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Coup d’État au Niger : la CEDEAO menace d’intervenir militairement
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La pression s’accroît chaque jour un peu plus sur le nouvel homme fort proclamé du Niger : le général putschiste Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle, à l’origine de la chute de Mohamed Bazoum retenu depuis cinq jours.
La Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tenu, dimanche à Abuja, un sommet extraordinaire, sous l’égide du président du Nigeria, Bola Tinubu, à la tête de l’institution régionale depuis le début du mois. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont fixé dimanche 30 juillet un ultimatum d’une semaine à la junte putschiste au Niger, affirmant ne pas exclure un «recours à la force».
La CEDEAO a en effet exigé «la libération immédiate» du président Bazoum, et le «retour complet à l’ordre constitutionnel», selon les résolutions lues à la fin du sommet. L’organisation régionale a également décidé de «suspendre toutes les transactions commerciales et financières» entre ses États membres et le Niger, et de geler les avoirs des «responsables militaires impliqués dans la tentative de coup».
Déclaration de guerre
Samedi soir, la junte issue du putsch avait dénoncé le sommet de la CEDEAO, y voyant la menace d’une «intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec les pays africains non membres de l’organisation et certains pays occidentaux».
«Toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali», ont prévenu les porte-parole de ces deux derniers pays, dirigés par des juntes militaires. Lundi, le Mali du colonel Assimi Goïta et le Burkina Faso du capitaine Ibrahim Traoré ont exprimé «leur solidarité» avec le «peuple du Niger», dénonçant «la persistance [des] organisations régionales à prendre des sanctions, mettant en péril l’esprit de panafricanisme». Ouagadougou et Bamako préviennent que «toute intervention militaire contre le Niger entraînerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, CEDEAO], ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger».
Ils «mettent en garde contre les conséquences désastreuses d’une intervention militaire au Niger qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la région». Ils ajoutent qu’ils «refusent d’appliquer» les «sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériens» décidées à Abuja.
Ils ont été suivis par la Guinée de Mamadi Doumbouya. Dans un communiqué séparé, la Guinée, dont le gouvernent est également issu d’un coup d’État, «exprime son désaccord concernant les sanctions préconisées par la CEDEAO, y compris une intervention militaire» et «a décidé de ne pas appliquer ces sanctions qu’il considère comme illégitimes et inhumaines». Conakry «enjoint à la CEDEAO de reconsidérer sa position».
La France, l’ennemi
Des sanctions et ultimatums ont déjà été décidés par d’autres pays, notamment la France qui a annoncé samedi suspendre son aide au développement au Niger. L’Union africaine a, elle, fixé vendredi un ultimatum de 15 jours aux militaires pour rétablir «l’autorité constitutionnelle».
La France a salué «les décisions prises par les chefs d’État» de la CEDEAO. Le président français, Emmanuel Macron, avait menacé dimanche de répliquer «de manière immédiate et intraitable» à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger, où des milliers de manifestants favorables au putsch militaire ont ciblé son ambassade à Niamey. Les protestataires exigeaient le retrait des troupes françaises et des autres organisations internationales présentes dans le pays.
Pour Jérôme Pigné, cofondateur du réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel (2r3s) et chercheur associé à l’Institut Thomas-More, «ce sentiment antifrançais s’inscrit aussi dans un contexte de populisme».
La France a, dans ce contexte, décidé d’évacuer dès ce mardi 1ᵉʳ août ses ressortissants du Niger, «compte tenu de la situation à Niamey», a annoncé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Le Quai d’Orsay justifie cette décision par les «violences qui ont eu lieu contre l’ambassade et la fermeture de l’espace aérien qui laisse nos compatriotes sans possibilité de quitter le pays par leurs propres moyens». «Cette évacuation débutera dès aujourd’hui», précise-t-il, ajoutant que la France pourrait évacuer également «des ressortissants européens qui souhaiteraient quitter le pays».
Les militaires nigériens qui ont renversé le président élu Mohamed Bazoum ont accusé la France de vouloir «intervenir militairement» pour le rétablir dans ses fonctions, indique un communiqué lu lundi à la télévision nationale. «Dans sa ligne de conduite, allant dans le sens de la recherche des voies et moyens pour intervenir militairement au Niger, la France, avec la complicité de certains Nigériens, a tenu une réunion à l’état-major de la Garde nationale du Niger, pour obtenir des autorisations politiques et militaires nécessaires», indique le communiqué.
L’Union européenne (UE) a, elle aussi, prévenu qu’elle tiendrait les putschistes responsables «de toute attaque à l’encontre de civils, et de personnel ou d’installation diplomatiques», selon le chef de sa diplomatie, Josep Borrell. L’UE «appuiera rapidement et résolument» les décisions de la CEDEAO, a ajouté le chef de la diplomatie des Vingt-Sept. Bruxelles avait déjà annoncé samedi suspendre «toutes ses actions de coopération» avec Niamey.
Washington a, pour sa part, fait part de son «indéfectible soutien» au président Bazoum, assurant que le coup d’État mettait en péril le «partenariat» entre les États-Unis et le Niger. «Nous nous joignons à la CEDEAO et aux dirigeants de la région pour demander la libération immédiate du président Mohamed Bazoum et de sa famille, et la restauration de toutes les fonctions de l’État au gouvernement légitime et démocratiquement élu», a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken dans un communiqué.