Accès à l’électricité : l’énorme chantier africain
568 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité alors que le continent dispose de grands gisements de pétrole, gaz et charbon sans parler d’un potentiel inégalable d’énergies renouvelables (solaire, géothermie, hydroélectricité, éolien). Le rapport « Tracking SDG 7 : The Energy Progress Report » 2022 de la Banque mondiale (BM) pointe du doigt les insuffisances du continent africain en matière d’électrification. Si l’Afrique du Nord tire son épingle du jeu avec quatre pays affichant un taux d’électrification de 100% (Algérie, Maroc, Égypte, Tunisie), l’Afrique subsaharienne est à la traîne avec seulement deux pays 100% électrifiés (Maurice, Seychelles).
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Un énorme retard à rattraper
Selon le rapport « Tracking SDG 7 », plus de la moitié des pays africains enregistrent des taux d’électrification inférieurs à 50%. L’Afrique concentre 77,50% des personnes qui n’ont pas accès à l’électricité dans le monde. La pandémie de Covid-19 a retardé bon nombre de projets à cause notamment des perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et de la réaffectation des budgets pour répondre à la hausse des produits alimentaires et énergétiques surtout après le début de la guerre en Ukraine. Et la situation devrait s’aggraver cette année avec la crise énergétique résultant de la guerre en Ukraine.
L’instabilité politique perturbe aussi l’accès à l’électricité. L’exemple le plus frappant est celui de la Libye. Le pays affichait un taux d’électrification de 100%, mais à cause de la guerre civile, ce taux est en baisse continue, passant de 100% en 2000 à 70% en 2020. Idem pour le Soudan du Sud, pays producteur de pétrole ravagé par la guerre civile, qui affiche le plus faible taux d’électrification au monde avec moins de 8% de la population ayant accès à l’électricité.
Les géants économiques africains restent des colosses aux pieds d’argile quand il s’agit d’électrification. C’est le cas notamment du Nigeria, première puissance économique continentale, avec un taux d’électrification ne dépassant pas 45%. Le Nigeria fait d’ailleurs partie des pays dans lesquels il y a le plus grand nombre de personnes n’ayant pas accès à l’électricité (92 millions), suivi de la République démocratique du Congo (72 millions), l’Éthiopie (56 millions), la Tanzanie (36 millions) et l’Ouganda (26 millions). De plus, plusieurs États du continent souffrent de délestages fréquents.
Un grand potentiel de développement
À la lecture des différents chiffres du rapport « Tracking SDG 7 », on constate que l’Afrique subsaharienne demeure un chantier à ciel ouvert pour brancher l’électricité partout et pour toutes les populations. Le rythme d’installation de la puissance électrique pourra suivre celui de la croissance économique, si et seulement si les financements sont mobilisés. «Le niveau de financement public international disponible pour les projets énergétiques et pour soutenir la réalisation du 7e Objectif de développement durable (ODD) dans les pays en développement est encore insuffisant (…) Améliorer les flux internationaux, mobiliser stratégiquement les fonds publics, utiliser des financements concessionnels pour réduire les risques liés aux investissements et mobiliser davantage de capitaux privés dans des solutions climatiques sont des actions essentielles», précise le rapport.
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Jeudi dernier, Marrakech a accueilli le Conseil d’administration (CA) de Global Sustainable Electricity Partnership (GSEP), une première en Afrique. En marge de ce CA, une conférence générale du GSEP a été organisée sur la thématique « Réduire les disparités, favoriser une électrification pour tous ». Le directeur général de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) et président du GSEP, Abderrahim El Hafidi, a souligné la nécessité de poursuivre les ambitions liées à la sécurité énergétique, à la continuité du développement des énergies renouvelables et au renforcement de la coopération énergétique au niveau international. Les problématiques débattues par les différents intervenants lors de cette rencontre ont ainsi été axées autour du secteur énergétique en Afrique et la nécessité d’assurer le développement des énergies propres, de la garantie d’une électrification juste et équitable pour les utilisateurs finaux et du rôle des services publics. Le focus a été mis sur le rôle que peut jouer l’innovation technologique pour accélérer la transition énergétique.
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Pour rappel, l’ONEE est engagé dans plusieurs projets en Afrique dont des concessions d’électrification rurale au Sénégal, une construction de centrale en Gambie, de programmes d’électrification rurale au Mali, au Tchad et au Niger. Enfin, le raccordement de la ville de Dakhla au réseau électrique national est également une opportunité d’interconnexion avec la Mauritanie. In fine, l’Afrique du Nord sera reliée à l’Afrique de l’Ouest, ouvrant à l’ensemble des pays de la région, des opportunités d’échanger de l’électricité pour un développement pérenne.