Les raisons derrière la décision du Maroc de suspendre «tout contact» avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat ainsi qu’avec l’ensemble des «organismes de coopération et fondations politiques allemandes» dans le Royaume, n’ont toujours pas été expliquées.L’onde de choc provoquée par la lettre que le ministère des Affaires étrangères a adressée le 1er mars à tous les départements gouvernementaux, et qui annonçait cette décision, continue de s’intensifier. Ce mardi 2 mars, le magazine allemand Bild et l’agence Bloomberg ont rapporté que le secrétaire d’État allemand du ministère fédéral des Affaires étrangères a convoqué Zohour Alaoui, l’ambassadrice du Maroc à Berlin. Cette dernière a été sollicitée «pour une discussion urgente et pour expliquer» la récente démarche marocaine concernant la représentation diplomatique germanique au Royaume, ainsi que les «malentendus avec la République fédérale d’Allemagne» soulignés dans la missive du chef de la diplomatie Nasser Bourita. Pour le gouvernement allemand, en convoquantZohour Alaoui, il soutient qu’il n’y a aucune raison de compromettre ses relations diplomatiques stables et constantes avec Rabat.
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Plusieurs différents politiques entre les deux pays
Dans la presse nationale, trois motifs clés reviennent le plus souvent pour expliquer la décision de la diplomatie marocaine. Le premier concerne le dossier libyen et l’écartement du Maroc du sommet de Berlin sur la Libye, qui a eu lieu en janvier 2020. Cette réunion, organisée par la chancelière Angela Merkel, avait rassemblé les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) ainsi que certaines puissances régionales, dont la Turquie, l’Italie etles Émirats arabes unis, et les voisins immédiats de la Libye, notamment l’Algérie et l’Égypte. Et bien qu’elle partage quelque 500 kilomètres de frontière avec la Libye, la Tunisie, comme le Maroc ontégalement été exclude ce sommet. En réponse, le Royaume a émisun communiqué, pour lui rappeler le rôle qu’il a joué dans la signature des accords de Skhirat en 2015. Tout en soulignant son mécontentement face à la décision de Berlin, il a également lancé dans sa missive que l’Allemagne est très éloignée «de la région et des complexités de la crise libyenne», pour en cerner tous les enjeux, comme l’indique TelQuel.
La deuxième raison justifiant la suspension des relations avec la représentation diplomatique allemande au Maroc serait l’inflexibilité du pays européen face à la question du Sahara. D’après Yabiladi, la réaction «hostile» de l’Allemagne face à la reconnaissance de la marocanité du territoire par Donald Trump en décembre a irrité le Royaume. En effet, le gouvernement allemand avait convoqué une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour contester la signature de la proclamation de l’ex-président américain, et les partis de l’opposition sont même allés jusqu’àproposer uneloi pourcondamner la décision américaine. Une loi qui a été bloquée par la Commission des affaires étrangères au sein du Parlement allemand.
Pour la troisième motivation,Deutsche Welle évoque la décision du parlement de l’État allemand de Brême de hisser le 27 février dernier le drapeaudu Polisariosur la façade de son bâtiment, pour marquer les 45 ans de la fondation dela république fantoche.
La stratégie de «tension sans la rupture diplomatique»
D’après Yabiladi, la décision du Maroc concernant l’ambassade et les organismes allemandsdans le Royaume reflète l’adoption de la stratégie de «tension sans la rupture diplomatique». Ladite stratégie a été utilisée, selon le média, à plusieurs reprises par le gouvernement marocain pour «lancer des représailles ciblées contre certains de ses partenaires européens». À titre d’exemple, la même source évoquela «suspension de l’exécution de toutes les conventions de coopération judiciaire avec la France, décrétée le 26 février 2014 par le ministère de la Justice dirigé alors par El Mostapha Ramid». Bien qu’officiellement cette décision avait été «justifiée par le souci de remédier aux dysfonctionnements qui entachent ledit accord entre Rabat et Paris», mais elle aurait été motivée par le mandat d’arrêt lancé contre Abdellatif Hammouchi, patron de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), par une juge françaisel’accusant de«complicité de torture». Après une année de froid, les deux pays ont repris leur coopération judiciaire en échange de concessions françaises à la partie marocaine.
De plus, le Maroc a adopté la même stratégie en 2016 contre l’Union européenne (UE), et ce après que la Cour de Justice de l’UE a enlevé la régiondu Sahara de tout accord de coopération avec le Royaume. Le porte-parole du gouvernement à l’époque Mustapha El Khalfi avait condamné «le caractère hautement politique de cette décision, ses arguments infondés, sa logique biaisée et ses conclusions contraires au droit international et en désaccord avec les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU». La colère de l’exécutif a finalement permis au Maroc de conclure, le 25 octobre 2018, l’accord portant sur l’échange de lettres modifiant les protocoles n°1 et n°4 de l’accord établissant une association entre le Royaume et l’UE.
Bien que la stratégie de «tension sans la rupture diplomatique» lui a permis de faire pression sur ses partenaires européens, rien n’indique qu’elle marchera avec l’Allemagne. De plus, la multiplication des spéculations quant aux raisons de cette décision ainsi que le manque d’explications de la diplomatie marocaine ne font qu’attiser la confusion générale. Affaire à suivre…
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