Complices
Les chefs d’État africains devraient aller passer une nuit à Lampedusa, cette petite île italienne qui voit déferler par milliers des migrants africains, du moins ceux qui ne finissent pas dans les eaux de la Méditerranée, pour fuir la misère. Jeudi dernier a battu tous les records avec 7.000 arrivées en une journée. Le plus étonnant est le silence assourdissant des capitales africaines lorsque ces traversées finissent par des morts, au moins 40.000 depuis le début de l’année.
Plus que n’importe quel indice de développement humain, Lampedusa symbolise l’échec des dirigeants qui se sont succédé au pouvoir depuis les indépendances, il y a plus de soixante ans. Au minimum, ils sont complices de réseaux criminels libyens et tunisiens qui organisent ces trafics d’êtres humains.
Si tous ces jeunes adultes, femmes et enfants sont prêts à mourir dans la mer pour aller chercher un horizon ailleurs, c’est bien parce qu’ils n’ont plus aucun espoir chez eux. Contrairement aux idées reçues, ceux qui tentent de traverser la Méditerranée depuis les ports tunisiens et libyens ne relèvent pas de ce que l’OCDE appelle « NEET » : des gens qui ne sont ni aux études, ni en emploi ou en formation. Parmi ces migrants, on trouve de plus en plus de diplômés, d’instituteurs et de petits artisans. Ce phénomène confirme le déclassement et la paupérisation des classes moyennes sur le continent. Pendant ce temps, nos dirigeants devisent dans les sommets internationaux sur le dividende démographique du continent. Quel culot !