestants ont défilé à Nairobi et dans d’autres villes du pays pour protester contre les nouvelles taxes prévues dans le budget 2024-2025, au moment des débats au Parlement.
Alors que les opposants manifestaient pour la troisième fois en huit jours, la tension est brusquement montée dans l’après-midi. Les manifestants étaient déterminés à entrer dans l’enceinte du Parlement. La police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a déjà forcé les barrages de sécurité, plongeant le pays dans le chaos avec des bâtiments incendiés et des commerces pillés, a rapporté l’AFP.
William Ruto promet de réprimer fermement la «violence et l’anarchie»
La présidente de l’organisme officiel de défense des droits humains (le Kenya National Human Rights Commission (KNHRC)), a précisé que le pays a enregistré 22 morts, dont 19 dans la capitale Nairobi. «Plus de 300 blessés et plus de 50 arrestations», c’est sur ces mots que Roseline Odede a annoncé l’ouverture «d’une enquête». Quant aux autorités, elles n’ont donné aucun chiffre sur le nombre de victimes. Le texte voté mardi au Parlement devait encore être promulgué par le président Ruto, avant qu’il n’en annonce le retrait.
Dans la soirée, le président William Ruto s’est adressé à la population, en s’engageant à réprimer fermement la «violence et l’anarchie». «Nous apporterons une réponse complète, efficace et rapide aux événements de trahison d’aujourd’hui», a-t-il déclaré.
Selon lui, les manifestations avaient été «détournées par des personnes dangereuses». «Il n’est pas normal, ni même concevable, que des criminels se faisant passer pour des manifestants pacifiques puissent faire régner la terreur contre le peuple, ses représentants élus et les institutions établies par notre constitution, et s’attendre à ne pas être inquiétés», a martelé le président kényan.
Pour sa part, l’opposition accuse le gouvernement d’avoir «déchaîné sa force brute contre les enfants de notre pays». Dans un communiqué, la coalition Azimio a soutenu que «le Kenya ne peut pas se permettre de tuer ses enfants simplement parce qu’ils demandent de la nourriture, un emploi et une oreille attentive. La police doit donc immédiatement cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés».
«Vous ne pouvez pas tous nous tuer»
La figure du mouvement de contestation antigouvernementale au Kenya, Hanifa Adan, a qualifié l’annonce du président «d’opération de com». «Le projet de loi est retiré, mais allez-vous ramener vivants tous ceux qui sont morts ??», s’est interrogée cette journaliste et militante sur X.
Par ailleurs, elle a appelé à manifester à nouveau jeudi de manière pacifique en mémoire des victimes de la chaotique mobilisation de mardi, qui a fait 22 morts. «Tout le pouvoir souverain appartient au peuple du Kenya. Vous ne pouvez pas tous nous tuer», a écrit mercredi matin Hanifa Adan, sur X, alors que le gouvernement a annoncé avoir déployé l’armée pour appuyer la police face à la contestation. «Demain, nous marchons à nouveau pacifiquement en portant du blanc, pour tous les nôtres tombés au combat. Vous ne serez pas oubliés !!!», a-t-elle ajouté.
Ces évènements ont fait réagir la communauté internationale, à l’image du chef de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, qui a exprimé sa «profonde préoccupation» et a appelé le pays à s’abstenir de toute nouvelle violence.
La Maison Blanche a aussi condamné «la violence sous toutes ses formes» et appelé au calme, a indiqué une porte-parole du Conseil de sécurité nationale, ajoutant que «les États-Unis surveillent de près la situation à Nairobi».
Antonio Guterres, secrétaire-général de l’Onu, s’est dit «profondément préoccupé» par les violences et «attristé» par les morts et les blessés signalés.