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Afrique, continent le plus riche au monde ?

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Illustration du dossier sur le continent africain et son développement © Lebrief

Il y a 50 ans, qui aurait parié sur cette Afrique ? Les Africains eux-mêmes l’ont fui à plusieurs reprises, à la recherche d’un Eldorado plus riche, plus « lifestyle », moins problématique. Mais il faut croire que le monde évolue et les rapports entre continents aussi. Autrefois en retrait des grandes dynamiques, l’Afrique se réveille aujourd’hui avec des ambitions claires. Un réveil tardif, ou un réveil freiné par une histoire coloniale ? Et si tout le monde ne voulait pas voir l’Afrique percer…

Ah l’Afrique… Elle est grande, imposante, et pour les Africains, elle représenterait même le centre du monde. Normal ! Riche en diversité culturelle et en ressources précieuses, l’Afrique ne se cache plus derrière son voile et déploie ses ailes pour redéfinir sa place dans le monde. Toutefois, ce renouveau est freiné par les conséquences du passé et des problèmes internes.

Dans cette montée, le Maroc se démarque. Situé à l’intersection de divers mondes, à la fois profondément africain et proche de la Méditerranée, le Royaume est LA porte de toutes les ambitions pragmatiques. Depuis longtemps, il choisit un chemin unique, entre les traditions africaines et une vision élargie. En plus de son importance régionale, le Maroc est l’un des plus importants acteurs dans les affaires internationales, prônant une collaboration Sud-Sud tout en reliant l’Europe, l’Afrique et le Proche-Orient.

L’Afrique, origine de l’humanité et terrain de richesses, a toujours affolé l’imagination des plus grands rationalistes. Par contre, elle a longtemps subi l’impact d’une image fausse, d’une rumeur, vue comme un continent en crise, incapable de se libérer des séquelles de la colonisation. Une perception propre à ceux qui ne connaissent pas le continent. Aujourd’hui, ce point de vue change, donnant place à une Afrique en pleine transformation, portée par une jeunesse dynamique, des villes en plein essor et une politique aspirant à l’unité.

Bien que des problèmes subsistent – pauvreté, insécurité alimentaire, gouvernance fragile – ILS NE SONT PAS TOUT ! Les opportunités sont très présentes : croissance économique, avancées technologiques et une population dynamique. Il ne suffit pas de se pencher sur les quelques rapports martelant la faim dans le monde, illustré d’un petit bonhomme d’un village zoulou. À titre comparatif, c’est comme si l’Afrique s’amusait à pointer du doigt, à tort et à travers, le nombre exponentiel de personnes sans domicile fixe, dormant à même le sol dans les rues parisiennes, mettant volontairement de côté le potentiel touristique de cette ville. En bref, l’Europe aime montrer les chiens errants africains.

La lumière a dû être mise, et la mainmise retirée aux anciens « colons ». Les choses changent, le continent n’est plus une « bonne action » solidaire à un Européen en manque d’altruisme. Les Lions, les Éléphants, les Crocodiles, les Scorpions et on en passe, se sont définitivement réveillés, que ça soit sur un terrain de football ou sur une scène internationale !

Dans ce contexte, le Maroc est l’un des acteurs principaux. Avec une diplomatie efficace et une économie en évolution, il cherche à renforcer ses liens avec le continent, en nouant des partenariats économiques et en investissant dans des projets de grande envergure. Le retour du Maroc à l’Union africaine le 30 janvier 2017 après une longue absence a été un moment historique dans cette stratégie ficelée. À travers des investissements dans l’infrastructure, le secteur bancaire et les énergies renouvelables, le Maroc se positionne comme un partenaire fiable pour ses proches et un exemple pour toute une Afrique en fort développement.
À partir de là, quelle place pour l’Afrique dans le monde et pour le Maroc dans cette Afrique si dynamique ?

Afrique riche, mais mal exploitée par les siens

L’Afrique est une terre riche, un continent aux promesses immenses. Elle regorge de ressources naturelles, de métaux précieux, de produits pétroliers et de terres cultivables qui attisent de nombreuses convoitises depuis la nuit des temps. Avec 30% des réserves minérales mondiales, 60% des terres cultivables inexploitées et d’importantes ressources en eau, l’Afrique devrait être un pilier de l’économie mondiale.

