Manifestation à Rabat pour réformer la Moudawana. © Rachid Tniouni / Telquel
Plus que quatre mois avant la date butoir fixée par le Souverain pour réviser la Moudawana. Si le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, chargé de piloter la réforme, semble convaincu de la nécessité de garantir l’égalité des droits, les défis sont de taille. Car les amendements attendus doivent prendre en considération le référentiel islamique, les dispositions de la Constitution encadrant la famille (en tant qu’institution fondée sur le mariage et noyau de la société), les orientations royales et les «convictions de la société».
Lire aussi : Code de la famille : osons une réforme de fond !
Mais l’ensemble des forces vives sont optimistes. «Nous avons mené une large concertation avec les ONG et les spécialistes à travers laquelle nous avons trouvé l’existence d’un consensus général autour de la nécessité d’une réforme urgente de la Moudawana», a déclaré Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), à nos confrères de Maroc Hebdo.
Si tous affichent une convergence des positions sur certains points clés, comme l’interdiction du mariage des mineurs par exemple, ils ne se rejoignent pas sur d’autres.
Conserver le référentiel religieux
«Le référentiel islamique est la ligne rouge à ne pas franchir et le point de départ de cette réforme». Le Parti de la justice et du développement (PJD) est intransigeant là-dessus. L’égalité dans l’héritage, l’une des pierres d’achoppement de la réforme, est le sujet où sa position est ferme. Le parti de la lampe refuse tout changement, notamment la suppression de l’héritage par agnation (taâssib). Il en va de même pour le mariage de la musulmane avec le non musulman et par conséquent l’héritage entre époux de religions différentes.
Et en matière d’héritage, il n’est pas le seul à s’opposer à tout changement : le Parti de l’Istiqlal (PI) ne souhaite «rien changer à ce qui est prévu dans les textes incontestables». Bien que moins conservateur que le PJD, le parti de Nizar Baraka affiche un ferme attachement au référentiel religieux. Tous deux sont d’ailleurs favorables au maintien de l’article 400 de la Moudawana, texte qui renvoie aux prescriptions de la doctrine malékite et/ou aux conclusions de l’effort jurisprudentiel (ijtihad) en cas de vide juridique.
Cet article est particulièrement décrié par les militants des droits de la femme. Mais si les associations ne sont pas unanimes sur la suppression du texte, elles appellent à une interprétation en phase avec notre époque et à une réflexion sur la compatibilité de certaines dispositions avec les textes sacrés. Elles estiment que l’interprétation actuelle de la jurisprudence pose problème, notamment en ce qui concerne les droits des femmes.
Lire aussi : Droits des femmes : des progrès accomplis, mais il reste encore beaucoup à faire
Il y a quelques jours, le chef de file du PJD, Abdelilah Benkirane, a soutenu que le maintien de cet article était crucial, arguant que certains pays arabes sont aux prises avec des complexités juridiques dues à l’absence de telles dispositions.
Il est allé même plus loin. Lors d’un discours prononcé au Forum régional des femmes à Fès-Meknès, le secrétaire général a déclaré que ce seraient les femmes, et non les hommes, qui subiraient les conséquences négatives si les initiatives en faveur de l’égalité des genres devaient l’emporter. Faisant des parallèles avec l’Europe, Benkirane a fait valoir que ceux qui prônent «l’égalité mécanique» appartiennent souvent à une «élite francisée» déconnectée des préoccupations sociétales, dépourvue de perspectives religieuses, menant une vie nettement différente de celle de la majorité des Marocains.
Mais réformer !
Si ces deux points sont ceux qui accaparent toute l’attention, d’autres dispositions sont à revoir. Mariage des mineurs, divorce, polygamie, tutelle de l’enfant ou encore preuve de filiation, sont autant de thématiques que la nouvelle Moudawana devra couvrir pour répondre de manière cohérente aux attentes citoyennes.
Lire aussi : Pour en finir avec le mariage des mineures !
