En Algérie, éliront, n’éliront-ils pas le président ?
Selon la Constitution algérienne, l’élection présidentielle devrait avoir lieu avant le 19 décembre prochain, date de la fin du mandat du président Abdelmadjid Tebboune. Mais les déclarations et indices font craindre aux Algériens un scénario de report des élections en 2025. Le pouvoir algérien chercherait ainsi un subterfuge qui permettra de prolonger l’actuel mandat présidentiel.
«Ce n’est pas une Fake News ni une blague de mauvais goût, mais bel et bien une information dangereuse, surprenante et bouleversante que nous avons pu confirmer auprès de plusieurs sources concordantes bien introduites au sein du sérail algérien», écrit Abdou Semmar, directeur de publication d’Algérie Part. «Au plus haut sommet de l’État, des discussions formelles ont été initiées pour étudier officiellement le scénario du report des prochaines élections présidentielles prévues en décembre 2024», assure le journaliste et opposant algérien exilé en France depuis 2019.
Hypothèses d’un report
Récemment, ce sont les déclarations d’Abdelkader Bengrina, président du mouvement pour la reconstruction (MPR), allié du pouvoir, qui ont jeté un pavé dans la mare, créant ainsi la polémique. Comme pour tâter le terrain, il a laissé entendre que «l’hypothèse» d’un report des élections était sur la table.
Si ce scénario a été étudié en 2019 dans un contexte bien particulier, le report de l’élection présidentielle algérienne est officiellement posé sur la table des décideurs du régime algérien «qui étudient en toute discrétion ce plan B pour trouver des justificatifs pouvant éventuellement valider «la légalité» de cette décision radicale en s’appuyant sur l’absence des conditions nécessaires pour organiser des élections présidentielles transparentes, sereines et justes». Pour préparer l’opinion publique, Louisa Hannoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), aurait affirmé qu’au vu de la situation régionale instable, «les conditions ne semblent pas réunies pour organiser le scrutin». La piste du report serait donc bien probable ?
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En témoignent d’ailleurs plusieurs signes avant-coureurs, avance le spécialiste, l’absence de débats et l’absence de candidats déclarés (mis à part Abderrezzak Mokri, président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui parle sur les réseaux sociaux sans toutefois avoir déposé une candidature officielle). Il n’y a ni débat ni déclarations : «C’est comme si le sujet relevait du tabou», dénonçait il y a quelques semaines Zoubida Assoul, présidente de l’Union pour le changement et le progrès (UCP).
Menaces extérieures contre la sécurité nationale, tensions régionales et insécurité aux frontières du pays, plusieurs arguments sont étudiés au plus haut sommet du pouvoir algérien pour appuyer éventuellement la thèse du report des prochaines élections présidentielles, affirme Abdou Semmar. Parmi ces hypothèses, une éventuelle guerre avec le Maroc pour légitimer la décision du régime algérien.
Le Maroc, ce bouc-émissaire
«À l’approche d’échéances électorales cruciales où le duo Tebboune-Chengriha joue non seulement sa survie politique, mais sa survie tout court, les autorités algériennes auraient lancé un exercice de simulation d’une déclaration de guerre contre le Maroc, ce qui aurait pour conséquence directe le report des élections présidentielles de décembre 2024», rapporte Maghreb Intelligence dans sa livraison du 26 février. Cette guerre serait, pour l’actuel pouvoir algérien, la seule échappatoire pour éviter une énième crise institutionnelle pouvant paralyser le pays pour longtemps.
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Le média rapporte, citant des sources bien informées à Alger, que l’état-major de l’ANP ainsi que la présidence algérienne auraient demandé «à l’ensemble des services de sécurité et aux unités de combat stratégiques de l’ANP de se préparer à des entraînements intensifs suivant le plan d’action d’une probable et possible guerre contre le Maroc». Cette guerre aurait pour objectif de décréter l’état d’exception dans le pays pour permettre une prise totale du pouvoir par le général Said Chengriha adossé à une prolongation automatique du mandat présidentiel actuel.
Selon les sources de Maghreb Intelligence à Alger, cette simulation laisse prévoir la prise du contrôle du pays par les autorités militaires, mais en partageant le pouvoir avec Abdelmadjid Tebboune dans le cadre d’un futur Haut Conseil de Sécurité, qui serait le seul cadre formel de la gouvernance du pays. En parallèle, concernant les opérations sur le terrain, cette simulation ne prévoit pas une guerre intensive contre les forces armées royales marocaines. Mais, uniquement des affrontements directs sur des frontières du territoire du Sahara avec pour possibilité de recourir à une guerre de tranchées et des frappes aériennes pilotées essentiellement par des drones.
Le prétexte pour déclencher cette guerre serait la violation de l’espace aérien algérien ainsi que des actions armées menées par des unités des forces royales marocaines tout le long de la frontière avec Tindouf afin de neutraliser le Polisario dans la zone tampon hors du mur de défense. L’élargissement du conflit à toute la frontière algéro-marocaine aurait été écarté dans ce scénario, car l’establishment militaire algérien estime que le Maroc dont la stabilité constitue un des atouts majeurs redouterait de potentielles conséquences sur les villes marocaines frontalières de l’Algérie.
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Néanmoins, des affrontements limités géographiquement et conscrits dans le temps entre les forces navales algériennes et marocaines ont été étudiés dans cet exercice de simulation, mais leur ampleur a été minimisés au regard de la supériorité militaire navale algérienne par rapport au Maroc. À en croire cette simulation du pouvoir algérien, la guerre avec le Maroc devrait donc se cantonner uniquement à la région de Tindouf et au Sahara. La simulation envisage aussi une intervention étrangère très rapide qui devrait assurer la médiation entre l’Algérie et le Maroc pour faire taire les armes. L’Union africaine, les États-Unis et l’Union européenne composeraient très rapidement cette médiation et un cessez-le-feu pourrait intervenir, selon les prévisions dans les deux ou trois semaines ayant suivi le déclenchement du conflit.
Aucun accord de paix ne pourrait cependant être trouvé avant un délai de deux mois, ce qui ferait basculer l’Algérie dans l’état d’exception et aucune élection présidentielle ne pourrait être possible dans ces conditions. Soulignons enfin que le début des affrontements dans ce conflit avec le Maroc interviendrait, selon ce scénario du régime algérien, au cours du mois de juin prochain et l’état d’exception pourrait être renouvelé et maintenu en Algérie jusqu’à, au moins, juin 2025.
L’APS réagit, mais dérape
«Une dépêche d’une bassesse inédite et sans précédent a été publiée ce 27 février 2024 par l’APS pour s’attaquer violemment à notre Média Algérie Part en raison des révélations visiblement très gênantes faites par nos soins le 14 février dernier au sujet du scénario en cours d’élaboration par certaines officies du pouvoir algérien consistant à préparer un report des élections présidentielles avec à la clé la possibilité d’un prolongement illégal de l’actuel mandat présidentiel d’Abdelmadjid Tebboune», s’indigne Abdou Semmar.
En effet, l’agence de presse algérienne «s’est chargée, dans une saillie particulièrement aigre, de répondre aux médias et autres sources qui ont supputé le report de la présidentielle».
«L’APS aurait pu choisir un autre style digne d’une agence de presse. Écrire une dépêche argumentée pour déconstruire la propagande de potentiels ennemis. Prendre de la hauteur et répondre sans tomber aussi bas. Mais non. Manifestement le style utilisé ici est délibéré», écrit Le Matin d’Algérie.