De Moscou à Tunis
Dans sa marche vers la « poutinisation » de son régime, Kaïs Saïed ne recule devant rien, et n’écoute personne. Pour museler toute forme d’opposition, le chef de l’Etat tunisien puise dans la boîte à outils de son homologue russe. Les arrestations des personnalités dont le seul tort est de ne pas penser comme lui, s’accélèrent. Avocats, journalistes, magistrats, fonctionnaires, militants anti-racistes, etc. Dans son offensive, Kaïs Saïed a même fait écrouer le patron de la Fédération de natation et le directeur de l’Agence antidopage.
En droite ligne avec sa rhétorique sur « le complot de ceux qui cherchent à repeupler la Tunisie par des populations noires », il vient de lancer une violente charge contre les ONG de soutien aux migrants, les accusant de recevoir d’« énormes sommes d’argent de l’étranger », et qualifiant leurs dirigeants de « traîtres » et d’« agents de l’étranger », une terminologie d’inspiration poutinienne. Comme en Russie, il ne serait pas étonnant qu’il fasse adopter une loi ou une réglementation obligeant ces ONG à se faire immatriculer sous le sceau infamant d’«agent de l’étranger ».
Face à ce climat de terreur qu’installe Kaïs Saïed, les chancelleries européennes se taisent de peur de fâcher celui auquel elles ont externalisé une partie de la surveillance de l’émigration clandestine vers les côtes italiennes.
Sur le plan politique, le locataire du palais de Carthage (ndlr : siège de la Présidence de la République tunisienne) est en train de tout verrouiller. Il ne veut pas entendre parler d’élection présidentielle censée se tenir en octobre. L’instance chargée d’élections n’a pas publié d’échéancier comme l’y oblige la loi, au moins six mois à l’avance. A Tunis, Kaïs Saïed rêve désormais d’une présidence à vie. Pas sûr que le peuple tunisien le lui concède.