Prenons place dans une école primaire française au hasard, à Rabat. Sans la nommer, elle pourrait être décrite comme l’une des plus grandes de la ville. Il y a une trentaine d’années, celle-ci était agréable à regarder. Une porte pour les plus petits, une seconde pour les classes de CP et une troisième pour les plus grands.
Un bac à sable, des jeux en mousse, des balançoires… Des classes faisant face à ce merveilleux décor. Dès leur première visite, les parents étaient séduits et voulaient absolument inscrire leurs enfants dans un contexte qu’on ne trouvait nulle part ailleurs.
Cette même école, 30 ans plus tard : des constructions de partout, des classes les unes sur les autres, moins d’espaces verts… il faut dire que l’établissement doit faire de la place pour une demande toujours en forte croissance.
Idem pour le grand Lycée Descartes, autrefois bijou architectural, devenu au fil du temps, un modèle pour les habitations à loyers modérés françaises. Une vraie cité. Si c’est moins agréable, ça n’en est pas moins cher. Au contraire. Chaque année, les frais de première inscription augmentent. Pareillement pour les frais de scolarité, mettant à mal le portefeuille familial.
Des constructions sur le dos des parents ?
Fait d’actualité, l’UCPE/ FCPE (Union des conseils de parents d’élèves, affiliée à la FCPE), a lancé une pétition afin de contrer les augmentations abusives des frais de scolarité pour l’année scolaire 2024-2025. L’association, qui représente la voix des parents d’élèves, fait face à un silence persistant de la part de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
« Les familles s’opposent à ces décisions qui leur imposent de supporter seules, des charges financières devenues insoutenables, sans contrepartie d’amélioration tangible dans la remise à niveau des infrastructures et la qualité de l’enseignement », détaille l’UCPE/ FCPE.
Selon l’association, les frais de scolarité en constante augmentation, sont notamment dus à des investissements immobiliers… La fameuse cité dont nous parlions plus haut. « Nous constatons le manque de visibilité sur les projets immobiliers du pôle. Les travaux promis tardent à se concrétiser, et de nombreux parents vont quitter le système sans voir leur réalisation. Les parents refusent d’assumer à eux seuls la responsabilité des investissements immobiliers. Il est impératif que l’AEFE prenne des mesures concrètes pour mettre fin à cette spirale d’augmentations incontrôlées ».
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Une machine à cash, au détriment de l’éducation
Malgré une augmentation des espaces dédiés à l’enseignement, la suppression des postes déstabilise les classes. « Nous sommes une maîtresse et une aide-maternelle en moyenne section. Cette année, nous avons eu plus de 30 élèves. C’est impossible à gérer, et cela ne nous permet pas de mener à bien le programme imposé par le ministère », nous déclare une maîtresse de l’AEFE.
La surpopulation dans les classes ne permet pas aux professeurs d’encadrer correctement et de suivre le développement de chaque élève. Cela inquiète d’autant plus les parents d’élèves à besoins spécifiques. La maman d’un enfant autiste âgé de dix ans nous raconte que l’école française était, pour son fils, la seule option, à une époque. « Mais aujourd’hui, l’école me convoque trop souvent pour me demander d’ajouter à l’AVS (ndlr : Auxiliaire de vie scolaire), une aide supplémentaire. Je la paye déjà 8.000 dirhams par mois, en plus des frais de scolarité pour mon fils, je ne m’en sors plus ! », explique la maman exaspérée à Le Brief.
Des revendications justes
Mercredi 24 avril, un sit-in a été organisé, par l’UCPE/ FCPE, devant le Lycée Lyautey, afin de mettre en avant les revendications des parents d’élèves.
Parmi les revendications, l’association cite sur sa pétition :
- Les familles ne peuvent pas compenser indéfiniment le manque de dotations de l’État en payant des frais de scolarité de plus en plus élevés chaque année.
- L’État français doit prendre sa juste part dans les investissements immobiliers sur les infrastructures qui lui appartiennent ou qui lui sont données en concession.
- Aujourd’hui, il est inquiétant de voir que la stratégie suivie par la tutelle repose quasi exclusivement sur le développement des établissements partenaires. L’inquiétude des familles atteint son maximum face à cette marchandisation de l’éducation et du réseau qui risque de s’intensifier dans les années à venir.
- La qualité de l’enseignement devrait être à la hauteur des frais de scolarité exorbitants que nous payons, et nous attendons des mesures concrètes et immédiates de la part de l’agence et des instances compétentes.
- Les frais de scolarité ne doivent pas être la seule variable d’ajustement du modèle économique de la tutelle.
De plus, les heures de cours annulés, ne sont pas forcément rattrapées. Et cette situation est de plus en plus pesante pour les parents. Si à une époque au Maroc, il n’y avait que deux options : système marocain ou système français, aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. L’arrivée de nouveaux systèmes, la mise en valeur d’anciennes écoles, reconnues pour leur droiture… mènent les parents vers de nouvelles options de scolarité.
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