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Affaire Amira Bouraoui : les relations franco-algériennes à l’épreuve

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La militante franco-algérienne Amira Bouraoui, à sa sortie de la prison de Kolea, près de Tipasa, en Algérie, le 2 juillet 2020 © DR

Nouvelle crise entre Paris et Alger. L’embarquement de la militante et journaliste Amira Bouraoui pour la France à partir de la Tunisie en est la principale cause. Une affaire qui risque de raviver les tensions bilatérales après une phase récente de rapprochement. Détails.

La tension monte d’un cran entre l’Algérie et la France suite à l’arrivée de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, lundi dernier, à Lyon. Celle-ci a échappé à une extradition vers Alger depuis la Tunisie, profitant de l’intervention de la France.

Une intervention qui n’a pas plu aux autorités algériennes. En réaction, le pays voisin a fermement protesté, via une note officielle, contre cette exfiltration qu’il juge « clandestine et illégale ». L’ambassadeur de l’Algérie en France, Saïd Moussi, a été également rappelé par le président Abdelmadjid Tebboune pour « consultations ».

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Qui es-tu Amira Bouraoui ?

C’est l’une des figures de l’opposition au régime algérien depuis l’ère du président Abdelaziz Bouteflika. Amira Bouraoui s’était fait connaître en 2014, en fondant le mouvement révolutionnaire Barakat (« ça suffit ! en arabe »), dont l’objectif était de faire tomber le président Bouteflika et le régime en place.

Avec les réseaux sociaux, elle est rapidement rejointe par des milliers d’Algériens qui exprimaient, eux aussi, leur sentiment de dégoût et de désarroi. En mars 2014, un premier sit-in a été organisé dans les rues de la capitale avec la participation d’une centaine de personnes, dont des militants pour les droits de l’Homme, des étudiants et des journalistes. Un rassemblement qui a été fortement réprimé par la police et a abouti à de nombreuses arrestations.

Son parcours de militante a continué en 2018, lorsqu’elle a participé à la naissance d’un nouveau mouvement dénommé Moutawana « citoyenneté-démocratie », appelant, cette fois-ci, le président Bouteflika à renoncer à son cinquième mandat.

Le mouvement a montré sa détermination et sa puissance dans sa lutte contre le régime politique et il a fini par obtenir sa grande victoire après plusieurs semaines de marches pacifiques dans tout le pays. Il a ainsi contraint le président Bouteflika à déposer sa démission au conseil constitutionnel le 2 avril 2019. C’était la fin de 20 ans de règne.

Emprisonnée en Algérie pour plusieurs chefs d’inculpation en 2020 avant d’être libérée, Amira Bouraoui a de nouveau été condamnée, l’année suivante, à deux ans de prison dans deux affaires. Il s’agit d' »offense à l’islam » et à d' »atteinte à la personne du président de la République ». Elle avait été incarcérée pendant deux mois seulement, avant d’être remise en liberté provisoire, dans le cadre des mesures «de clémence décidées par le président, Abdelmadjid Tebboune».

Avant de faire son entrée sur la scène politique, Amira Bouraoui était au départ médecin gynécologue, mais elle a été ensuite interdite d’exercer sa profession. Elle s’est alors reconvertie dans le journalisme et tenait une chronique sur Radio M, une web radio privé très critique envers le pouvoir algérien.

Âgée aujourd’hui de 46 ans, cette maman de deux enfants n’a jamais eu sa langue dans sa poche et elle n’hésite pas à qualifier les dirigeants à la tête de l’Algérie d' »incompétents et de corrompus ».

Lire aussi : En Algérie, un journaliste incarcéré pour un article sur le renvoi de dattes exportées

 

Comment a-t-elle échappé à l’extradition vers l’Algérie ?

Interdite de sortie du territoire par les autorités algériennes, Amira Bouraoui est entrée en Tunisie en franchissant la frontière illégalement, munie de son passeport français. Arrivée le 3 février dernier, elle avait immédiatement été interpellée, alors qu’elle cherchait à embarquer sur un vol pour l’Hexagone.

Elle a été ensuite placée en détention provisoire jusqu’à sa comparution, le lundi 6 février, devant un juge qui l’avait remise en liberté. Son sort s’était trouvé en suspens pendant quelques heures, surtout que la Tunisie envisageait de l’expulser vers l’Algérie voisine, où elle aurait risqué une incarcération dès sa descente d’avion.

Mais grâce à sa nationalité française, elle a pu bénéficier de l’intervention de la diplomatie française auprès des autorités tunisiennes. Elle a été mise en sécurité à l’ambassade de France à Tunis, dans l’attente d’une autorisation du président Kaïs Saïed pour qu’il puisse la laisser rejoindre la France au lieu de l’extradition vers son autre pays.

Dans la soirée de lundi, Amira Bouraoui a quitté Tunis à bord d’un vol de la compagnie Transavia en direction de Lyon. Et c’est cette exfiltration qui a provoqué la colère d’Alger.

 

Qu’en est-il de la visite de Tebboune à Paris ?

Si Paris et Alger avaient scellé un rapprochement lors du déplacement d’Emmanuel Macron à Alger en août 2022, cette affaire marque un retour de tensions entre les deux pays.

Aux yeux d’Alger, le rôle joué par la France dans l’exfiltration de la militante est « inadmissible » et jette un sérieux coup de froid sur les relations bilatérales, à quelques semaines de la visite de Abdelmadjid Tebboune à Paris.

Le journal gouvernemental El Moudjahid a d’ailleurs dénoncé, dans un éditorial, un acte «très inamical» envers l’Algérie et la Tunisie. La visite du président algérien en France, prévue pour mai prochain, semble donc fortement menacée.

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