LeBrief : En 2020, le secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP)en généralet celui de l’immobilier en particulieront été fortement impactés par les bouleversements causés par la pandémie du nouveau coronavirus. Quel est l’état des lieux en ce 1er trimestre2021 ?
Nouzha Bouchareb : Plusieurs indicateurs ont démontré que la crise sanitaire a eu un impact négatif sur le secteur, notammentla consommation du ciment qui avait baissé de plus de 17% au 1er semestre 2020 comparé à la même période de 2019, dû à l’arrêt quasi total des chantiers, des intervenants, des services liés à la construction. Il y a eu la mobilisation avec les partenaires du secteur privé et public afin de redynamiser le secteur, chose qui a effectivement eu lieu à partir du mois de juillet oùles indicateurs ont commencé àretournerà leur normalité.
En janvier 2021, les ventes du ciment ont enregistré 1.037.005 de tonnes contre 1.182.198 de tonnes écoulées en janvier 2020. Ce qui démontre d’une bonne performance au regard de la situation toujours persistante de la pandémie et de tout ce qui s’ensuit en termes de gestes barrières et de distanciation toujours obligatoires dans les chantiers.
LeBrief : Quels sont les segments qui n’ont toujours pas commencé à sortir de l’ornière ?
Nouzha Bouchareb : Le secteur de l’immobilier est constitué de deuxgrandes composantes, à savoir la propriété et la location. La composante « propriété » regroupe toutes les typologies confondues. L’activation de la dynamique des transactions immobilières est assurée grâce aux mesures fiscales relatives à la facilitation relative aux droits d’enregistrement dédiée à tous les segments pratiquement, du logement à faible valeur immobilière à celui n’excédant pas 4 millions de DH, en passant par les logements de la classe moyenne ainsi que les terrains destinés à la construction.
L’année 2020 était une année de sauvegarde des acquis et d’efforts de maintien de l’activité, ce qui a aidé à dessiner les contours de la nouvelle vision permettant de mettre en exergue de nouveaux programmes.
La composante « location » permet quant à elle de disposer d’un cadre fiscal assez attrayant pour les investisseurs, grâce à l’intégration du locatif dans le régime des Organismes de placement collectif immobilier(OPCI), ceci constituera une nouvelle ouverture d’investissement dans le secteur.
En complément, il y a la préparation d’un produit de garantie des loyers qui pourrait être utilisé par les assurances dans l’avenir pour sécuriser la location et rassurer les bailleurs.
LeBrief : Les prix et les transactions se sont redressés au 3e trimestre 2020 et les crédits immobiliers octroyés ont également progressé. Pourtant, les promoteurs parlent d’une crise qui perdure et de séquelles importantes malgré les mesures de soutien décidées par le Comité de veille économique (CVE). Que leur répondez-vous ?
Nouzha Bouchareb : La crise a impacté le secteur à l’instar des autres branches économiques, il s’agit d’une crise mondiale et non nationale. Les analyses prospectives parlent d’un retour à la normalité d’ici deux ans. Aujourd’hui, le plus important est de stabiliser l’activité, la prochaine étape demande de l’innovation et une volonté commune pour relancer ce secteur. Les procédures d’instruction des dossiers d’investissement ont été réformées, et la mise en place des réponses concrètes à travers une nouvelle démarche d’appui à la demande permet d’accéder facilement au logement et de réguler par la même occasion ce secteur. Cette vision sera mise en place après la préparation de toutes ses conditions de réussite.
LeBrief : La Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) revendique une aide directe pour les acquéreurs afin de booster la demande. Peut-on imaginer un mécanisme d’aide pour l’accession à la propriété ?
Comme déjà évoqué précédemment, les efforts de maintien de l’activité ont donné le résultat attendu. Aujourd’hui, et avec les partenaires, dont la FNPI, nous avons travaillé ensemble sur un système d’aide à la demande tout en rétrogradant sur la défiscalisation du secteur. Cette initiative a été couronnée par le montage d’un programme intégré qui est en cours de paramétrage et sa mise en place sera effective dès que tous les aspects seront résolus.
LeBrief :Votre département a commandé une étude à la Banque mondiale pour lancer une nouvelle loi sur le logement social. Quelle est votre approche sur ce dossier ?