Dr Roudani Cherkaoui détaille dans son étude « Redefining Allies: how Africa’s rise demands a new U.S. strategyque », dans la revue Modern Diplomacy, les ressources naturelles et le potentiel énergétique de l’Afrique qui en font un acteur économique et géopolitique de plus en plus important. Le continent possède des minerais essentiels comme le cobalt, le lithium et le platine, nécessaires pour les industries énergétiques et la haute technologie. Par exemple, la République démocratique du Congo détient environ 70% des réserves mondiales de cobalt, essentiel pour les batteries. Le Zimbabwe a d’importantes réserves de lithium, tandis que l’Afrique du Sud est un leader dans la production de platine et de palladium, essentiels pour réduire les émissions.

De plus, l’Afrique possède de vastes ressources énergétiques. Les gisements de gaz naturel en Afrique de l’Est, comme au Mozambique et en Tanzanie, ainsi que les réserves pétrolières au Nigeria et en Angola, peuvent répondre aux besoins énergétiques mondiaux. Le potentiel des énergies renouvelables, comme l’énergie solaire du Sahara marocain et l’hydroélectricité des rivières du Nil et du Congo, montre que le continent peut devenir un leader en énergie durable.
Malheureusement, ce potentiel ne se traduit pas encore en richesse pour tous ses habitants. Cette richesse, plutôt qu’une bénédiction, a souvent engendré des conflits et des inégalités.

L’histoire coloniale a laissé des cicatrices profondes : exploitation continue, économie axée sur l’exportation des matières premières, très forts profits… Aujourd’hui encore, les économies africaines dépendent principalement de l’extraction et de la vente de ressources, souvent à des prix fluctuants dictés par des marchés mondiaux instables. Ce modèle, hérité du passé, freine le continent dans son développement, qui pourrait, au lieu de cela, profiter de sa richesse ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela maintient, tout simplement, les nations africaines dans une dépendance envers les grandes économies et les multinationales.

Mais au-delà des ressources naturelles, l’Afrique possède un vrai trésor humain. Sa population, riche en diversité culturelle, a un capital immatériel de très grande valeur. La musique, la littérature, les arts et les savoirs traditionnels africains inspirent le monde entier. Pourtant, ce potentiel est également sous-capitalisé. Les industries créatives en Afrique, bien qu’énergiques, souffrent d’un manque de reconnaissance et d’investissements.

L’Afrique, terre d’opportunités

Mais nous ne sommes pas forcément là pour noircir le tableau. L’Afrique a des raisons d’être optimiste. Une prise de conscience grandit parmi ses dirigeants, ses gouvernements et sa jeunesse : la nécessité de valoriser ses ressources localement. Des projets se développent pour transformer les matières premières sur place, améliorer les chaînes de valeur et créer des industries locales. Des pays comme le Rwanda, le Ghana ou l’Afrique du Sud servent d’exemples en diversifiant leurs économies et en investissant dans des secteurs d’avenir comme les technologies vertes ou l’agro-industrie.

Ainsi, l’Afrique se réveille, prête à changer son avenir. Mais elle doit tout de même faire face à de nombreux défis : « Le premier est le taux d’analphabétisme : un adulte sur trois ne sait pas lire. 182 millions d’adultes ne savent ni lire ni écrire. 48% des jeunes sont analphabètes et 22% des enfants en âge d’aller à l’école primaire ne sont pas scolarisés. Le second obstacle est l’instabilité politique dans certains pays d’Afrique, du fait des coups d’état militaires. Le troisième handicap est le manque d’infrastructures. À titre d’exemple, 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité, soit environ 53% de la population. Un autre obstacle est la non valorisation des matières premières sur place, puisqu’elles sont exportées à l’état brut. Pour surmonter ces obstacles, il faut donner la priorité à l’éducation, multiplier les infrastructures, industrialiser le pays, moderniser l’agriculture, et créer des institutions politiques solides pour éviter les coups d’État militaires », explique Jawad Kerdoudi président de l’IMRI (Institut marocain des relations internationales) à LeBrief.

