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Kenya : le Sénat destitue le vice-président
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Rigathi Gachagua, vice-président du Kenya, a été reconnu coupable de cinq accusations sur les onze qui étaient retenues contre lui. Ce qui a provoqué sa destitution par le Sénat, telle que la Constitution de 2010 le permet. Un fait inédit dans l’histoire du pays : Gachagua devient le premier vice-président écarté du pouvoir dans le cadre d’une telle procédure. La destitution de ce dernier est le point culminant de plusieurs mois de conflit avec le président, William Ruto.
Considéré comme une vitrine démocratique en Afrique de l’Est, le processus de destitution du vice-président soulève des incertitudes. Puisqu’elle survient quelques mois après les manifestations qui ont secoué le pays et fait une soixantaine de morts.
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Il faut souligner qu’une motion de censure avait été votée par une écrasante majorité des députés, le mardi 8 octobre 2024, après plusieurs heures de discussions et de débats. 282 députés kényans sur 349 ont voté en faveur de la destitution du deuxième plus haut personnage de l’État. Cette décision rendue par le Sénat confirme la culpabilité de Rigathi Gachagua, de «violation grave» de la Constitution, notamment de menaces envers les juges et de pratiques politiques de division ethnique. Néanmoins, il a été innocenté des allégations de corruption et de blanchiment d’argent.
Pour sa part, le principal concerné, Rigathi Gachagua, a qualifié les accusations portées contre lui de «pure propagande» et de «complot visant à le chasser du pouvoir pour des raisons politiques». Il est accusé de détournement de fonds, de trafic d’influence et d’acquisitions frauduleuses d’hôtels et d’appartements.
L’ultime bataille avant la destitution
Présent à l’ouverture des audiences jeudi matin, le vice-président a quitté après la pause déjeuner. Peu avant le vote de la Chambre haute et alors qu’il devait se défendre face aux sénateurs, un de ses avocats a annoncé qu’il avait été hospitalisé en raison de douleurs thoraciques. Le cardiologue en chef de l’hôpital de Karen, Dan Gikonyo, dans la banlieue de Nairobi, a déclaré que l’état de Rigathi Gachagua était stable, mais qu’il resterait en observation entre 48 à 72 heures.
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La Chambre haute a suspendu les audiences dans l’après-midi, mais a rejeté une requête de la défense de Rigathi Gachagua de reporter le vote à mardi 22 octobre 2024 pour lui donner la chance de se défendre. L’accusé avait aussi tenté quelques manœuvres pour bloquer les débats et le vote, mais s’était sans compter sur la détermination le président de la Haute Chambre, Amason Kingi, Après plusieurs saisines rejetées, ce dernier a déclaré que «le Sénat a décidé de démettre de ses fonctions, par destitution, Son Excellence Rigathi Gachagua». Ainsi, Rigathi Gachagua «cesse d’exercer ses fonctions».
Les avocats du vice-président avaient quitté les lieux en signe de protestation avant que le verdict ne tombe. Le sénateur Karungo Thangwaune déplore la décision des parlementaires : «La question que l’on se pose est : quelle est l’urgence ? Nous avions encore vendredi et même samedi. Pourquoi vouloir en finir aujourd’hui en pleine nuit et en l’absence du vice-président qui est l’accusé ? C’est un jour triste pour notre pays», rapporte RFI.
Un homme sulfureux
Réputée être une personne sulfureuse, Rigathi Gachagua, avait été choisi par le William Ruto comme colistier pour sa campagne présidentielle de 2022. Doté d’un solide réseau d’influence, notamment dans la région stratégique du Mont Kenya, cet ancien homme d’affaires de l’ethnie Kikuyu (majoritaire dans le pays) a joué un rôle crucial dans la victoire de William Ruto face à son rival Raila Odinga (50,49% contre 48,85%). La relation entre les deux hommes à la tête du Kenya se sont détériorées, notamment depuis un mouvement de contestation antigouvernementale qui a secoué le pays en juin et juillet.
Ses détracteurs lui reprochent de n’avoir pas soutenu le chef de l’État lors des manifestions. Pour rappel, la répression avait fait au moins 60 morts. Même si le mouvement s’est essoufflé, le ressentiment est toujours présent, et la crise actuelle au sommet de l’État est, pour de nombreux Kényans, un nouveau signe de déconnexion de la classe politique.