Accueil / Société

AEFE, cette machine à sous qui inquiète les parents

Temps de lecture

Rien ne va plus dans les écoles françaises au Maroc. Alors qu’il y a une trentaine d’années, c’était « The place to be », pour avoir une bonne scolarité, depuis quelque temps, tout va à vau-l’eau. Augmentation des frais de scolarité, surpopulation dans les classes, constructions de plus en plus nombreuses… les écoles françaises au Maroc sont devenues de véritables usines… à cash, au détriment des enfants et du portefeuille de leurs parents.

Prenons place dans une école primaire française au hasard, à Rabat. Sans la nommer, elle pourrait être décrite comme l’une des plus grandes de la ville. Il y a une trentaine d’années, celle-ci était agréable à regarder. Une porte pour les plus petits, une seconde pour les classes de CP et une troisième pour les plus grands.

Un bac à sable, des jeux en mousse, des balançoires… Des classes faisant face à ce merveilleux décor. Dès leur première visite, les parents étaient séduits et voulaient absolument inscrire leurs enfants dans un contexte qu’on ne trouvait nulle part ailleurs.

Cette même école, 30 ans plus tard : des constructions de partout, des classes les unes sur les autres, moins d’espaces verts… il faut dire que l’établissement doit faire de la place pour une demande toujours en forte croissance.

Idem pour le grand Lycée Descartes, autrefois bijou architectural, devenu au fil du temps, un modèle pour les habitations à loyers modérés françaises. Une vraie cité. Si c’est moins agréable, ça n’en est pas moins cher. Au contraire. Chaque année, les frais de première inscription augmentent. Pareillement pour les frais de scolarité, mettant à mal le portefeuille familial.

Des constructions sur le dos des parents ?

Fait d’actualité, l’UCPE/ FCPE (Union des conseils de parents d’élèves, affiliée à la FCPE), a lancé une pétition afin de contrer les augmentations abusives des frais de scolarité pour l’année scolaire 2024-2025. L’association, qui représente la voix des parents d’élèves, fait face à un silence persistant de la part de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

« Les familles s’opposent à ces décisions qui leur imposent de supporter seules, des charges financières devenues insoutenables, sans contrepartie d’amélioration tangible dans la remise à niveau des infrastructures et la qualité de l’enseignement », détaille l’UCPE/ FCPE.

Selon l’association, les frais de scolarité en constante augmentation, sont notamment dus à des investissements immobiliers… La fameuse cité dont nous parlions plus haut. « Nous constatons le manque de visibilité sur les projets immobiliers du pôle. Les travaux promis tardent à se concrétiser, et de nombreux parents vont quitter le système sans voir leur réalisation. Les parents refusent d’assumer à eux seuls la responsabilité des investissements immobiliers. Il est impératif que l’AEFE prenne des mesures concrètes pour mettre fin à cette spirale d’augmentations incontrôlées ».

Lire aussi : Enquête – ENCG Casablanca : à qui profite le vide ?

Une machine à cash, au détriment de l’éducation

Malgré une augmentation des espaces dédiés à l’enseignement, la suppression des postes déstabilise les classes. « Nous sommes une maîtresse et une aide-maternelle en moyenne section. Cette année, nous avons eu plus de 30 élèves. C’est impossible à gérer, et cela ne nous permet pas de mener à bien le programme imposé par le ministère », nous déclare une maîtresse de l’AEFE.

La surpopulation dans les classes ne permet pas aux professeurs d’encadrer correctement et de suivre le développement de chaque élève. Cela inquiète d’autant plus les parents d’élèves à besoins spécifiques. La maman d’un enfant autiste âgé de dix ans nous raconte que l’école française était, pour son fils, la seule option, à une époque. « Mais aujourd’hui, l’école me convoque trop souvent pour me demander d’ajouter à l’AVS (ndlr : Auxiliaire de vie scolaire), une aide supplémentaire. Je la paye déjà 8.000 dirhams par mois, en plus des frais de scolarité pour mon fils, je ne m’en sors plus ! », explique la maman exaspérée à Le Brief.

Des revendications justes

Mercredi 24 avril, un sit-in a été organisé, par l’UCPE/ FCPE, devant le Lycée Lyautey, afin de mettre en avant les revendications des parents d’élèves.

Organisation d'un sit-in contre l'augmentation des frais de scolarité à l'AEFE.