Le chemin est difficile, mais les opportunités sont vastes. L’Afrique dispose de beaucoup de ressources naturelles et du dividende démographique, puisque c’est un marché de 1,3 milliard de personnes, dont 30% sont âgés de moins de 15 ans. Beaucoup de pays échangent et investissent en Afrique, dont la Chine, la France, les Etats-Unis, les Emirats Arabes Unis ou encore le Royaume Uni.

Pourquoi rétrécir l’Afrique sur les cartes?

Chéri Samba : La vraie carte du monde (2011). DR : Musée du quai Branly.

L’Afrique, un immense continent, devient enfin visible grâce à une nouvelle façon de voir les cartes. Au Festival de Géopolitique de Grenoble en 2016, il a été remarqué que les anciennes cartes, comme celle de Mercator, ont faussé notre perception du monde. Cette méthode, créée au XVIᵉ siècle pour la navigation européenne, réduit la taille de l’Afrique par rapport à d’autres régions ! En revanche, la projection de Peters montre correctement les dimensions réelles, montrant ainsi l’énorme étendue de l’Afrique, qui est le deuxième plus grand continent du globe. Pour faire simple, l’Afrique, c’est plus de 30 millions de km². La Chine a une superficie d’environ 9,6 millions de km², l’Europe environ 10,18 millions de km², le Brésil environ 8,51 millions de km², la Russie 17 millions de km²… En gros l’Afrique pourrait être l’addition de la Chine, l’Europe et le Brésil ! Et pourtant, nombreuses sont les cartes qui dessinent encore l’Afrique en miniature juste à côté de l’Europe.

L’artiste congolais Chéri Samba, avec son œuvre La vraie carte du monde (2011), change cette approche : il inverse la carte du monde, mettant en avant visuellement les continents du Sud. Le message est simple : la manière dont on représente le monde n’est jamais objective. Placer le Nord en haut a souvent renforcé une hiérarchie implicite qui soutient des idées de supériorité.

Quels défis pour quelles problématiques au XXIᵉ siècle ?

Il y a des défis énormes, mais aussi des opportunités. Avec une population qui pourrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici à 2050, l’Afrique est un influenceur dans les tendances démographiques mondiales. Toutefois, cette jeunesse, pleine d’enthousiasme, fait face à quelques problèmes : chômage élevé, inégalités sociales et accès restreint à une éducation de qualité.

L’urbanisation rapide est l’un des plus grands défis. Chaque année, des millions d’Africains migrent vers les villes à la recherche de meilleures conditions de vie. Ce mouvement transforme le continent, et entraîne des problèmes : infrastructures insuffisantes, crise du logement, gestion des déchets et pression sur les ressources naturelles. Par contre, cette urbanisation crée aussi d’importantes opportunités. Les villes africaines deviennent des centres d’innovation, de créativité et de développement économique.

Sur le plan économique, l’Afrique connaît une croissance soutenue depuis une vingtaine d’années. De nombreux pays, comme le Kenya ou le Sénégal, diversifient leurs économies grâce à des investissements dans des secteurs tels que les technologies de l’information, les énergies renouvelables ou l’agro-industrie. Mais cette croissance reste fragile puisqu’elle dépend souvent des exportations de matières premières et d’une faible intégration dans les chaînes de valeur mondiales.

Un autre problème demeure en matière de changement climatique. Bien que l’Afrique soit le continent le moins responsable des émissions de gaz à effet de serre, elle est aussi l’un des plus touchés par ses conséquences. Les sécheresses, les inondations et les crises alimentaires se multiplient, menaçant la vie de millions de personnes. Face à ces problématiques, l’Afrique tente de développer son innovation. Des initiatives locales comme l’énergie solaire au Maroc ou l’agriculture durable au Rwanda prouvent que le continent peut s’adapter quelle que soit la situation.

L’Afrique dans les relations internationales

Depuis trop longtemps, l’Afrique a été le terrain de jeux géopolitiques décidés par d’autres. Toutefois, au fil des années, elle s’est progressivement affirmée comme un personnage fort à part entière, revendiquant sa place dans les discussions internationales. Aujourd’hui, le continent est recherché par les grandes puissances, pour ses ressources ET pour son rôle dans le monde.

