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Kenya : la grève des pilotes coute très cher
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Le bras de fer opposant la direction de Kenya Airways et ses pilotes, en grève depuis déjà quatre jours, se poursuit. Parallèlement, les grévistes sont confrontés à des mesures disciplinaires et à des convocations du tribunal du travail pour violation de la suspension de leur protestation. Le tribunal de l’emploi et des relations de travail de Nairobi a ainsi interpellé les responsables de l’Association des pilotes de ligne kenyans (KALPA) ce mardi 8 novembre «pour désobéissance» à ses ordres.
Début de la crise
Cette affaire remonte au lundi 31 octobre, quand la compagnie Kenya Airways (KQ) a obtenu une injonction pour mettre fin à la grève, mais le syndicat des pilotes a voté en faveur de la poursuite du mouvement. Allan Kilavuka, président-directeur général de KQ, a prévenu que tout pilote qui s’engage dans cette protestation «était en train de désobéir aux ordres du tribunal».
Une semaine plus tard, notamment lundi 7 novembre, KQ a annoncé qu’elle recrute de nouveaux pilotes et qu’elle a entamé des mesures disciplinaires à l’encontre des grévistes. La compagnie aérienne a prévenu que ces derniers pourraient être licenciés s’ils ne reprenaient pas le travail immédiatement.
À ce jour, ils sont près de 400 pilotes, membres de la KALPA, à observer une grève de 14 jours, et ce, depuis le 5 novembre. Au cours du week-end dernier, 56 vols ont été annulés, perturbant les plans de 12.000 passagers. Seuls 500 d’entre eux ont réussi à se faire héberger à l’hôtel par Kenya Airways.
Les revendications des pilotes
«Le but de cette action n’est pas de mettre à l’épreuve le nouveau gouvernement [du Kenya]», a assuré le syndicat. Les pilotes de KALPA représentent 10% des effectifs de KQ. Ils demandent le rétablissement de la contribution mensuelle à la retraite, la compagnie ayant gelé les paiements depuis la pandémie de la Covid-19. De plus, ils exigent l’application des accords salariaux, conformément aux clauses du règlement de l’aviation civile du Kenya.
Les pilotes se plaignent aussi de la victimisation présumée des membres de la KALPA. Et ils demandent le licenciement des hauts dirigeants de KQ qui, selon eux, sont responsables de la «mauvaise gestion» de la compagnie aérienne. Le Conseil d’administration de Kenya Airways a rejeté ces appels à la démission.
«Aucune menace ou coercition ne nous obligera à demander la démission de qui que ce soit», a martelé Michael Joseph, président du conseil d’administration de KQ. Il a ajouté que la compagnie aérienne rembourse les salaires différés et devrait commencer à cotiser au fonds de prévoyance (pension contractuelle) en 2023. «Malheureusement, nous ne pouvons pas faire les deux en même temps, car nous continuons à rembourser nos arriérés de la période Covid et à payer les loyers de nos avions», précise Michael Joseph.
La facture s’alourdit
Selon Allan Kilavuka, la grève «illégale» coûte environ 300 millions de shillings kenyans (Ksh) par jour. Si cette protestation dure une semaine, les pertes de KQ s’élèveront à environ 2,1 milliards de Ksh. «La compagnie aérienne ne pourra pas supporter ces pertes», a-t-il affirmé.
Pour le ministère kenyan des Transports, l’action des pilotes «s’apparente à un sabotage économique». Et au PDG de la compagnie d’ajouter que les perturbations causées par la grève sont massives. «Nous transportons 250.000 passagers et exportons plus de 5.800 tonnes de marchandises par mois, notamment des produits carnés frais, des fleurs, des produits électroniques, des produits pharmaceutiques, des médicaments et des poissons tropicaux. Vous pouvez imaginer l’impact que cela aura sur le développement socio-économique du pays ?», a-t-il déploré. Allan Kilavuka craint aussi que KQ ne soit plus en mesure de faire face à ses obligations financières, dont le paiement des salaires, si la grève se prolonge.
Une direction qui se frappe la poitrine
Le 7 novembre, KALPA a déclaré qu’il avait envoyé des propositions de concessions à KQ et aux ministères concernés. Toutefois, aucune des parties réceptrices n’a fait l’effort de suggérer d’autres solutions ni d’ouvrir le dialogue avec les pilotes. «Ce n’est pas une preuve de bonne foi. L’ego de la direction et le fait qu’elle se frappe la poitrine sont au détriment des Kenyans dans leur ensemble», lance le syndicat.
Ce dernier estime que ses revendications s’inscrivent «dans les limites d’une convention collective mutuellement convenue. Nous n’avons pas demandé de meilleures conditions de service ; nous demandons seulement que la direction de KQ honore les accords déjà en place».
Pour rappel, Kenya Airways, qui appartient en partie au gouvernement, est l’une des plus grandes compagnies aériennes d’Afrique, reliant plusieurs pays du continent à l’Europe et à l’Asie.