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« Séparatisme islamiste » : précisions sur le projet de loi controversé de la France

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Le projet de loi «confortant le respect des principes de la République française» et visant à lutter contre le « séparatisme islamiste » dans l’Hexagone a été adopté ce mardi 16 février par les députés de l’Assemblée nationale. Le texte a été approuvé par 347 voix pour, 151 voix contre et 65 abstentions. C’est le Sénat qui prendra désormais le relais à partir du 30 mars pour l’examen de cette législation très controversée, jugée par les représentants des 5,7 millions de musulmans français et par les partis de gauche comme «très hostile» envers cette large communauté.

Après des mois de controverse et 135 heures de débat parlementaire, les députés français de l’Assemblée nationale ont approuvé lemardi 16 février un projet de loi visant à réprimer le « séparatisme islamiste ». Ce texte a été adopté par 347 voix contre 151 à la chambre basse du Parlement, où le parti centriste au pouvoir du président Emmanuel Macron et ses alliés détiennent la majorité. Apartir du 30 mars, la législation sera examinée par leSénat, où l’opposition de centre-droit domine.

Ce projet de loi a été jugé discriminatoire vis-à-visde la communauté musulmane de l’Hexagone, qui compte5,7 millions de personnes et qui est la plus importante d’Europe. Parmi les détracteurs de cette législationfigurent 100 imams, 50 professeurs de sciences islamiques et 50 présidents d’associations religieuses en France qui ont signéle 10 février une lettre ouverte contreson adoption.

Lire aussi :La France mobilisée contre le «séparatisme islamiste»

Pourquoi introduire cette loi maintenant ?

Lors de son discours du 2 octobre 2020, le président français avait appelé à la «lutte contre le séparatisme». Il avait dénoncé une tendance de « séparatisme islamiste » qui cherche à créer une «contre-société», rejetant la forme stricte de lalaïcité du pays, de l’égalité entre les sexes ainsi que d’autres aspects de la loi française. Après cette allocution, Macron a été accusé de céder à l’extrême droite à l’approche des élections présidentielles de 2022. Et son affirmation que «l’Islam est une religion en crise dans le monde entier» avait provoqué l’ire de plusieurs pays étrangers, dont la Turquie et son dirigeant Tayeb Recep Erdogan.

Puis, deux semaines après ce discours très controversé, le débat sur le « séparatisme islamiste » est parti de plus belle suite au meurtre de l’enseignant Samuel Paty. Ce derniera été décapité par un adolescent radicalisé d’origine tchétchène, après avoir montré à ses élèves les caricatures de Charlie Hebdoqui insultent le prophète Mohammed et l’Islam. Pour les partisans de cette nouvelle loi, l’assassinat de Paty a souligné la nécessité d’une action gouvernementale plus ferme. Mais les critiques ont estimé que cette même loi stigmatise davantage lesmusulmans français et les pousse à s’accrocher plus à leur identité religieuse et communautaire.

Lire aussi :Caricatures et liberté d’expression : grandes tensions après les propos de Macron

Quel sera l’effet de cette loi ?

Les articles les plus importants de ce projet de loivisent àréprimer les discours et les actions de personnes ou d’organisations religieuses qui subvertissent les valeurs fondamentales de la République française. «La République ne dispose pas de moyens suffisants pour agir contre ceux qui veulent la déstabiliser», précise la législation. Selon l’Agence France Presse (AFP), le texte en question étendrait considérablement les pouvoirs de l’État, lui permettant de fermer des organisations religieuses et des lieux de culte s’il s’avère qu’ils diffusent des «théories ou des idées» qui «provoquent la haine ou la violence envers une ou plusieurs personnes». Il exigera également de toutes les associations qu’elles s’engagent par écrit à respecter les «valeurs républicaines» pour continuer de bénéficier des subventions de l’État.

De plus, afin de sévir contre les financements religieux provenant de pays tels que la Turquie, le Qatar ou l’Arabie saoudite, la loi exigera desdites associations qu’elles déclarent les dons supérieurs à 10.000 euros et qu’elles fassent certifier leurs comptes. Et un nouveau crime de «séparatisme», présenté comme le fait de menacer un fonctionnaire afin d’obtenir «une exemption totale ou partielle ou une application différente des règles ou des lois en vigueur», serait puni de cinq ans de prison au maximum.

Lire aussi :Une ONG musulmane dissoute en France

Quelles sont les restrictions envisagées par cette loi ?

L’un des articles phares de ce projet de loia été inspiré del’affaire Samuel Paty, qui, avant son assassinat, avait fait l’objet d’une campagne de haine en ligne lancée par un parent d’élève de son école. Ainsi, selon ce nouvel article, exposer des informations personnelles sur une personne en sachant que cela la mettrait en danger est désormais considéré commeun délit, passible de trois ans de prison et d’une amende de 45.000 euros au maximum.

En outre, cette nouvelle législationinterditaux médecins d’examiner les filles pour établir si elles sont vierges, «une pratique non scientifique parfois exigée par les familles avant les mariages religieux», dénonce le gouvernement. Elle renforcera aussi les contrôles sur l’enseignement à domicile et autorisera les pouvoirs de l’État à fermer des écoles religieuses privées, si ces dernières favorisent ou défendent l’extrémisme.

Lire aussi :Caricatures du prophète Mohammed : le dérapage de la France

Qu’est-ce qui ne figure pas sur le texte de loi ?

Bien que le texte d’introduction fasse référence à la menace de l’«islamisme», les articles du projet de loi sont formulés de manière à couvrir toutes les organisations confessionnelles et ne visent pas explicitement les musulmans ou les organismes islamiques. La Constitution française interdit d’ailleurs toute discrimination fondée sur la religion, ce qui signifie que la loi doit être rédigée de manière à s’appliquer à tous les citoyens.

Toutefois, le Parti républicain de droite et le Rassemblement national d’extrême droite ont tous deux fait pression, au cours du processus de rédaction de cette loi, pour que le port du foulard islamique (hijab) en public soit soumis à des restrictions plus strictes, le considérant comme «une manifestation d’islamisme». La loi française interdit déjà le port de «symboles religieux ostentatoires» dans les écoles, tandis que les couvre-chefs complets comme le niqab et la burka sont également interdits en public.

Le gouvernement a cependant rejeté les appels à l’interdiction du hijab dans les universités ou dans la rue, mais la loi va étendre l’exigence de «neutralité religieuse» qui s’applique déjà aux travailleurs du secteur public. Ainsi, les personnes travaillant pour des entreprises privées qui fournissent des services publics, notammentle personnel des aéroports ou certains types de travailleurs des transports par exemple,ne seront plus autorisées à porter des vêtements religieux.

Lire aussi :Terrorisme : ouverture du procès « historique » des attentats de Charlie Hebdo

Enfin, l’AFP rapporte que ce projet de loi a été jugé hostile aux musulmans par une partie de la gauche, notamment par La France insoumise. Le texte sera examiné par le Sénat à partir du 30 mars, et Bruno Retailleau, chef de file de la droite majoritaire, envisage déjàla suppressionde l’article controversé sur l’école à domicile, l’introduction de la notion de « séparatisme islamiste » et l’interdiction du voile dans les lieux publics.

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