L’Union africaine (UA), officiellement fondée en 2002, démontre cette montée en importance. S’inspirant des idéaux panafricanistes, elle vise à rassembler les nations africaines et à s’exprimer d’une seule voix sur la scène mondiale. Aujourd’hui l’UA compte 54 pays membres.

Au-delà des institutions du continent, l’Afrique est devenue un terrain d’influence pour de grandes puissances. La Chine, par exemple, a établi des liens profonds avec le continent. « Pour saisir la compétition intense entre les grandes puissances en Afrique, il faut examiner leurs stratégies. L’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and road initiative – BRI) a fortement accru sa présence en Afrique avec des projets d’infrastructure, comme le chemin de fer Mombasa-Nairobi au Kenya et celui entre Djibouti et l’Éthiopie. Ces corridors visent à faciliter l’accès aux ressources précieuses du continent, telles que les minéraux et l’énergie. Toutefois, ces investissements posent des problèmes liés à l’endettement grandissant et à la dépendance des pays africains face à la Chine », explique Dr Cherkaoui Roudani. Les investissements chinois en infrastructures africaines sont énormes, mais soulèvent évidemment quelques critiques, surtout sur les problématiques de souveraineté et d’endettement. L’Europe souhaite aussi renforcer ses relations avec l’Afrique, consciente de l’importance stratégique de cette proximité, mais n’y arrive pas toujours. Les États-Unis rivalisent avec des initiatives pour réduire l’influence croissante de la Chine et maintenir leur présence économique et militaire.

Lire aussi : France-Afrique : fin d’une coopération sans merci

En même temps, la Russie élargit ses alliances au-delà des industries traditionnelles, comme la vente d’armes et l’énergie, pour se concentrer sur des partenariats technologiques. L’universitaire nous explique que la coopération entre la Russie et l’Union africaine en matière de technologie satellitaire pour surveiller les ressources et gérer les catastrophes est un exemple. En offrant des options technologiquement alternatives aux partenariats occidentaux, la Russie soutient les aspirations africaines pour un progrès technologique et une plus grande autonomie, augmentant son influence dans le développement africain.
Avec cette nouvelle attention envers l’Afrique, le continent a l’opportunité de négocier avec force. Avec ses 54 pays, il est une force importante au sein d’institutions internationales comme l’ONU, demandant une réforme du Conseil de sécurité pour inclure une représentation permanente africaine.

Ce n’est pas seulement une question d’éthique et de justice. C’est aussi un impératif stratégique susceptible d’accroître l’acceptation globale des décisions du Conseil, dans l’intérêt de l’Afrique et du monde, a déclaré M. António Guterres à l’entame d’une réunion de haut niveau, conduite par le Président de la Sierra Leone, pour débattre des moyens de « remédier à l’injustice historique et renforcer la représentation effective de l’Afrique » au sein de l’organe.
En 1945, la plupart des pays d’Afrique actuels étaient encore sous domination coloniale et n’avaient pas voix au chapitre dans les affaires internationales. Il n’y a pas de membre permanent représentant l’Afrique au Conseil de sécurité, et le nombre de membres élus issus du continent n’est pas proportionnel à l’importance de ce dernier qui compte 54 des 193 États Membres de l’Organisation, accueille la majorité des opérations de maintien de la paix et compte 4 des 10 premiers pays fournisseurs de contingents aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Il est tout simplement « inacceptable » que l’Afrique soit sous-représentée au Conseil de sécurité, parce que « cela porte atteinte aux principes d’équité, d’inclusion et d’égalité souveraine des États », a renchérit le Président de l’Assemblée générale. Notant que celle-ci est activement engagée sur cette question importante, Dennis Francis a précisé qu’au cours du processus de négociations intergouvernementales, les discussions sur les cinq groupes et modèles ont soutenu le renforcement de la représentation de l’Afrique au sein du Conseil. Pour Sithembile Mbete, de l’Université de Pretoria, il s’agit avant tout de corriger une sous-représentation autant qu’une fausse représentation de l’Afrique. Cette fausse représentation qui perpétue les récits faits du continent africain comme étant en retard, demandeur d’aide plutôt qu’agent de progrès, a-t-elle déploré.

