Bassirou Diomaye Faye : les dessous d’une tournée au sein de l’Alliance des Etats du Sahel
Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a effectué une tournée dans deux des pays qui composent l’Alliance des États du Sahel (AES), la nouvelle organisation sous-régionale autoproclamée. Ces visites entrent dans le cadre du renforcement des relations séculaires, dans une dynamique des liens historiques de bon voisinage, d’amitié fraternelle, de solidarité et de coopération multiforme. Ces déplacements de Bassirou Diomaye Faye au Mali et au Burkina Faso ont une connotation politique, puisqu’ils interviennent après que ce dernier s’était rendu en Côte d’Ivoire, au Nigéria et au Ghana.
À Bamako comme à Ouagadougou, c’était la même littérature diplomatique dans les communiqués officiels. À son arrivée, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a eu une séance de travail au palais de la République sur des dossiers concernant plusieurs domaines dont l’emploi, la jeunesse, la formation professionnelle, l’administration territoriale.
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Lors d’une conférence de presse conjointe, le nouveau président sénégalais a dit avoir longuement parlé de la Cedeao avec son hôte, le Colonel Assimi Goïta. La position malienne, «quoique rigide, n’est pas totalement inflexible», a-t-il déclaré, ajoutant que «nous ne devons pas nous résigner et dire qu’on ne peut plus rien faire. Il y a des difficultés, il faut parler aux uns et aux autres et les comprendre et, à partir du niveau de compréhension et des écarts de position, voir ce qu’il est possible de bâtir sur le socle qui existe». Avant de conclure sur ces termes : «Je ne désespère pas de voir la Cedeao repartir sur des bases nouvelles, qui nous éviteront de revivre par la suite la crise que nous traversons aujourd’hui.»
Pour l’expert en relations internationales, Oumar Ndiaye, c’est une visite qui se comprend sous l’angle de la mission assignée au nouveau président du Sénégal par les pays poids lourds de la Cedeao. Le Nigeria et le Ghana ont incombé au chef de l’État de faire revenir les pays de l’AES au sein de l’organisation régionale de l’Afrique de l’Ouest. C’est aussi un déplacement assez périlleux et problématique pour un dirigeant qui est venu au pouvoir par les urnes de s’afficher avec un autre qui est à la tête de son pays via les armes.
D’autant plus que les régimes militaires du Mali et du Burkina Faso, sont en train de développer des velléités totalitaristes avec des restrictions des libertés politiques, d’association et d’expression. «Ironie du sort, la visite du Président sénégalais au Burkina Faso s’est déroulée en même temps que l’emprisonnement de Me Guy Hervé Kam, qui faisait partie du pool d’avocats du Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko. C’est dire comment l’étouffement des voix contestataires des juntes militaires ouest africaines peut-être gênant», relève l’expert.
Une convergence idéologique panafricaine
Pour notre interlocuteur, il serait difficile de se prononcer sur l’issue d’une médiation diplomatique. Au vu des positions tranchantes des deux côtés, la tâche s’annonce ardue. Mais les nouveaux dirigeants sénégalais ont plusieurs atouts pour réussir leur mission. Le Sénégal est un pays leader de la Cedeao avec une histoire démocratique et une trajectoire de transmission pacifique du pouvoir. Il est, avec le Cap Vert, le seul pays de la Cedeao à ne jamais avoir connu de coup d’État. En plus, les nouvelles autorités sénégalaises n’ont pas eu de positions tranchées sur la question de l’AES auparavant.
Oumar Ndiaye met en lumière une accointance idéologique panafricaine entre le président sénégalais et les régimes militaires. Les nouveaux dirigeants du Sénégal ont aussi quelques affinités idéologiques avec ceux qui sont à la tête des pays de l’AES comme sur des questions ayant trait à la souveraineté, à la présence des bases militaires étrangères, entre autres. «Sans compter aussi que la nouvelle politique étrangère du Sénégal a pour pierre angulaire, le panafricanisme symbolisé par la dénomination du ministère en charge de ce domaine. C’est donc de par cette ambivalence que le Sénégal est le plus légitime pour tenter d’encourager une réconciliation entre la Cedeao et les pays de l’AES», a-t-il expliqué.
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Il estime que dans le cadre de sa médiation pour le retour des pays de l’AES au sein de la Cedeao, le Sénégal doit en retour exiger d’avoir «un mandat robuste». Un mandat sera entre autres de conditionner la médiation par des réformes nécessaires afin de permettre à la Cedeao de faire face aux défis auxquels l’Afrique de l’Ouest est confrontée.
Néanmoins, l’expert note quelques contradictions dans les prises de décision de l’instance sous-régionale. Comme pour toutes les organisations multilatérales, la Cedeao traverse une crise structurelle et existentielle du fait de son manque d’adaptation et surtout de ne pas avoir les mêmes postures face à toutes les menaces de la démocratie : les prises du pouvoir par les armes (coups d’État) et sa conservation par les urnes (3ᵉ mandat).
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Ce dernier soutient qu’il est nécessaire de réformer l’organisation pour mieux optimiser son fonctionnement. Malgré ses tares, la Cedeao reste la meilleure organisation sous-régionale en Afrique compte tenu de ses performances sur les acquis liés à l’intégration et aussi de son expérience dans le domaine de la paix et de la sécurité.
Pour rappel, grâce à son aura, la diplomatie sénégalaise a toujours joué un rôle d’avant-garde sur les grandes questions africaines, de Senghor à Macky Sall, en passant par Wade et Diouf, et maintenant Bassirou Diomaye Faye.