Nouzha Bouchareb :Elle repose sur une collaboration avec la Banque mondiale pour une nouvelle vision des programmes de logements sociaux après 2020. La principale idée mise en avant est de passer à un système d’aide directe dédié aux acquéreurs. Cette proposition a été détaillée en la contextualisant à la réalité marocaine et en la ventilant sous forme de plusieurs scénarios proposés aux partenaires.Toutefois en raison des restrictions budgétaires dictées par lapandémie, l’étude de cette proposition est remise à plus tard, lorsque le rendement économique sera meilleur et la reprise plus stable.
LeBrief : Qu’en est-il du Code de l’urbanisme ? Le dispositif juridique date des années 1990. Est-ce qu’il n’est pas temps de réformer cette loi ?
Nouzha Bouchareb : En matière d’urbanisme, nous sommes conscients qu’il y a des lois complètement dépassées et obsolètes, parfois inapplicables ou en déphasage avec la réalité et l’évolution du marché. S’yajoute la dispersion des textes régissant l’urbanisme. Ceci nous appelle à une reprise de l’ensemble du dispositif pour produire un Code de l’urbanisme, moderne et cohérent.
LeBrief : Vous misez énormément sur la digitalisation. Concrètement, quel a été l’apport de la généralisation de la dématérialisation ?
Nouzha Bouchareb :Dans le cadre des actions menées pour une relance économique, conformément aux Hautes Orientations royales, le ministère de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville a veillé à poursuivre les efforts menés en matière de simplification des procédures et d’amélioration de l’environnement de l’investissement, à asseoir un climat des affaires stable, attractif et favorable au redémarrage de l’investissement et à accompagner les opérateurs économiques et les professionnels en mettant à leur disposition une plateforme dédiée d’orientation et d’accompagnement technique et à s’inscrire dans la dématérialisation des procédures.
Nous avons également veillé à renforcer le climat de confiance à travers le positionnement des agences urbaines, en tant qu’acteurs facilitateurs à l’écoute des territoires et des citoyens et à généraliser les services en ligne.
Concernant les 29 agences urbaines sous tutelle, 19 mesures ont été lancées visant la dématérialisation des procédures au service de l’investissement et des citoyens. À fin décembre 2020, la généralisation de la digitalisation des services fournis par les agences urbaines a atteint 96% contre 55% en mars dernier. S’y ajoute le lancement officiel d’un géoportail national pour faciliter davantage l’accès à l’information aux citoyens, aux acteurs locaux et aux investisseurs. Cette plateforme permettra d’accéder gratuitement aux documents d’urbanisme homologués.
Des efforts de professionnalisation du secteur sont également fournis à travers la digitalisation de toute la procédure de la certification des entreprises et de la normalisation des matériaux de construction.
LeBrief : Pour finir, vous restez confiante par rapport à la reprise tant espérée en 2021 ?
Nouzha Bouchareb : Je suis très sereine en ce qui concerne l’avenir de ce secteur, la reprise est confirmée par tous les indicateurs, et ce depuis juillet dernier. La vision relative à la réforme de tous les programmes que nous menons ainsi que ceux menés par le privé aidera certainement à stabiliser l’immobilier pendant au moins une année le temps que cette pandémie décline. Cela va aider le secteur à se réguler et les prix à baisser sensiblement. Par la suite, la dynamique reprendra son cours évolutif, surtout que nous tablons sur le segment de la classe moyenne et sur le locatif qui pourront réellement prendre leur envol dans la prochaine période.
L’année 2020 a été une année de concrétisation des résultats et de lancement de nouveaux projets au profit des territoires et des populations. Il n’en demeure pas moins qu’elle a mis devant nous suffisamment de défis.Des défis liés principalement aux répercussions de la pandémie deCovid-19 et du confinement qui s’en est suivi,tant par rapport à l’avancement des chantiers structurants que surla recherche des voies et moyens de sortir de la crise avec le moins de séquelles, sinon aucune.
Nous veillons à accompagner les collectivités territoriales dans leurs actions de développement en leur apportant l’appui institutionnel nécessaire et en contribuant au financement des programmes de développement qu’elles initient. Nous incitons également les collectivités locales à concevoir des projets intégrés; des projets élaborés autour de vocations bien identifiées: touristique, industrielle, agricole, écologique, culturelle, etc., susceptibles d’encourager l’autonomisation des populations sur le plan financier et de maintenir l’économie locale en marche.
Enfin, tout est fait pour maintenir ouverts les chantiers prioritaires de développement pour relancer le dynamisme des territoireset continuer d’injecter les fonds et débloquer les subventions nécessaires à l’implémentation des projets de partenariat, tels sont nos objectifs pour cette année 2021. Et pour cela nous sommes très confiants.
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