Source : Le Conseil de sécurité débat du renforcement de la représentation de l’Afrique en son sein, afin de « remédier à l’injustice historique » et «une omission flagrante ». Nations Unies, le 12 août 2024.

Maroc en tête de peloton

Le Maroc a une position géographique spéciale, servant de pont entre les continents. D’un côté, l’Atlantique le relie aux Amériques. De l’autre, la Méditerranée, où l’Europe et l’Afrique se rencontrent depuis longtemps. Au sud, le Sahara s’ouvre sur l’immensité africaine et à l’est, le Royaume se tourne vers le monde arabe. Cette situation donne au Maroc une centralité stratégique rare.

Historiquement, cette position a toujours fait du Maroc un carrefour des cultures. Phéniciens, Romains, Arabes, Berbères et Européens y ont laissé des traces, formant une identité incroyable ! Ce qui avait été, par le passé, un avantage culturel est devenu un outil géopolitique et économique. Le Maroc est maintenant un point névralgique pour les échanges entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient, servant de passage naturel pour le commerce et les idées. Ce rôle est visible à travers des projets comme le port de Tanger Med, l’un des plus grands ports d’Afrique et de la Méditerranée. Cette grande infrastructure est un point de transit du commerce international. Il y a aussi le développement de réseaux ferroviaires modernes, comme la ligne à grande vitesse reliant Tanger à Casablanca.

La position géographique du Maroc ne repose pas uniquement sur son aspect économique. Dans le domaine politique, le pays joue un rôle important dans les relations Nord-Sud. Sa proximité avec l’Europe le rend stratégique pour des sujets comme la gestion des migrations, la sécurité ou la lutte contre le terrorisme. Au sud, le Maroc augmente sa présence en Afrique subsaharienne, prenant le rôle de leader d’une coopération intra-africaine fondée sur la solidarité et le développement. « Depuis l’intronisation du Roi Mohammed VI, le Maroc a véritablement conçu et concrétisé une politique africaine très efficiente. Cette politique est très diversifiée allant de l’assistance technique, à la scolarisation de milliers d’étudiants africains au Maroc, à des investissements à la fois sur l’industrie et les services comme les banques et les assurances. Cette politique est gagnant-gagnant et n’a pas pour but d’exploiter les richesses du pays. Cette politique s’inscrit dans une stratégie plus vaste, qui est la coopération Sud-Sud. Le Maroc est aussi positionné comme le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest, et le second pour toute l’Afrique », nous explique Jawad Kerkoudi.

Avec une vision royale ambitieuse, le pays a réussi à allier développement interne et rayonnement externe, devenant central dans les dynamiques africaines. Cette approche repose sur deux axes principaux : l’augmentation des investissements en Afrique et une diplomatie active.

Économiquement, le Maroc choisit d’investir beaucoup en Afrique subsaharienne. Ses banques, comme Attijariwafa Bank et Bank Of Africa, sont présentes dans une trentaine de pays africains, facilitant l’accès au financement pour des millions d’entrepreneurs. De plus, des entreprises marocaines dans les télécommunications, les infrastructures ou les engrais, comme Maroc Telecom et l’OCP, contribuent au développement économique de nombreux pays africains.
Ces investissements ne sont pas unilatéraux, ils reflètent une stratégie de coopération bénéfique. Le Maroc adopte une approche de partenariat équitable, où les ressources et les compétences sont partagées. Cela se voit dans des projets comme le gazoduc Nigeria-Maroc, qui vise à connecter l’Afrique de l’Ouest au Maghreb et à l’Europe.

D’un point de vue diplomatique, le Maroc a su se repositionner efficacement. Son retour à l’Union africaine en 2017, après plus de trente ans d’absence, est un geste symbolique qui montre la volonté du Royaume de prendre part à la construction de l’avenir africain. Depuis, le Maroc sait positionner ses investissements dans des initiatives comme la lutte contre le changement climatique, où il se démarque grâce à des projets tels que Noor, l’une des plus grandes centrales solaires au monde.

La diplomatie marocaine se base aussi sur un soft power culturel et religieux. En tant que nation musulmane aux valeurs d’Islam modéré, le Maroc joue le rôle de médiateur dans des conflits régionaux et participe à la formation d’imams africains, notamment à Fès.

