Maroc-Algérie : l’interminable querelle
La rivalité entre le Maroc et l’Algérie, qui dure depuis des décennies, s’est intensifiée ces derniers mois après que le Royaume ait glané quelques bons points diplomatiques. Le plus récent a été la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara. Cette décision a pris de court les responsables algériens et a exacerbé leur frustration quant aux avancées réalisées par la diplomatie marocaine au cours de ces dernières années. Pour l’instant, la réconciliation entre les deux pays semble peu probable. Alors que le Maroc consolide sa stratégie diplomatique visant à pousser l’Algérie à assumer ses responsabilités quant à la détérioration de la situation dans la région, le gouvernement algérien connaît quant à lui une grave instabilité interne. Cette instabilité est principalement attisée par l’incapacité de l’État à faire face à la pandémie de la Covid-19 et à calmer les ardeurs du mouvement Hirak ainsi qu’à une grave crise économique aggravé par la chute des prix du pétrole.
Les autorités algériennes face à d’énormes défis internes
Le directeur du groupe de recherche en géopolitique et géoéconomie de l’ESCA et membre du bureau politique du mouvement Maan, Nabil Adel, avait auparavant expliqué à la rédaction de Lebrief.ma que c’est justement en raison de ces défis internes que l’Algérie essaie d’orienter la colère de sa population vers le Maroc, en faisant de lui un ennemi de l’État. Cependant, les réalisations diplomatiques du Royaume et la pression qu’il exerce sur plusieurs pays étrangers pour les inciter à prendre position dans le dossier du Sahara, et ainsi accélérer sa résolution, bouleversent les calculs d’Alger. En effet, selon le politologue, plus ce conflit perdure, plus il sert les intérêts de l’Algérie et de son allié de longue date, le Front Polisario.
La main tendue à l’Algérie
Face à cette escalade de tensions, qui est suivie de très près par la communauté internationale, le Maroc a de nouveau eu recours à une approche diplomatique. Lors de son dernier discours, prononcé à l’occasion de la fête du Trône, le roi Mohammed VI a invité l’Algérie à une reprise du dialogue. Il a expliqué que le Royaume est prêt à travailler de concert avec l’Algérie «sans conditions» pour le développement des liens bilatéraux, basés sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage. Le Souverain a souligné que cette réconciliation et cette collaboration serviront à surmonter les crises qui sévissent dans la région du Maghreb et du Sahel, notamment les menaces sécuritaires et terroristes.
De plus, il a appelé à la réouverture des frontières entre les deux pays, fermées depuis 1994. Selon lui, aucun des nouveaux dirigeants de l’Algérie ou du Maroc actuels n’est responsable de cette fermeture, mais ils sont «politiquement et moralement responsables de son maintien». Il a ainsi affirmé qu’il n’y a aucune raison «logique» pour expliquer la poursuite cette fermeture.
Outre le discours de la fête du Trône, le Souverain a de nouveau tendu la main à l’Algérie cette semaine, alors qu’elle est confronté à d’importants feux de forêt. Il a ordonné le mercredi 11 août aux ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères de mettre à la disposition du pays voisin deux avions-Canadairs pour l’aider à maîtriser les incendies meurtriers, qui ont fait au moins 75 morts. Puis, ce jeudi 12 août, le roi Mohammed VI a envoyé un message de condoléances et de compassion à Tebboune. Dans cette correspondance, «il affirme avoir appris avec une vive émotion et une profonde affliction la nouvelle des violents incendies qui ont ravagé des forêts dans certaines wilayas au Nord de l’Algérie sœur faisant plusieurs victimes». Et d’ajouter qu’il «exprime au président algérien et, à travers lui, aux familles éplorées et au peuple algérien, ses vives condoléances et ses sincères sentiments de compassion», en son nom propre et en celui du peuple marocain. Notons que le message de condoléances du Roi fait suite au mutisme de l’Algérie quant à sa proposition de prêter main-forte pour contrôler la propagation des flammes.
À travers ces démarches diplomatiques, le Maroc vient une nouvelle fois souligner sa détermination à reprendre le contact avec le pays voisin, mais aussi, comme l’a précédemment expliqué Nabil Adel, à montrer à la communauté internationale que c’est bien la réticence de l’Algérie qui aggrave la situation dans la région du Maghreb.
L’Algérie ne veut rien entendre
Le régime algérien nourrit une animosité injustifiée à l’égard du Maroc. Certains médias marocains parlent d’une marocophobie que le président actuel affiche aux yeux du monde. En effet, si les deux pays ont fait des choix différents dès leur indépendance, le Maroc s’alliant à l’Occident et l’Algérie se positionnant avec le bloc de l’Est, jamais les deux voisins n’ont cessé d’entretenir les usages diplomatiques même au summum des crises. Si le Souverain continue d’envoyer des messages au chef de l’État algérien à l’occasion des fêtes nationales de son pays et de certains événements festifs ou tragiques, le président Tebboune, lui, a piétiné les règles d’usage. Lors de la fête du Trône, le président algérien n’a pas envoyé le message de félicitations habituel au Roi. Dans un discours à la nation jeudi, Abdelmajid Tebboune a fait le point sur l’aide internationale apportée à l’Algérie dans sa lutte contre les incendies mais pas un mot sur l’aide proposée par le voisin marocain. Des internautes algériens se sont d’ailleurs insurgés contre le fait que l’Algérie accepte l’aide de la France et pas celle du Maroc frère.
Au-delà du soutien doctrinal de l’Algérie au Polisario, les autorités algériennes sont très méfiantes à l’égard du Maroc qu’elles accusent fréquemment dans différents dossiers. Pourtant, les deux pays pourraient gagner énormément en dialoguant et en laissant la question du Sahara de côté pour aller de l’avant et unir deux peuples frères dont l’avenir est lié.