Pour le Parti du progrès et du socialisme (PPS), un des premiers partis à avoir réagi à l’annonce de la réforme, il faut abolir totalement et définitivement le mariage des mineures, instaurer l’égalité dans le droit de la tutelle légale des enfants, le partage égal des biens acquis pendant le mariage, durcir les conditions menant à la polygamie et reconnaître l’outil de l’ADN pour prouver l’affiliation en cas de rapports sexuels hors mariage.
استقبلت، يومه الأربعاء 29 نونبر 2023، بمقر أكاديمية المملكة بالرباط، الهيئةُ المكلفة بمراجعة مدونة الأسرة وفدًا عن حزب التقدم والاشتراكية ترأسه الرفيق محمد نبيل بنعبد الله الأمين العام للحزب. pic.twitter.com/Jc680iEMfV
— PPS – حزب التقدم والاشتراكية (@PPSofficiel) November 29, 2023
Des propositions qu’on retrouve également dans les cahiers revendicatifs des associations féministes pour lesquelles le point central de cette réforme demeure sans aucun doute l’instauration de l’égalité entre l’homme et la femme dans tous les domaines de la vie avec la recherche d’un texte qui puisse rétablir la dignité de la femme marocaine.
Le parti du livre propose également «l’annulation complète de l’héritage par agnation, compte tenu des conséquences et problématiques qu’il engendre dans la pratique». De son côté, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) appelle à opérer une révision du système successoral de manière à assurer «sa compatibilité avec les dispositions de la jurisprudence malékite écrite». La Fédération de la gauche démocratique (FGD) est, elle, plus ambitieuse : pour le parti, il faut baser le système successoral sur le testament.
Lire aussi : #BghathaLwa9t : pour une justice de genre égalitaire
Selon son secrétaire général, Driss Lachgar, l’USFP espère que «les amendements qui seront apportés au Code de la famille apporteront plus d’équité». Et d’insister «sur les droits des femmes» et «la préservation des intérêts des enfants», ce qui permettrait, a-t-il déclaré, «d’avoir une société plus équilibrée».
Pour résumer les propositions des uns et des autres, nos confrères de Médias 24 ont réalisé une infographie précise à consulter ici.
Quid du RNI et du PAM ?
Par ailleurs, si le Rassemblement national des Indépendants (RNI) et le Parti authenticité et modernité (PAM) n’ont pas encore rendu publique leurs propositions, il convient de préciser leur position.
Dans sa livraison du lundi 27 novembre 2023, le quotidien Assabah rapportait, citant Amina Benkhadra, présidente de la Fédération nationale des femmes du RNI, que les propositions qu’a «soumis le parti à la Commission en charge de cette réforme se base sur les principes qu’a toujours défendu le RNI». Ceux-ci «s’articulent autour de la démocratie sociale, du renforcement de la cohésion de la famille et sur [le principe de] l’équité». Benkhadra a également précisé que «les propositions soumises par le RNI tiennent également compte des différentes conventions internationales signées par le Royaume, ainsi que sur les dispositions de la Constitution de 2011».
Lire aussi : Nouveau Code pénal : une victoire pour les libertés individuelles selon Ouahbi
Le PAM a, de son côté, toujours accordé un grand intérêt au processus de réforme de la Moudawana visant à moderniser le statut de la famille et de la femme. «Nous avons notre vision et nous comptons bien la défendre», précisait en août dernier Samir Goudar, membre de la formation politique emmenée par Abdellatif Ouahbi. «Dans cette optique, en attendant la nomination de la Commission qui va chapeauter et superviser la révision de la Moudawana conformément aux Hautes instructions royales, le parti va préparer un document qui recueillera ses idées, principes et positions en la matière. Il compte également ouvrir un débat au niveau national pour sonder les attentes des Marocains sur ce thème et ne pas se contenter uniquement des propositions faites en interne», soutient-il.
En 2004, l’adoption du Code de la famille avait été accueillie avec enthousiasme par les organisations de défense des droits de l’Homme et l’ensemble de la société civile. Près de vingt ans après, l’heure est au changement. Espérons qu’il sera à la hauteur des attentes de tous.
