Gazoduc © DR
Les discussions concernant leprojet du Gazoduc Nigéria-Maroc ont été relancées par le roi Mohammed VI. En effet, ce dimanche 31 janvier, le Souverain s’est entretenu par téléphone avec le président nigérian Muhammadu Buhari. Lors de cet échange, les deux dirigeants ont loué la qualité des relations bilatérales qui unissent leurs deux nations depuis 2016 et ont exprimé leur détermination à les consolider davantage. À cet effet, ils ont évoqué le très ambitieux projet du Gazoduc Nigéria-Maroc, qui devrait relier 13 pays africains et qui pourrait devenir une référenceéconomique et politique des relations Sud-Sud.
Les détails de ce chantier d’envergure
Actuellement, le continent africain dispose de deux gazoducs importants : le West African Gas Pipeline qui relie le Nigéria au Ghana, en passant par le Bénin et le Togo, et le Pedro Duran Farell qui relie l’Algérie à l’Europe à travers l’Espagne, en passant par le Détroit de Gibraltar et le Maroc. Le Gazoduc Nigéria-Maroc, qui impliquerait la plupart des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), vise une connexion avecle West africain Gas Pipeline. Ce projetnécessite un budget global de 20 à 25 milliards de dollars etva s’étendre sur 5.660 kilomètres en traversant13 pays, à savoir leNigéria, leBénin, leTogo, leGhana, la Côte d’Ivoire, leLiberia, la Sierra Leone, les deux Guinée, la Gambie, le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc.
C’est lors dela visite de 2016 du roi Mohammed VI au Nigéria que ce projet a été annoncé pour la première fois. En mai 2017, le Maroc et le Nigériaont signé des accords de coopération afin de parrainer une étude de faisabilité et une pré-étude des détails (FEED), dont les résultats ont été rendus début 2019. Aussi, des accords portant sur la construction de ce gazoduc ont été actés en juin 2018 à Rabat. La phase pré-étude, qui comme l’étude de faisabilité a été effectuée par le cabinet britannique Pempsen,a également concerné la signature d’accords liés à la réalisation de ce projet par les pays traversés et la CEDEAO, mais aussi la détermination et la validation des volumes de gaz destinés à l’Europe.
Outre Pempsen, ce chantier implique plusieurs autres acteurs privés. Sans oublier que l’Office national des hydrocarbures et des mines du Maroc (ONHYM) et la Nigerian national petroleum corporation (NNPC) ont également joué un rôle non négligeable dans la définition du tracé, offshore et onshore, du gazoduc. Et pour le financement de ce projet, des banques internationales de développement ont été sollicitées pour soutenir les fonds mobilisés par le Maroc (Ithmar Capital) et le Nigéria (Nigerian sovereign investment authority (NSIA)).
Le Gazoduc Nigéria-Maroc, «un cordon de vie»
Pour mieux comprendre et cerner l’ampleur de ce chantier, la rédaction de LeBrief.ma a contacté Amine Laghidi, expert International, vice-président (VP) d’ASMEXet VP du Congrès africain des mines et énergies. Ce dernier a affirmé que le Gazoduc Nigéria-Maroc est «un projet à la hauteur des ambitions du Maroc et du Roi», qui vient assoir la position du Royaume comme «locomotive du potentiel africain». Pour l’expert «certes ce projet obéit à des enjeux stratégiques etpolitiques, mais il représente surtout une opportunitééconomique sans précédent pour les parties concernées». Pour le Nigéria, 22e producteur mondial de gaz, 5e exportateur dans le monde et premier en Afrique, ce gazoduc est une aubaine, d’autant plus que son budget dépend à 95% de cette industrie. À ce jour, ce pays, disposant d’une réserve de cinq trillions de m3 de gaz naturel, en exporte 45 milliards par an. De ce fait, une optimisation du coût du transport de ce produit, qui se fait sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), serait un plus pour le Nigéria. À noter que c’est la centrale nigériane de Bonny Island, située à l’est du pays (le sud géographique), qui traite et liquéfie le gaz du pays avant son exportation, nous explique Amine Laghidi.
De plus, parmi les principaux clients du Nigéria, on retrouve l’Inde (40% du volume de gaz exporté) ainsi que la France et l’Espagne (45%). La position du Maroc comme portail de l’Afrique faciliterait ainsi les exportations vers le sud de l’Europe. Selon notre interlocuteur, le Royaume dispose de trois centrales thermiques qui utilisent le gaz naturel, notamment lesstations de Tahaddart à Tanger, de Mohammadia et d’Al Wahda dans la province de Ouezzane, précisant qu’il existe une étroite «corrélation entre l’électricité, la disponibilité du gaz et le développement industriel». Et d’ajouter que le Maroc est le pays qui a la plus haute couverture électrique en Afrique. De ce fait, le nouveau gazoduc servira de «vecteur de développement, de création d’emplois et de consolidation des investissements étrangers» pour le pays, et ce en raison de sa qualité de «projet à revenu stable» ainsi qu’à la demande croissante en gaz.
Par ailleurs, poursuit l’expert, ce gazoduc, qui traversera 13 pays «par voies terrestre et maritime», permettra aux pays concernés d’édifier les structures nécessaires pour injecter leur propre gaz et l’exporter, dans le cadre d’accords convenus à cet effet. Aussi, ce projet soutiendra la transformation alimentaire et des engrais, tout en améliorant la compétitivité des exportations entre pays africains.
Enfin, à travers le Gazoduc Nigéria-Maroc, Rabat et Abuja cherchent avant tout à assurer l’indépendance énergétique de l’Afrique de l’Ouest vis-à-vis de l’extérieur. La concrétisation de ce projet permettra effectivement à cette région de s’autosuffire en termes d’électrification et profitera à plus de 300 millions de personnes, et la placera également comme nouveau pôle d’approvisionnement en gaz naturel, au côté de la Russie, la Norvège et de l’Algérie.
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