France-Afrique : fin d’une coopération sans merci
La déclaration d’Emmanuel Macron a officieusement acté le divorce entre la France et une bonne partie de son «pré carré». Lors de sa rencontre annuelle avec les ambassadeurs et ambassadrices français, le président Emmanuel Macron a profité de l’occasion pour exposer sa version du retrait des troupes françaises en Afrique. Selon lui, l’initiative venait de la France. Il a laissé entendre que l’Hexagone avait poussé certains pays à accepter ce retrait, précisant que c’est par simple commodité et par politesse que la France a consenti à ce que l’annonce soit faite en priorité par ces pays africains.
Emmanuel Macron a affirmé que l’intervention militaire de la France en Afrique contre le terrorisme depuis 2013 était justifiée. Cependant, il a déploré l’absence de reconnaissance des dirigeants africains, estimant qu’ils auraient pu dire «merci» pour son action contre les groupes terroristes. Il a ajouté qu’aucun d’entre eux n’aurait pu diriger un pays souverain sans cette intervention.
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«Ce n’est pas grave, cela viendra avec le temps», a-t-il ironisé. Le président français a assuré que la France n’est pas en retrait en Afrique, mais qu’elle adopte une approche lucide et réorganise sa présence. La France a choisi d’agir parce qu’il le fallait, a-t-il soutenu.
Pendant dix ans, la France a mené des opérations militaires au Sahel pour combattre les terroristes affiliés à Al-Qaïda ou au groupe Daech, notamment à travers les missions «Serval» (2013-2014) et «Barkhane» (2014-2022). Ces engagements ont coûté la vie à cinquante-huit soldats français. Cependant, entre 2022 et 2023, la France a dû retirer ses troupes du Mali, du Burkina Faso et du Niger en raison de l’arrivée au pouvoir de juntes militaires dans ces pays, qui ont choisi de se rapprocher de la Russie. Mais le retrait se poursuit, puisque la présence des troupes françaises au Tchad, au Sénégal et en Côte d’Ivoire prendra également fin cette année.
Les pays africains démentent le président français
Ces propos ont suscité de nombreuses réactions sur le continent. Le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a vivement réagi via un post sur sa page Facebook. Pour le Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour, et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain, a-t-il écrit.
Ousmane Sonko a également affirmé que «la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour garantir à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains, comme la Libye, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité et la sécurité du Sahel».
Le panafricaniste a également rappelé au président Macron que «si les soldats africains, parfois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors de la Seconde Guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait peut-être encore aujourd’hui sous domination allemande».
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La réaction du Tchad ne s’est pas non plus fait attendre. Selon le ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine, Abderaman Koulamallah, les propos du président français reflètent une attitude méprisante envers l’Afrique et les Africains. Il a souligné que la construction de l’armée tchadienne n’est pas l’œuvre de la France, mais «le fruit de la bravoure du peuple tchadien et des sacrifices consentis avec des moyens modestes». Le chef de la diplomatie tchadienne a ajouté que la «France n’a jamais doté l’armée tchadienne de manière significative ni contribué à son développement structurel. En 60 ans de présence, marqués par des guerres civiles, des rébellions et une instabilité politique prolongée, l’aide française s’est souvent limitée à des intérêts stratégiques propres, sans réel impact durable pour le développement du peuple tchadien», a-t-il détaillé.