MRE, qui ne veut pas de vous ?
DOSSIER - C’est l’histoire d’un MRE qui a failli perdre la vie dans une altercation autour d'une terre. Une affaire sordide où advient aussi le « racisme anti-MRE ».
Sabrina El Faiz - 21 décembre 2024L’école marocaine, un rêve empreint d’inégalité
Société - Malgré des avancées notables, le Maroc continue de faire face à des inégalités éducatives importantes.
Ilyasse Rhamir - 20 décembre 2024Casablanca intègre le C40 des villes engagées pour les actions climatiques
Société - La commune de Casablanca a annoncé son adhésion au réseau mondial C40 des villes, regroupant près de 100 villes engagées dans des actions climatiques.
Mbaye Gueye - 20 décembre 2024Alerte météo : chutes de neige samedi et dimanche
Société - Des chutes de neige sur les hauteurs dépassant les 1.800 m, sont prévues dans certaines provinces du Royaume.
Rédaction LeBrief - 20 décembre 2024Quel est le vrai taux de chômage au Maroc ?
Société - Un jeune Marocain sur deux, âgé de 15 à 24 ans, vivant en milieu urbain, est au chômage selon BAM. Le HCP révèle un taux de 13,6 % et 21,3 % d’après le RGPH.
Ilyasse Rhamir - 19 décembre 2024Latifa Akharbach défend le droit universel à l’éducation numérique
Société - Latifa Akharbach, présidente de la HACA, a souligné que l’éducation à l’information et au numérique doit être considérée comme un droit universel.
Ilyasse Rhamir - 19 décembre 2024Radars fixes : 270 millions gaspillés, une enquête en cours
Société - La BNPJ enquête sur les anomalies relevées par la Cour des comptes concernant le marché public de radars fixes.
Ilyasse Rhamir - 19 décembre 2024Migration : un nouvel axe Maroc-UE en construction
Société - Le Maroc et l’Union européenne (UE) s’apprêtent à franchir une nouvelle étape dans leur collaboration stratégique sur le dossier migratoire.
Ilyasse Rhamir - 19 décembre 2024Les funérailles de Chama Zaz
Khansaa Bahra - 1 octobre 2020Héritage, la succession qui déchire
Société - L'heure n'est pas aux comptes, et pourtant les familles se divisent pour l'indivisible. Immersion dans un héritage déchirant.
Sabrina El Faiz - 9 novembre 2024Notes de route du Sahara
Société - Très impressionnante, l'histoire de sa vie fait d'elle un personnage romanesque. A son premier voyage dans le Sahara, Isabelle Eberhardt, reporter, voyageuse et aventurière, tombe amoureuse de cette terre et de ses gens.
Rédaction LeBrief - 4 avril 2024L’INDH : 18 ans après, quel bilan ?
Société - Lancé en 2005 par le roi Mohammed VI, l’Initiative nationale pour le développement humain souffle aujourd’hui ses 18 bougies.
Hajar Toufik - 18 mai 2023Busway de Casablanca : c’est parti !
Rédaction LeBrief - 1 mars 2024Nouvelles du Maroc
Société - À l'extrême ouest du Maghreb, tête de pont vers les Amériques, point de passage vers l'Europe par le détroit de Gibraltar, le Maroc est un carrefour d'influences unique au monde où se mélangent modernité et traditions.
Rédaction LeBrief - 1 avril 2024Le racisme expliqué à ma fille
Société - Un enfant est curieux. Il pose beaucoup de questions et il attend des réponses précises et convaincantes. C’est en m’accompagnant à une manifestation contre un projet de loi sur l’immigration que ma fille m’a interrogé sur le racisme.
Rédaction LeBrief - 22 mars 2024Bidonvilles, pourquoi y en a-t-il encore ?
Dossier - Ces habitats se concentrent dans les périphéries ou au sein de bidonvilles, où les efforts de résorption peinent à suivre.
Sabrina El Faiz - 30 novembre 2024