Jouer avec le feu
Qui veut noyer son chien, l’accuse de rage, dit l’adage. C’est exactement ce qui est en train de se passer au sommet de l’État kényan. Après des mois de tensions, l’alliance qui liait le président William Ruto à son numéro deux, le vice-président Rigathi Gachagua, vient de voler en éclats avec le dépôt d’une motion de destitution devant le Parlement qui s’appuie sur des motifs fallacieux.
Comme souvent en Afrique, ce sont les sbires du chef de l’État en exercice qui sont à la manœuvre avec l’accord tacite de leur « champion ». À Nairobi, les députés de la coalition présidentielle « Kenya Kwanza » (le Kenya d’abord en swahili), et qui renvoie au fameux « America First » de Donald Trump, ont initié ce grossier montage. Ils n’ont que faire des équilibres ethniques qui conditionnent aussi la stabilité sociale et politique de ce pays. Il ne faudra pas qu’ils s’en mordent les doigts au cas où les choses viendraient à tourner mal. Car si leur projet venait à aboutir comme cela semble se dessiner, cela risque de mettre le feu à toute la région du mont Kenya peuplée des kikuyu, l’ethnie majoritaire du Kenya dont est issu Rigathi Gachagua et où ce dernier peut compter sur un solide réseau de notables locaux.
William Ruto, étonnamment silencieux sur le sujet, joue avec le feu. Après avoir utilisé son vice-président à l’élection de 2022 afin de capter les voix des Kikuyu face à son rival le plus dangereux, Raila Odinga, il veut s’en débarrasser comme un kleenex. C’est maintenant que l’Union africaine et les dirigeants du continent doivent dissuader le dirigeant kényan de renoncer à sa manœuvre. Car demain, il sera trop tard pour jouer au sapeur-pompier si la situation venait à s’embraser.