Organisation d’un sit-in contre l’augmentation des frais de scolarité à l’AEFE.

 

Parmi les revendications, l’association cite sur sa pétition :

  1. Les familles ne peuvent pas compenser indéfiniment le manque de dotations de l’État en payant des frais de scolarité de plus en plus élevés chaque année.
  2. L’État français doit prendre sa juste part dans les investissements immobiliers sur les infrastructures qui lui appartiennent ou qui lui sont données en concession.
  3. Aujourd’hui, il est inquiétant de voir que la stratégie suivie par la tutelle repose quasi exclusivement sur le développement des établissements partenaires. L’inquiétude des familles atteint son maximum face à cette marchandisation de l’éducation et du réseau qui risque de s’intensifier dans les années à venir.
  4. La qualité de l’enseignement devrait être à la hauteur des frais de scolarité exorbitants que nous payons, et nous attendons des mesures concrètes et immédiates de la part de l’agence et des instances compétentes.
  5. Les frais de scolarité ne doivent pas être la seule variable d’ajustement du modèle économique de la tutelle.

De plus, les heures de cours annulés, ne sont pas forcément rattrapées. Et cette situation est de plus en plus pesante pour les parents. Si à une époque au Maroc, il n’y avait que deux options : système marocain ou système français, aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. L’arrivée de nouveaux systèmes, la mise en valeur d’anciennes écoles, reconnues pour leur droiture… mènent les parents vers de nouvelles options de scolarité.

Dernier articles
Les articles les plus lu

Les ministres arabes de l’Habitat unis pour un développement urbain durable à Alger

Afrique, Diplomatie, Société - Hicham Airoud, directeur de l’Habitat et de la Promotion immobilière, a dirigé la délégation marocaine à la 41e session du Conseil des ministres arabes de l'Habitat et de l'Urbanisme à Alger.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Le CSPJ rappelle ces magistrats à l’ordre

Société - Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) démontre une volonté affirmée d’instaurer une gouvernance plus intègre.

Mbaye Gueye - 17 décembre 2024

Travaux imprévus à Maarif, circulation paralysée, la goutte de trop

Société - Les Casablancais qui empruntent le quartier Maarif sont confrontés à un véritable casse-tête. Des travaux… Encore !

Rédaction LeBrief - 16 décembre 2024

Peines alternatives : vers une justice plus humaine

Société - La justice marocaine franchit un cap avec l’entrée en vigueur de la loi sur les peines alternatives, un texte ambitieux visant à moderniser le système judiciaire.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Arts et métiers : une ambition maroco-française au service de l’innovation industrielle

Société - Le 5ᵉ CA de l’école Arts et Métiers, campus de Rabat, s’est tenu le 16 décembre 2024 sous la présidence de Ryad Mezzour.

Rédaction LeBrief - 16 décembre 2024

Enseignement : des réformes urgentes face à un système en crise

Société - Le dernier rapport de la Cour des comptes dresse un état des lieux préoccupant du secteur de l’enseignement au Maroc.

Ilyasse Rhamir - 16 décembre 2024

Spoliation immobilière : un homme d’affaire écope de six ans de prison ferme

Société - La Chambre criminelle de première instance a condamné Abdallah Boudrika à six ans de prison ferme pour spoliation immobilière.

Mbaye Gueye - 16 décembre 2024

Alerte Météo : vents violents au nord du Maroc

Société - La DGM a émis un bulletin d’alerte de niveau orange concernant des rafales de vent localement fortes prévues lundi dans certaines provinces du nord du Maroc.

Ilyasse Rhamir - 14 décembre 2024
Voir plus

Solitude urbaine : l’invisible poids des villes

Dossier - La solitude urbaine au Maroc n’est pas qu’une anecdote, elle est le reflet d’une fracture sociale, d’une urgence humaine.

Sabrina El Faiz - 16 novembre 2024

Immigration en Italie : les Marocains en 3e position

Société - Avec 342.469 ressortissants en 2023, les Marocains représentent 7,8% de la population étrangère en Italie.

Farah Nadifi - 3 décembre 2024

MRE, qui ne veut pas de vous ?

DOSSIER - C’est l’histoire d’un MRE qui a failli perdre la vie dans une altercation autour d'une terre. Une affaire sordide où advient aussi le « racisme anti-MRE ».

Sabrina El Faiz - 21 décembre 2024

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée Champs requis marqués avec *

Poster commentaire