Le soft power

Le Maroc met à son service son histoire, sa culture et ses traditions pour renforcer son influence. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’au-delà des frontières, cette richesse immatérielle est un outil de soft power. Comparativement au reste de l’Afrique, où de nombreux pays sont encore trop dans la confrontation, le Maroc adopte une approche différente, axée sur la coopération, l’échange et la culture.

Lire aussi : La Zakat peut-elle éradiquer la pauvreté ?

Le soft power marocain se manifeste d’abord par sa culture. La musique gnawa, le cinéma, la mode et la cuisine marocaine sont devenus des symboles du Royaume, faisant briller son identité au-delà des frontières africaines. Des festivals internationaux comme le Festival de Fès des musiques. Le Festival de Marrakech et d’autres événements augmentent la visibilité du Maroc, plaçant le pays comme un lieu de dialogue entre cultures. Le Maroc mise sur son rôle spirituel pour améliorer son influence douce. En tant que terre d’Islam modéré, il propose un modèle alternatif aux discours extrémistes qui affectent certaines zones d’Afrique. Par la formation d’imams et la promotion de la tolérance religieuse, il se positionne comme un professeur important contre la radicalisation. « La priorité doit être de constituer des États solides sur le plan politique, et lutter efficacement contre le fléau du terrorisme qui est toujours présent dans certains pays. Il faut aussi lutter contre la corruption, en étant intransigeant aussi bien pour les corrupteurs que les corrompus. Sur le plan économique, il faut privilégier le secteur privé qui gère mieux les entreprises que les États, et développer le partenariat public-privé surtout pour les infrastructures. Un soin tout particulier doit être apporté à l’agriculture pour se rapprocher le plus possible de l’autosuffisance. À titre d’exemple, on peut citer les difficultés de certains pays africains à s’approvisionner en céréales lors du déclenchement de la guerre en Ukraine. Il faut enfin bien former les jeunes dans les nouvelles technologies (intelligence artificielle) qui vont dominer le 21ème siècle et promouvoir l’entreprenariat pour faire baisser le chômage des jeunes », nous explique Kerkoudi.

Par ailleurs, des initiatives comme la centrale Noor ou la stratégie nationale sur les énergies renouvelables, projettent une image de modernité et de responsabilité. Et puis il y a le sujet de l’éducation supérieure. Depuis quelques années, des milliers d’étudiants africains viennent étudier dans les universités marocaines. Il s’agit là de liens durables avec les futures élites du continent.

Le Maroc, guidé par une vision royale claire, ne se limite pas à renforcer sa position en Afrique : il veut faire partie du développement du continent. Une des principales ambitions du Maroc est de participer à l’intégration économique de l’Afrique. En tant que membre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), le pays veut faciliter les échanges commerciaux, réduire les barrières tarifaires et créer des synergies entre les économies africaines. Le but est de transformer l’Afrique en un marché commun capable de rivaliser avec les grandes puissances économiques. Dans ce contexte, les infrastructures marocaines, comme les ports et les aéroports, sont importants pour cet échange sur le continent. « L’intégration africaine est primordiale, car les colonisateurs ont laissé 54 pays sur le continent, ce qui entraîne, à part quelques exceptions, de petits États qui n’ont pas les moyens de se développer solitairement. Aussi, la zone de libre-échange du continent africain (ZLECAF) est très importante pour augmenter les échanges et les investissements inter-africains. Cette zone peut aussi attirer des investissements directs étrangers (IDE), avec la possibilité de produire et d’exporter vers d’autres pays africains sans payer des droits de douane. Il faut cependant accélérer la mise en œuvre de la ZLECAF, car certains pays n’ont pas encore fourni la liste des produits à protéger, et le certificat d’origine, pierre angulaire de toute zone de libre-échange, n’est pas définitivement normalisé. Le Maroc grâce à la ZLECAF peut augmenter ses exportations et ses investissements sur le continent africain dans des secteurs où il est très compétitif comme l’automobile, l’aéronautique, et les produits alimentaires » déclare le président de l’IMRI.

Les dessous de la carte

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